Le combat de Trump contre l’État profond passerait-il par la fin de l’Union européenne ?

On pourrait légitimement se demander quel est le rapport entre l’État profond américain et l’Union européenne. Pour avoir la réponse, il faut remonter le temps de quelques décennies. Dans l’avant-propos de son livre « l’État profond américain », Peter Dale Scott, qui enseigna à Berkeley,  écrit : « L’État profond américain devrait être une préoccupation universelle, et particulièrement en France. Ce système renforce le milieu supranational des super-riches (le supra-monde), dont seulement 80 d’entre-eux possèdent autant que 3,5 milliards d’êtres humains. Grâce à la croissance récente et colossale de la richesse à travers le monde, ceux qui composent l’« élite de pouvoir globalisé » réunie chaque année au Forum de Davos ont aujourd’hui plus d’influence sur la gouvernance mondiale que ceux qui siègent à l’Assemblée Générale des Nations-Unies. 

Les participants de Davos n’ont pas besoin de donner leurs instructions à l’État profond américain qui s’est structuré pour satisfaire les intérêts de Wall Street et d’autres milieux dont celui du crime organisé. Certains éléments de ce supramonde font partie des « élites de l’ombre, dont l’influence découle de moyens illicites ou non-conventionnels. » 

(…) « Depuis l’après-guerre, ce système de gouvernance opaque et informel s’est progressivement internationalisé. Dans les années 1980, William Casey – le directeur de la CIA sous la présidence Reagan- contourna sa propre agence pour financer la guerre secrète contre les Soviétiques en Afghanistan. Pour ce faire, il eut recours aux services de la BCCI  (Banque of Credit and Commerce International), une multinationale bancaire  corrompue et impliquée dans le trafic de drogue global, qui était enracinée au Pakistan, au Luxembourg, en Arabie saoudite ainsi qu’à Abou-Dhabi. Plus récemment, des éléments de l’État profond américain – notamment la puissante entreprise de services pétroliers Halliburton – se sont mis à l’abri de la supervision des autorités US en délocalisant leurs sièges sociaux dans les capitales moins régulées du golfe Persique ».

Je laisse naturellement à Peter Dale Scott la responsabilité de ses propos, mais force est de reconnaître qu’ils peuvent éclairer d’un jour nouveau ce qui se passe dans le monde sous nos yeux.

Une reprise de contrôle progressive de l’administration américaine

Pour son second mandat, Donald Trump n’a pas voulu laisser en place des gens dont il n’était pas sûr de leur loyauté envers lui. Son plan, mûri établi à l’avance, fut appliqué à la lettre et il pût ainsi reprendre le contrôle des postes les plus stratégiques tels que le renseignement ou l’armée. Cependant, il n’a pas voulu se confronter immédiatement avec le « complexe militaro-industriel », partie intégrante de l’État profond, et préféra d’abord agir afin d’éteindre les différentes guerres partout où il le pouvait. Ceci explique en particulier son attitude concernant la guerre russo-ukrainienne. En proposant aux alliés européens de leur vendre les armes qu’ils allaient fournir à l’Ukraine, il agissait dans l’intérêt du complexe militaro-industriel, du moins en apparence. Certains sont surpris de voir la violence avec laquelle Donald Trump s’attaque au trafic de drogue et notamment les moyens militaires employés contre les trafiquants. Elle est logique si l’accusation portée par P D Scott est avérée. Plusieurs éléments convergent pour appuyer cette hypothèse et il les a rassemblé dans un autre livre intitulé « american war machine » en y consacrant un chapitre entier : « les États-Unis et leur guerre corrompue par la drogue » dans lequel il décrit les mécanismes qui ont permis de développer la production de drogue dans les pays dans lesquels l’armée américaine intervenait.

Donald Trump veut également mettre un terme rapide à cette guerre en Ukraine. Il répète qu’elle n’aurait jamais dû éclater, que s’il avait été au pouvoir, il l’aurait empêché et qu’elle doit s’arrêter au plus vite. Après avoir soufflé le chaud et le froid sur son éventuel soutien à l’Ukraine, il s’est finalement rapproché de la Russie. Peut-être a-t-il voulu se donner un peu de temps pour préparer son attaque sur l’État profond supranational tel que définit Peter D. Scott afin de mieux le circonscrire ? C’est ce qui vient à l’esprit. Les premières attaques contre l’Union Européenne sont venues de son vice-président JD Vance et de son ami Elon Musk. Sans en prononcer le nom, elles dénonçaient, au travers du manque de démocratie de l’U.E. et du mépris dans lequel certains de ses dirigeants tenaient les peuples, ce qui est devenu le mode de fonctionnement de cet État profond européen.

Une option lourde de conséquences

Ce choix fait par Donald Trump de se rapprocher de la Russie dépasse  naturellement le cadre de la guerre en Ukraine. Il montre que le président américain a pris en compte le bouleversement géopolitique qui s’opère et dans lequel il veut inscrire l’Amérique non plus comme puissance dominante mais simplement comme première puissance d’un monde redevenu « westphalien » par l’émergence d’autres puissances à ses côtés.

Dans cette géopolitique du futur, les zones d’« influence » des grandes puissances doivent être reconnues et ne doivent plus faire l’objet d’éventuelles convoitises. C’est notamment le cas pour la Russie. Donald Trump semble enclin à lui concéder l’Europe géographique vers laquelle elle naturellement tournée et dont les agissements concertés de l’OTAN, de l’État profond américain et de l’Union Européenne l’ont poussé à se rapprocher de la Chine.

Jusqu’à présent, tout rapprochement entre la Russie et l’Europe, en particulier de l’Ouest, s’est heurté à la volonté britannique, reprise ensuite par le CFR (Council on Foreign Relations) , véritable « réservoir de pensée et de personnel » de l’État profond américain. La conférence faite en 2015 par Georges Friedman à Chicago et relatée par Jean Claude Empereur confirme tout cela.

Cette politique de cloisonnement, qui découle directement de la vision du géographe anglais Mackinder, n’est aujourd’hui plus de mise. La construction de l’Union européenne, dans laquelle l’État profond américain a été déterminant depuis l’immédiat après-guerre était destinée à devenir un « appartement-témoin » du futur monde globalisé, n’a plus aujourd’hui d’utilité pour l’Amérique de Donald Trump.

L’U.E. est incompatible avec le monde futur

Trump a toujours été partisan de conserver les souverainetés nationales et il l’a dit d’une manière constante depuis 2017. Or, de plus en plus de peuples européens prennent conscience de ce qu’est devenue cette Union Européenne dans laquelle ils avaient mis tant d’espoirs.
Donald Trump et Vladimir Poutine vont probablement unir leurs efforts pour que cette parenthèse fédérale dans laquelle on a voulu enfermer les peuples européens malgré eux s’achève et que ces derniers puissent à nouveau s’exprimer sur leur destin.
Tout semble se mettre en place pour que se réalise l’Europe des Nations que de Gaulle appelait de ses vœux et que celle ci occupe l’espace géographique qui s’étend de l’Atlantique aux montagnes de l’Oural.

Jean Goychman

Illustration : DR
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