Depuis plusieurs années, le débat sur l’immigration en Europe semblait figé. Pourtant, un basculement politique profond s’opère désormais à Bruxelles comme à Strasbourg. Pour la première fois, une majorité d’États européens se rallie à l’idée de faciliter le renvoi des étrangers en situation irrégulière et des délinquants étrangers, en rupture complète avec l’esprit du Pacte sur la migration et l’asile adopté en 2024.
Ce changement a été analysé en détail par Grégor Puppinck, directeur de l’ECLJ, dans son dernier entretien vidéo diffusé en décembre. Son constat est sans ambiguïté : « le cordon sanitaire est tombé » entre la droite conservatrice et le centre-droit européen, ouvrant une majorité commune au Parlement pour réviser la politique migratoire.
Le basculement du Parlement européen
Le centre-droit du PPE, longtemps allié aux groupes progressistes pour contrer les partis conservateurs et identitaires, a opéré un rapprochement avec ces derniers. Cette recomposition permet désormais de peser contre les orientations d’accueil et de répartition voulues en 2024, au profit d’un contrôle renforcé des frontières et des sorties du territoire.
Le contexte électoral est central : les succès récents des partis souverainistes à travers l’Europe ont poussé le PPE à reconsidérer son approche de l’immigration, sous peine d’être marginalisé lors des prochaines échéances. Les gouvernements tchèque, polonais, hongrois ou slovaque, qui menacent de se retirer du Pacte migratoire, symbolisent cette pression politique croissante.
Une déclaration sans précédent de 27 États européens
Le 10 décembre, 27 États membres du Conseil de l’Europe ont adressé une déclaration commune contestant l’interprétation actuelle de la Cour européenne des droits de l’homme en matière d’expulsions.
Ces gouvernements affirment sans détour que protéger leurs populations implique aussi de pouvoir renvoyer les étrangers en situation irrégulière ou condamnés, même lorsqu’ils invoquent des arguments de vie privée ou familiale. Cette déclaration réclame que la sécurité — « le droit de vivre en paix et en sécurité » — redevienne un critère central dans l’application de la Convention européenne.
Pour la première fois, des États demandent explicitement à réviser la jurisprudence de la CEDH afin de faciliter les expulsions, y compris vers des pays tiers, et de reconnaître la légitimité de collaborations extérieures à l’Union pour gérer les demandes d’asile.
Jusqu’ici, environ trois quarts des étrangers destinés à quitter le territoire ne sont pas effectivement expulsés. Cette réalité tient autant aux obstacles juridiques qu’aux difficultés diplomatiques avec les pays d’origine. Les négociations en cours visent à modifier ce statu quo :
- accords avec des pays tiers pour relocaliser les procédures d’asile,
- reconnaissance mutuelle des décisions d’expulsion entre États membres,
- sanctions possibles pour les étrangers refusant de quitter le territoire,
- possibilité d’incarcérer les individus constituant une menace grave.
Selon Grégor Puppinck, ce changement répond à une double nécessité : l’exaspération croissante des populations européennes face à l’immigration illégale, et la volonté des institutions européennes de préserver leur propre légitimité, fortement ébranlée par les crises successives.
Une recomposition politique alimentée par les crises
À Bruxelles comme à Strasbourg, ce tournant s’explique par plusieurs facteurs concomitants : la pression électorale exercée par les partis patriotes et souverainistes, l’impact financier et sécuritaire de l’immigration illégale, la menace de retrait d’États clés comme le Royaume-Uni vis-à-vis de la CEDH, la crise démographique européenne, qui nourrit un débat sur un éventuel « choix » plutôt qu’un flux subi.
L’immigration n’est plus un sujet cantonné à un camp politique. Des gouvernements de gauche comme celui du Danemark ont adopté une ligne plus ferme, illustrant un déplacement du débat vers le champ social et sécuritaire, et non plus seulement idéologique.
Reste à savoir si cette dynamique se traduira en changements durables, ou si elle sera absorbée par un long processus de commissions et de protocoles qui, par le passé, ont souvent dilué les ambitions de réforme.
Mais fait inédit : l’alignement entre le Parlement européen, les gouvernements nationaux et une partie des États membres du Conseil de l’Europe pourrait permettre des modifications concrètes dès 2026, notamment sur la reconnaissance de pays tiers et sur les modalités d’expulsions.
Le Pacte migratoire de 2024, centré sur la répartition des flux, est désormais remis en cause. Le renvoi des étrangers illégaux, longtemps tabou, devient l’axe central du nouveau consensus.
Pour l’ECLJ comme pour les acteurs politiques qui soutiennent ce mouvement, il s’agit d’un enjeu de souveraineté et de sécurité européennes, mais aussi d’une tentative pour restaurer la confiance des citoyens envers des institutions en crise.
L’année 2026, où une déclaration politique du Conseil de l’Europe est prévue, devrait permettre de mesurer si ce basculement est conjoncturel ou structurel.
Crédit photo : DR (photo d’illustration)
[cc] Article relu et corrigé par ChatGPT. Breizh-info.com, 2025, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine