Alors que les pouvoirs publics vantent régulièrement leur mobilisation en faveur du « bien-être au travail », les chiffres publiés ces dernières semaines par la Sécurité sociale et Eurostat dressent un tableau beaucoup plus sombre. En 2024, près de 1 300 personnes ont perdu la vie en France du fait de leur travail. Et selon les données européennes, notre pays détient le triste record du plus grand nombre de morts au travail de l’Union européenne.
Une hécatombe silencieuse : 3 morts par jour
Le rapport annuel de la branche Accidents du travail – Maladies professionnelles (AT-MP) de l’Assurance maladie est sans appel : 764 salariés du secteur privé sont décédés des suites d’un accident du travail en 2024, un chiffre en hausse continue depuis 2018. À cela s’ajoutent 318 décès lors de trajets domicile-travail et 215 morts liées à des maladies professionnelles, portant le total à 1 297 victimes. Soit plus de trois morts par jour.
Des chiffres glaçants, qui n’incluent ni les fonctionnaires, ni les travailleurs agricoles, ni une partie des indépendants, pourtant eux aussi exposés à des conditions de travail parfois très dures.
Les jeunes et les femmes en première ligne
La situation est particulièrement préoccupante pour les jeunes. Plus d’un décès sur cinq survient dans l’année suivant l’embauche, et cette proportion grimpe à plus de 50 % chez les moins de 25 ans. Pour les syndicats et les associations de victimes, comme la FNATH ou l’UNSA, ces drames s’expliquent par le manque de formation, la précarité, et une prévention déficiente dans de nombreuses entreprises.
Autre tendance inquiétante : le nombre d’accidents du travail impliquant des femmes a bondi de 26 % depuis 2001. Une évolution que l’UNSA attribue à l’absence de prise en compte des spécificités de genre dans les évaluations des risques professionnels.
Maladies professionnelles : une vague silencieuse
En parallèle des accidents, les maladies liées au travail progressent rapidement. En 2024, leur nombre a augmenté de 6,7 %, avec notamment :
- +6,6 % pour les troubles musculo-squelettiques,
- +8,5 % pour les pathologies liées à l’amiante,
- et surtout +9 % pour les troubles psychiques.
Ces derniers, en forte hausse depuis la crise sanitaire, sont largement sous-déclarés. La santé mentale, pourtant proclamée « grande cause nationale », reste un angle mort de la politique de prévention en entreprise.
La France, mauvais élève européen
Les données d’Eurostat pour 2023 confirment cette alerte. La France déplore 811 morts au travail, loin devant l’Italie (473), l’Allemagne (403) ou l’Espagne (355). Rapporté au nombre d’actifs, notre pays affiche un taux de 3,6 décès pour 100 000 travailleurs, contre 1,63 pour la moyenne européenne.
Même si ces chiffres doivent être lus avec prudence — le système français ayant une méthodologie plus large de comptabilisation — l’écart demeure flagrant.
Concernant les accidents non mortels entraînant au moins quatre jours d’arrêt, la France est là encore championne d’Europe : plus de 2 700 accidents pour 100 000 travailleurs, contre 2 493 au Portugal ou 2 320 en Espagne.
Des secteurs à haut risque
La construction reste le secteur le plus meurtrier en Europe, concentrant 24 % des décès, suivie par les transports, l’industrie manufacturière et l’agriculture. Des milieux majoritairement masculins, ce qui explique une forte surreprésentation des hommes parmi les victimes (deux tiers des accidents graves dans l’UE).
Une prévention jugée insuffisante
Au-delà du coût humain, les conséquences économiques sont lourdes. En 2024, 78 millions de journées d’absence liées à des accidents ou maladies professionnelles ont été recensées, soit l’équivalent de 334 000 postes à temps plein.
Face à ce constat, la FNATH appelle à une réaction rapide de l’État : renforcement de la prévention, amélioration de la formation, meilleure reconnaissance des pathologies, et protection accrue des salariés les plus vulnérables.
L’UNSA réclame quant à elle une stratégie nationale ambitieuse, incluant :
- des moyens de contrôle renforcés,
- des formations adaptées,
- une prise en compte du genre dans les documents d’évaluation des risques,
- et un accompagnement spécifique pour les jeunes embauchés.
Alors que les gouvernements successifs ont souvent reculé l’âge de la retraite au nom de l’équilibre budgétaire, ils semblent incapables de garantir la sécurité de ceux qui travaillent. Une contradiction majeure, à l’heure où l’on exige des Français qu’ils prolongent leur activité professionnelle.
Travailler ne devrait jamais tuer. Pourtant, en France, c’est encore une réalité quotidienne. À l’heure des grandes causes sociétales subventionnées à coups de millions, la protection des travailleurs — ces « invisibles » qui font tourner l’économie — reste le parent pauvre de l’action publique.
[cc] Article relu et corrigé (orthographe, syntaxe) par ChatGPT.