Il est devenu moralement acceptable — presque encouragé — de chercher l’amour ou le sexe derrière un écran. Une femme scroll, trie, élimine, sélectionne. Un homme paie, insiste, espère. Nous appelons cela modernité, romantisme numérique, libération sexuelle 2.0. Et pourtant, que voyons-nous réellement ?
La marchandisation du désir, sous couvert d’algorithmes, de swipes, et d’abonnements premium. Un marché où le sexe n’est pas tarifé en billets, mais en validation, en like, en attente — avec parfois encore plus d’humiliation que dans une transaction assumée.
Dans le même temps, la France débat de la réouverture encadrée des maisons closes. Protéger les femmes, encadrer le travail du sexe, redonner un cadre sanitaire, légal, sécurisé.
Pour beaucoup, ce serait immoral, rétrograde, dangereux. Mais personne ne trouve immoral qu’un homme doive payer pour que son profil soit vu, pour obtenir un droit de regard — même pas un droit de toucher.
Nous vivons dans l’ère de la prostitution inversée.
Dans la maison close, l’homme paie pour un service. Sur un site de rencontre, il paie pour avoir peut-être le droit d’exister.
Dans le premier cas, c’est un échange clair, assumé, contractuel. Dans le second, il devient bétail numérique — jeté en pâture à la compétition, évalué, noté, trié avec une brutalité sociale que personne n’oserait assumer dans la vie réelle.
Les chiffres le montrent : le marché est structurellement déséquilibré.
Les femmes sont minoritaires, donc en position dominante. Elles choisissent, filtrent, exigent.
Les hommes se ressemblent, se battent, s’offrent — le client se prostitue.
Dans le débat public, on condamne la prostitution au nom de la dignité humaine. Mais on laisse prospérer un système où des millions d’hommes s’alignent docilement comme du bétail reproductif, payent leur entrée, espèrent un match, subissent la loi du marché comme des marchandises.
Où est la dignité, là-dedans ?
On nous dit que la maison close serait dégradante. Pourtant, c’est peut-être le seul lieu où la frustration disparaît, où le rapport est clair, où personne ne fait semblant.
Le seul endroit où le désir masculin ne passe pas par le tri algorithmique, la compétition, la humiliation silencieuse. Une société qui interdit la maison close mais glorifie Tinder ressemble à un État qui interdit le vin mais subventionne la vodka.
Elle ne supprime pas le besoin, elle le déforme.
Et ce qui se cache derrière ce paradoxe, c’est simple : l’hypocrisie d’une civilisation qui préfère détruire le sexe plutôt que l’organiser.
L’homme moderne n’achète plus du plaisir — il achète la possibilité de ne pas être invisible. La femme ne vend plus son corps — elle vend son attention. Le marché du sexe n’a pas disparu.
Il a simplement changé de forme, et peut-être de visage : plus hypocrite, plus cruel, plus rentable pour ceux qui le contrôlent.
Les maisons closes encadrées, coopératives, sécurisées, pourraient offrir une réponse simple.
Une alternative claire. Peut-être même un apaisement social dans un monde où la frustration masculine explose — et où l’on feint de ne pas comprendre pourquoi.
Car si l’on accepte que l’homme paie pour un abonnement, pourquoi refuser qu’il paie pour un acte ? Si l’on accepte la sélection, pourquoi refuser l’échange ? Si l’on accepte la prostitution numérique, pourquoi interdire la prostitution assumée ?
À moins que ce qui dérange réellement ne soit pas le sexe tarifé, mais l’homme qui le réclame.
YV
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