Patrick Daniška (Institut pour les droits humains et la politique familiale) : « L’Islam n’est pas compatible avec la civilisation occidentale » [Interview]

Juriste slovaque et figure majeure du mouvement pro-vie en Europe centrale, Patrick Daniška incarne une génération d’intellectuels engagés qui refusent l’abandon des valeurs familiales et de la souveraineté culturelle sous pression de Bruxelles. Fondateur de l’Institut pour les droits humains et la politique familiale, il a construit son combat autour d’un constat simple : la dignité humaine et la protection de la famille doivent redevenir des priorités politiques.

Dans cet entretien réalisé après notre séjour à Bratislava, il revient sur son parcours, sa lecture critique du discours contemporain sur les droits humains, mais aussi sur les enjeux démographiques, migratoires et éducatifs qui traversent l’Europe. Avec une vision nourrie par l’expérience post-communiste de l’Europe centrale, Daniška défend une perspective conservatrice assumée et met en garde contre ce qu’il considère comme de nouvelles formes de totalitarisme idéologique. Un échange sans détour, qui interroge l’avenir du continent et la capacité des nations européennes à préserver leurs fondements civilisationnels.

Breizh-info.com : Monsieur Daniška, vous avez fondé l’Institut des droits de l’homme et de la politique familiale il y a plus de dix ans. Quelle expérience personnelle vous a convaincu pour la première fois que l’activisme juridique était nécessaire pour défendre la vie et la famille en Slovaquie ?

Je me souviens que lorsque j’ai appris, enfant, qu’il existait une chose telle que l’avortement, j’ai été choqué. Comment quelqu’un peut-il tuer un bébé à naître ? Plus tard, en tant qu’étudiant en droit, j’ai réalisé que notre système des droits de l’homme était hypocrite. Notre Constitution, tout comme les traités internationaux relatifs aux droits de l’homme, stipule que tous les êtres humains sont égaux. Mais cette noble règle, avec laquelle je suis tout à fait d’accord, n’est pas respectée dans le cas des enfants à naître. Nous, les défenseurs de la vie, prenons très au sérieux l’égalité de tous les êtres humains. J’ai donc fondé une organisation pour aider à protéger la dignité humaine, la vie et la famille.

Breizh-info.com :  Votre organisation collabore avec des mouvements tels que Ordo Iuris et Agenda Europe. Qu’apporte cette coopération juridique en Europe centrale qui fait souvent défaut à l’Europe occidentale aujourd’hui ?

Les Européens centraux se souviennent de l’oppression communiste. Nous nous souvenons encore de la puanteur du régime totalitaire dans lequel nous vivions. C’est un peu comme l’expérience du vin gâté. Si vous avez vécu cette expérience, vous sentez que le vin est infecté alors que d’autres ne le sentent pas encore. Les personnes qui ont vécu sous le régime communiste sentent peut-être mieux que les Européens occidentaux l’odeur de cette nouvelle vague de totalitarisme et comprennent mieux où elle peut mener.

Breizh-info.com : Vous affirmez souvent que le discours sur les droits de l’homme a été « capturé » par l’idéologie progressiste. Selon vous, à quoi ressemble une conception véritablement conservatrice des droits de l’homme ?

Les gens ont toujours compris ce qui est bien et ce qui est mal. Traditionnellement, les normes étaient formulées du point de vue de la partie obligée, par exemple « tu ne tueras point ». Je pense que l’approche des droits de l’homme a essayé de dire la même chose, mais du point de vue de la partie ayant droit, par exemple « j’ai le droit à la vie ». Cela peut toutefois devenir assez incertain, vague, voire facilement abusif. L’ensemble du système des droits de l’homme se compose de normes courtes, vagues et fortes, et nous avons donné le pouvoir de les interpréter à des juges non élus, qui peuvent facilement détourner leur sens de leur signification initiale. Les droits de l’homme doivent être compris en accord avec une tradition philosophique et juridique plus ancienne de ce qui est bien et mal.

Il semble que le système de protection internationale des droits de l’homme se soit effondré. Nous pouvons le constater à partir des décisions de la Cour européenne des droits de l’homme ainsi que de la Cour de justice de l’UE, qui n’ont aucune légitimité. Les États nationaux doivent trouver des moyens de protéger les droits de l’homme contre ces organisations idéologisées.

Breizh-info.com :  Lors du sommet conservateur de Bratislava, vous avez animé un important panel sur l’hiver démographique. Pourquoi considérez-vous le déclin démographique non seulement comme un problème social, mais aussi comme une menace pour la civilisation ?

