Berceau de la Renaissance, Florence est un joyau artistique qui attire chaque année des millions de voyageurs. Ce surtourisme, qui engendre de nombreuses difficultés dans la vie quotidienne de ses habitants, a conduit les autorités à légiférer. Entre dépossession de la propriété privée et juste limitation à l’ « airbnbsation » de la ville, les avis sont partagés.
Tourisme insoutenable
Florence est l’emblème de la ville prise d’assaut par les touristes et lentement dépeuplée de ses habitants. En 2024, 15,1 millions d’entrées et 46,8 millions de réservations y ont été enregistrées, soit une augmentation de plus de 30 % par rapport à l’année précédente. Dans un pays où le prix moyen des hôtels est élevé, la plateforme de location brève Airbnb ne pouvait que faire exploser le compteur. Et la Toscane tient le haut du pavé : Florence présente ainsi le plus haut indice de non-viabilité lié aux locations à court terme de toute la péninsule, avec un rapport entre ces dernières et les logements résidentiels qui atteint 3,81 pour un niveau tolérable établi à 1.
Si les gains économiques sont réels – au détriment bien entendu de l’hôtellerie traditionnelle -, le phénomène a transformé en profondeur le tissu urbain et engendré une somme importante de problèmes pour la population locale, notamment une raréfaction des logements disponibles pour la location longue durée, une rapide disparition des services aux résidents à la faveur de commerces tournés exclusivement vers le tourisme et la rentabilité et une notable augmentation des loyers.
Restrictions
Selon Inside Airbnb, 12 211 locations touristiques de courte durée sont actives à Florence, concentrées pour la plupart (74 %) dans le quartier le plus central de la ville. 85 % d’entre elles sont des logements entiers. La hausse des prix et l’artificialisation du centre-ville ainsi engendrées poussent les résidents historiques vers la porte de sortie extra-muros.
Pour faire face à cette crise du logement, un nouveau principe vient d’être consacré par la Cour constitutionnelle italienne : les régions et les communes pourront intervenir avec des règles territoriales pour gérer les effets de la pression touristique, validant de fait le nouveau règlement pour les locations touristiques de courte durée établi par le conseil municipal florentin (loi de la Région Toscane n. 61/2024, Texte unique du tourisme).
Ce règlement confirme le blocage de nouvelles autorisations pour les locations à courte durée dans la zone Unesco et soumet à autorisation les activités extra-hôtelières (locations courtes, bed & breakfast, chambres d’hôtes). Concrètement, cela signifie que la Toscane obligera ceux qui veulent louer un appartement aux touristes à changer la destination d’usage de l’appartement : ils devront passer, à partir du 1er juillet 2026, d’usage d’habitation à usage touristico-réceptif, lié donc au commerce et aux activités de service.
Toute une série de mesures restrictives sont instaurées, dont des dimensions minimales requises pour les pièces (28 m² pour les appartements, 8 m² pour les chambres individuelles, 14 m² pour les chambres doubles etc.) Et surtout, il ne sera plus possible de fragmenter les demeures historiques qui étaient souvent jusqu’ici divisées en autant de chambres qu’il était possible d’en mettre.
Un registre municipal des locations touristiques de courte durée sera instauré, avec des autorisations liées au propriétaire et à l’immeuble valables pour cinq ans.
Les propriétaires qui louent déjà en modalité B’n’B ont trois ans pour s’adapter aux nouvelles normes de superficie et de qualité.
Planification vs propriété privée ?
Le gouvernement et les observateurs les plus libéraux ont vivement critiqué la mesure. Il s’agirait selon eux d’un « principe dévastateur » qui sanctifierait l’intromission de l’état dans la propriété privée : une maison de propriété pourrait ainsi ne plus être librement utilisée par son propriétaire si la politique de la ville décide que cette utilisation n’est pas « socialement appropriée ». Ils dénoncent une limite arbitraire imposée par le haut.
Cependant, si l’intervention de l’État dans les affaires privées devient de plus en plus manifeste, n’est-il pas indispensable de freiner la course au profit pour contrer cette tendance à l’airbnbsation des villes et des zones rurales ?
Force est de constater que la régulation d’un turbo-capitalisme qui tend à investir toutes les sphères de l’existence ne pourra advenir que par des mesures contraignantes.
Audrey D’Aguanno
Crédit photo : DR (photo d’illustration)
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