Richard III, Henry Tudor et la Bretagne : un épisode méconnu de l’histoire anglaise et bretonne

Au carrefour du XVe siècle finissant, l’Angleterre et la Bretagne se retrouvent liées par une page d’histoire à la fois diplomatique, militaire et personnelle, au cœur de la lutte pour le trône anglais. C’est ce que met en lumière une étude passionnante consacrée aux relations entre Richard III, dernier roi Plantagenêt, et Henry Tudor, futur Henri VII, réfugié en Bretagne. Ce pan souvent négligé de la guerre des Deux-Roses révèle le rôle-clé joué par le duché de Bretagne et par son duc François II dans les derniers soubresauts de la monarchie anglaise médiévale.

Un prétendant en exil sous protection bretonne

Après la victoire de Richard III à la bataille de Tewkesbury (1471) et l’élimination de nombreux partisans de la maison de Lancastre, le jeune Henry Tudor, dernier espoir de cette branche royale, trouve refuge en Bretagne. Il y séjournera quatorze années, de 1471 à 1485, principalement à Vannes et à Largoët, sous la protection bienveillante mais prudente de François II.

Cette hospitalité n’est pas seulement un geste de charité politique. Elle s’inscrit dans le cadre d’un calcul stratégique du duc de Bretagne, désireux d’utiliser Henry comme monnaie d’échange face aux pressions de l’Angleterre, mais aussi de préserver l’autonomie de son duché alors pris en étau entre la France et l’Angleterre. Cette présence imposante et coûteuse d’un prétendant au trône — accompagnée d’une petite cour d’exilés — est ainsi tolérée par la chancellerie ducale dans un esprit d’équilibre entre indépendance diplomatique et opportunité future.

Richard III tente de rapatrier son rival

La présence d’Henry Tudor en Bretagne devient rapidement une obsession pour Richard III, monté sur le trône en 1483 après l’éviction (et très probablement l’assassinat) de ses neveux, les jeunes princes de la Tour. Richard cherche à convaincre ou contraindre le duc François II de lui livrer le prétendant. Des émissaires anglais, des promesses sonnantes et trébuchantes, et même des pressions diplomatiques sont exercés sur la Bretagne pour obtenir l’extradition de Henry.

Mais le duc François II, bien que vieillissant et fragilisé politiquement, résiste. Il finit par accepter un compromis : placer Henry sous la garde d’un capitaine breton, Jean de Rieux, tout en assurant à Richard III qu’il ne sera pas autorisé à quitter le duché sans autorisation.

Ce jeu d’équilibriste prendra fin lorsqu’une grave maladie de François II en 1484 désorganise le pouvoir breton. Une tentative de capture de Henry est lancée par Pierre Landais, proche conseiller du duc. Prévenu à temps, Henry Tudor parvient à s’échapper et à rejoindre la France.

L’aboutissement : Bosworth et la chute de Richard III

Le séjour breton d’Henry Tudor n’aura pas été vain. Dès son passage en France, il obtient un soutien militaire de la cour de Charles VIII, soucieuse d’affaiblir l’Angleterre. En août 1485, il débarque au pays de Galles avec une armée réduite mais déterminée. Le 22 août, à Bosworth, Richard III est tué au combat. Henry Tudor est proclamé roi sous le nom d’Henri VII, inaugurant la dynastie des Tudors.

Ironie de l’histoire, la Bretagne, protectrice de l’exilé, deviendra quelques années plus tard une cible de conquête pour ce même Henri VII, qui, après avoir uni les maisons de Lancastre et d’York, n’hésitera pas à intervenir militairement dans le duché pendant la guerre de Bretagne.

Un épisode fondateur pour les Tudors et pour l’Europe

L’étude rappelle combien la Bretagne a joué un rôle de premier plan, bien que souvent occulté, dans la réussite de la cause Tudor. Elle démontre également la complexité des relations entre États au XVe siècle : exils politiques, jeux d’alliances, guerre d’influence. Elle nous invite à reconsidérer le duché de Bretagne non comme une simple périphérie, mais comme un acteur diplomatique européen à part entière, maître d’un jeu fragile entre les grandes puissances de l’époque.

En ces temps où la mémoire historique est parfois instrumentalisée, il est utile de se rappeler que des destins royaux ont pu se jouer à Vannes ou à Elven, loin de Westminster mais au cœur des ambitions du monde d’alors.

Photo d’illustration : DR
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2 réponses à “Richard III, Henry Tudor et la Bretagne : un épisode méconnu de l’histoire anglaise et bretonne”

  1. RoseMarine dit :

    Merci beaucoup de votre partage. Comme d’autres assurément, j’ignorais tout de cet épisode de l’Histoire de la Bretagne.Auriez-Vous, svp, une référence fiable ou deux de livres sur ce thème?

  2. Raymond Neveu dit :

    « Mon royaume pour un cheval! » rapporté par Jakes Respir!!!

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