Notre société occidentale est en crise profonde. Le sociologue Pitirim Sorokin décrit très bien la nature de cette crise et ses causes. Il affirme que notre culture dominante depuis la fin du Moyen Âge est une culture « sensuelle », c’est-à-dire qu’elle se concentre uniquement sur les biens sensuels et matérialistes plutôt que sur les valeurs transcendantales. Cela conduit inévitablement à une crise, notamment à l’atrophie de la famille, lorsque celle-ci ne remplit plus ses fonctions naturelles. Selon Sorokin, la restauration est possible en revenant à une culture plus idéelle, c’est-à-dire en revenant aux valeurs transcendantales. Il existe encore une partie de la société occidentale qui honore les valeurs transcendantales, et ce n’est pas un hasard si ces personnes ont encore des familles suffisamment nombreuses. Si la culture dominante ne change pas de direction et que la crise se poursuit, elle pourrait être remplacée par une culture plus viable. Dans le cas de l’Europe occidentale, il s’agirait très probablement de la culture musulmane.

Breizh-info.com : Les partisans de l’immigration massive affirment qu’il s’agit de la seule solution au déclin démographique. D’un point de vue juridique et éthique, pourquoi pensez-vous que cette approche sape l’identité nationale et la stabilité à long terme ?

À Vienne, non loin de là, plus de quarante pour cent des enfants nés sont musulmans. Mais l’islam n’est pas compatible avec la civilisation occidentale. Si la population musulmane prévaut en Europe occidentale, cela détruira notre civilisation telle que nous la connaissons. Il est important de mettre fin à l’immigration massive, mais cela ne suffit pas. Tant que les immigrants musulmans auront plus d’enfants que la population d’origine, le problème continuera de s’aggraver.

Breizh-info.com : Votre institut a mis en garde à plusieurs reprises contre l’idéologie du genre dans les écoles et les directives médicales. Quels outils juridiques les gouvernements conservateurs devraient-ils privilégier pour protéger les droits des enfants et des parents ?

Les enfants sont mieux protégés par leurs parents. Tout récemment, la Slovaquie a adopté un amendement constitutionnel accordant aux parents le droit d’être informés et de donner leur consentement à l’éducation sexuelle de leurs enfants à l’école. Je pense que c’est un outil important.

Je partage également l’idée que les enfants doivent être protégés des réseaux sociaux ainsi que des smartphones et des écrans en général. Les parents ne sont pas doués pour cela, du moins pas en Slovaquie, et je pense donc qu’une certaine implication de l’État est nécessaire dans ce domaine.

En ce qui concerne les directives médicales, il y a eu quelques tentatives pour adopter des normes médicales nationales favorisant le changement de sexe sur la base de l’auto-identification. Heureusement, le récent amendement constitutionnel stipule qu’il existe deux sexes, qui sont déterminés par la biologie. J’espère que cela contribuera à ralentir l’agenda transgenre en général.

Breizh-info.com : Vous avez appelé à une protection constitutionnelle explicite de la vie à naître en Slovaquie. Quel changement concret vous semble à la fois réaliste et nécessaire dans la décennie à venir ?

Nous avons notre décision Roe v. Wade en Slovaquie. Notre Cour constitutionnelle a déclaré que l’avortement est accordé dans le cadre du droit à la vie privée, bien que le mot « avortement » ne soit pas mentionné dans la Constitution. C’est une décision très regrettable, car notre Constitution contient des dispositions qui peuvent conduire à une protection cohérente de la vie avant la naissance. Elle stipule que tous les êtres humains sont égaux et que la vie humaine mérite d’être protégée avant même la naissance. Cela signifie que notre Constitution considère explicitement les bébés à naître comme des êtres humains. Et puisque tous les êtres humains doivent être protégés de manière égale, cette protection égale de la vie devrait également s’étendre aux bébés à naître. Peut-être que la Cour constitutionnelle pourrait corriger sa décision, comme aux États-Unis.

En ce qui concerne le Parlement, il y a eu quelques tentatives pour adopter une législation protégeant la vie des bébés à naître, similaire à celle de la Pologne. Elles n’ont pas abouti, je suis donc un peu sceptique quant à la possibilité d’adopter un amendement constitutionnel, qui nécessite une majorité des 3/5. Je pense que dans les années à venir, il pourrait être possible d’adopter une législation offrant une meilleure aide aux mères enceintes et aux familles dans le besoin. Un tel ensemble de mesures a déjà été proposé à plusieurs reprises, mais n’a pas été adopté, à quelques reprises à une voix près. Cette législation est donc réelle.

Dans le même temps, je vois une marge de manœuvre pour des négociations politiques visant à obtenir une protection substantielle, car certains grands partis pourraient soutenir une législation pro-vie dans le cadre d’un accord politique. Le problème est que nous n’avons pas en Slovaquie de représentation politique qui serait prête à insister sur la protection de la vie comme priorité politique absolue et à en faire une condition pour entrer dans la coalition gouvernementale : « D’accord, nous rejoindrons la coalition, mais les avortements doivent être interdits. Personne ne pense ainsi dans la politique slovaque.

Breizh-info.com : La Slovaquie, comme de nombreux pays européens, subit des pressions extérieures de Bruxelles pour libéraliser ses lois sur la famille, la bioéthique et l’éducation. Comment les gouvernements nationaux devraient-ils réagir à de telles interventions de l’UE ?

L’UE et sa Cour de justice constituent un problème bien plus important que la Cour européenne des droits de l’homme, car l’UE distribue des fonds et peut faire chanter les États membres avec cet argent. Une réponse doit être apportée à tous les niveaux : parlement, pouvoir exécutif et tribunaux. L’une des dispositions du récent amendement constitutionnel renforce notre souveraineté nationale dans les questions culturelles et éthiques, notamment le mariage, la famille et la protection de la vie. Le pouvoir exécutif doit être actif dans les processus législatifs de l’UE, ce qui n’est souvent pas le cas. Et notre Cour constitutionnelle doit trouver le courage de s’opposer aux décisions des tribunaux européens qui contredisent notre Constitution, à l’instar des cours constitutionnelles de nombreux autres pays de l’UE.

L’UE a été fondée sur l’idée d’une coopération mutuelle, en tant qu’amie des États souverains, et non en tant qu’ennemie. Ce type de coopération s’est avéré efficace. Aujourd’hui, cela est en train de changer, l’idée d’unité dans la diversité a été abandonnée et nous assistons à une forte pression en faveur de l’uniformité, y compris dans des domaines qui n’ont jamais été confiés à l’UE. Ce revirement entraînera une nouvelle dynamique au sein de l’UE et contribuera à sa désintégration. Mais la coopération en Europe est une très bonne idée, nous devrions donc commencer à réfléchir à ce à quoi devrait ressembler cette coopération après l’UE.

Breizh-info.com : Lors de la conférence pendant le sommet sur la « Protection de la vie et de la dignité humaines », vous avez souligné le rôle de la résistance civile parmi les professionnels de la santé. Quelles formes cette résistance peut-elle prendre dans la pratique ?

Nous disposons d’une législation solide sur l’objection de conscience des professionnels de la santé, qui leur accorde le droit de refuser d’effectuer ou de participer à toute procédure médicale. Je n’ai entendu parler d’aucun cas où ce droit aurait été abusé dans la pratique.

Il me semble toutefois que le problème des professionnels de santé réside dans leur manque de liberté intérieure pour présenter publiquement des points de vue et des opinions alternatifs sur des questions sensibles. Cela n’est pas seulement dû à la crainte de leurs employeurs, mais plutôt à la crainte liée à la poursuite de leur carrière universitaire. Une implication plus active des professionnels de santé et des scientifiques dans les débats publics animés sur les questions de la vie et du genre serait très bienvenue.

Breizh-info.com : Les détracteurs accusent souvent les organisations pro-vie d’être des « militants religieux » ou « anti-droits ». Comment répondez-vous à ceux qui affirment que la défense de la famille traditionnelle porte atteinte à la liberté individuelle ?

C’est tout le contraire. Les sciences sociales prouvent qu’une famille mariée intacte est ce qu’il y a de mieux pour les enfants, les adultes et la société dans son ensemble. Vivre dans un mariage stable exige des vertus, des sacrifices et la capacité de gérer ses désirs. Il existe différentes façons de comprendre la liberté individuelle. Certains disent que nous sommes libres lorsque nous pouvons faire tout ce que nous désirons. L’approche classique dit que nous sommes libres lorsque nous ne sommes pas esclaves, y compris de nos vices et de nos appétits. Ainsi, libre n’est pas celui qui peut prendre de la drogue, mais celui qui n’a pas besoin d’en prendre. Libre n’est pas celui qui peut divorcer, mais celui qui peut tenir ses vœux de mariage. La véritable liberté, c’est lorsqu’un homme peut subvenir aux besoins de sa famille plutôt que de la détruire. L’État ne peut pas créer des citoyens vertueux, mais la législation peut soit soutenir la véritable liberté, soit la saper. Les règles familiales traditionnelles ont été conçues pour aider à soutenir la famille et ont ainsi aidé les gens à préserver leur véritable liberté personnelle.

