Depuis novembre 2025, les utilisateurs du métro New-Yorkais ont découvert une campagne publicitaire pour le moins surprenante. La start-up Nucleus Genomics a en effet recouvert ses parois d’affiches géantes avec de magnifiques bébés… prônant l’eugénisme à travers la sélection des embryons. Prédisposition aux maladies génétiques, QI, sexe, mais aussi taille, couleur des yeux et des cheveux, le logiciel expose les résultats pour chaque embryon. Celui qui est préféré par les parents-consommateurs vivra, les autres seront jetés.
« Have your best baby »
Fondée en 2021, Nucleus Genomics est une entreprise de biotechnologie spécialisée dans le séquençage complet du génome (whole-genome sequencing, WGS) pour les consommateurs. Elle a lancé un logiciel d’optimisation génétique qui promet d’offrir aux patientes en parcours de Fécondation in Vitro (FIV) un contrôle sans précédent sur la sélection de leurs embryons. La plateforme analyse les 900 maladies héréditaires potentielles, mais la véritable révolution n’est pas là : les algorithmes du logiciel évaluent aussi l’apparence, les capacités cognitives et la santé mentale des embryons.
Pour environ neuf mille dollars, Nucleus Genomics fournit, pour la procréation médicalement assistée, le dépistage complet du génome des embryons et la possibilité de choisir celui au QI plus élevé, au moindre risque de maladies, à la taille idéale, à la couleur d’yeux préférée etc..
The future of reproductive health is becoming a mainstream conversation.
Yesterday, CNN ran a segment on Nucleus and how embryo screening is being redefined by new technology. pic.twitter.com/5jipRoFEti
— Nucleus Genomics (@nucleusgenomics) July 7, 2025
« Triez, comparez et choisissez vos embryons en fonction de ce qui compte le plus pour vous. »
Une fois analysés les génomes, le logiciel propose un tableau comparatif avec les résultats de l’évaluation pour chaque embryon, disposés en colonne. Les parents n’ont plus qu’à choisir la formule de leur choix : embryon n. 1 = fille, + 1 % maladies artérielles, + 3 % cancer du sein, – 2 % maladie d’Alzheimer, cheveux marron, yeux bleus, + 2 cm ; embryon n. 2 : garçon, – 17 % maladies artérielles, 0 % cancer du sein, + 2% maladie d’Alzheimer, cheveux marron, yeux verts, etc… La formule « choisir son enfant sur catalogue » n’a jamais été aussi vraie que dans le cas présent.

Cet eugénisme à des fins commerciales est l’énième manifestation de marchandisation du vivant associée à une logique de consommation jetable, puisque le choix n’est rendu possible que par la fécondation en série d’embryons et l’élimination de ceux qui ne sont pas sélectionnés.
Eugénisme social
Face aux critiques qui accusent l’entreprise de progresser dangereusement vers un transhumanisme élitiste, Kian Sadeghi, fondateur de Nucleus Genomics et âgé de 25 ans seulement, répond : « Il n’y a pas si longtemps, la FIV suscitait la crainte et la stigmatisation des bébés éprouvettes. Ce qui était autrefois controversé est aujourd’hui une pratique courante. Il en va de même pour l’optimisation génétique : la technologie est là et elle est là pour rester. »
Mais il fait l’impasse sur l’aspect classiste d’un service d’eugénisme social que seules les personnes qui en ont les moyens pourront se permettre ou encore le risque d‘uniformisation des choix, nécessairement soumis aux modes du moment : avec Nucleus génomics, Charlemagne, dont le père Pépin le bref était de très petite taille, aurait-il vu le jour ? Dostoïevski, hautement épileptique, Andrea Boccelli, partiellement aveugle, auraient-ils fini dans la poubelle des embryons non sélectionnés ? Beethoven et Nietzsche auraient-ils passé le test ?
Et vous ?
Audrey D’Aguanno
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