Breizh-info.com : Votre travail est ancré dans une vision chrétienne forte du monde. Selon vous, qu’apporte le christianisme à la vie publique aujourd’hui que la laïcité n’est pas en mesure d’offrir, en particulier en matière de dignité, de famille et d’avenir de l’Europe ?

Au début, la laïcité prônait les valeurs chrétiennes, mais sans Dieu, par exemple la fraternité entre tous les hommes. Mais il n’y a pas de père dans la vision laïque du monde, donc l’idée de fraternité n’a pas de fondement réel. Le christianisme, au contraire, sait que nous avons tous un seul Père céleste, donc nous sommes vraiment frères et sœurs, qui partageons la même dignité. Ce n’est pas seulement une théorie, c’est un fait. Nous voyons où mène le monde qui rejette les valeurs transcendantales, c’est-à-dire Dieu. La crise est profonde, y compris la crise de la famille. Nous avons vu deux explosions de cette crise au cours du XXe siècle : le nazisme et le communisme. Aujourd’hui, d’autres formes apparaissent. Le retour à nos racines chrétiennes pourrait contribuer à sauver notre civilisation de l’extinction ou du remplacement par une culture non occidentale plus viable.

Breizh-info.com : Enfin, quel message adresseriez-vous aux jeunes Européens qui se sentent désorientés par les bouleversements culturels, l’incertitude démographique et la pression idéologique dans les écoles et sur les lieux de travail ?

Ce n’est pas facile, il y a tant à dire, et chacun peut être réceptif à quelque chose de différent. Il y a tant de blessures à guérir… Mais je pense qu’un bon message vient de la Bible : rechercher les trésors que les mites et la rouille ne peuvent détruire.

Propos recueillis par YV

Crédit photo : DR

[cc] Breizh-info.com, 2025, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

Cet article vous a plu, intrigué, ou révolté ?

PARTAGEZ L'ARTICLE POUR SOUTENIR BREIZH INFO

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

ARTICLES EN LIEN OU SIMILAIRES

Immigration, International, Politique

Immigration : un tournant majeur en Europe autour des expulsions des étrangers illégaux

Découvrir l'article

International

Une étude académique britannique choque en réclamant l’assouplissement des lois contre les mutilations sexuelles féminines…pour protéger les migrants

Découvrir l'article

International, Sociétal

Royaume-Uni. Une militante pro-vie de nouveau poursuivie pour… avoir prié en silence près d’une clinique d’avortement

Découvrir l'article

Culture & Patrimoine, Patrimoine

Un outil chirurgical celte vieux de 2 300 ans découvert en Pologne : une fenêtre rare sur la médecine de l’âge du Fer

Découvrir l'article

International

Immigration. Dix-neuf États européens réclament la création de centres d’accueil hors UE : vers un tournant majeur de la politique migratoire ?

Découvrir l'article

Sociétal

Bruxelles relance la bataille idéologique sur l’avortement : une résolution qui bouscule les souverainetés nationales

Découvrir l'article

A La Une, International

Päivi Räsänen : « Au sein de l’Union européenne, il y’a une volonté d’imposer davantage de restrictions à la liberté d’expression » [Interview]

Découvrir l'article

Sociétal

Baisse de la natalité : à l’Assemblée nationale, le Syndicat de la famille met en cause les choix politiques, sociaux et culturels

Découvrir l'article

International

Immigration : la Hongrie attaque la Cour de justice de l’Union européenne après des sanctions jugées « politiques »

Découvrir l'article

International

Chili : José Antonio Kast, un président catholique, pro-vie et pro-famille élu sur fond de rupture politique

Découvrir l'article

PARTICIPEZ AU COMBAT POUR LA RÉINFORMATION !

Faites un don et soutenez la diversité journalistique.

Nous utilisons des cookies pour vous garantir la meilleure expérience sur Breizh Info. Si vous continuez à utiliser le site, nous supposerons que vous êtes d'accord.