Le cardinal André Vingt-Trois, archevêque émérite de Paris, est décédé ce vendredi 18 juillet 2025 à l’âge de 82 ans. Figure majeure de l’Église catholique française contemporaine, il aura laissé une empreinte marquante, à la fois par son engagement spirituel et sa fermeté doctrinale, mais aussi par son souci constant des chrétiens d’Orient, auxquels il aura consacré une part essentielle de son ministère.
Héritier de Lustiger et pasteur discret
Né en 1942 à Paris dans une famille peu pratiquante, André Vingt-Trois a grandi à l’ombre de la montagne Sainte-Geneviève avant de répondre à l’appel du sacerdoce. Ordonné prêtre en 1969, il devient rapidement l’un des proches de Jean-Marie Lustiger, archevêque de Paris, dont il sera le vicaire général puis l’évêque auxiliaire.
Archevêque de Tours en 1999, il succède sans surprise à son mentor en 2005 à la tête du diocèse de Paris, le plus important de France. En 2007, Benoît XVI le crée cardinal, marquant la reconnaissance de son rôle dans l’Église universelle.
D’un tempérament discret mais redoutablement structuré, homme d’ordre et d’intelligence stratégique, il manie volontiers l’ironie. Sa phrase restée célèbre – et controversée – sur la condition féminine dans l’Église : « Ce n’est pas d’avoir une jupe, c’est d’avoir quelque chose dans la tête » – le poursuivra toute sa carrière.
Un engagement courageux sur les grandes questions de société
Fidèle au Magistère, le cardinal Vingt-Trois n’a jamais craint d’entrer dans l’arène publique. Opposé au mariage homosexuel, à l’euthanasie et à l’avortement, il n’a jamais mâché ses mots. Lors de l’hommage au père Jacques Hamel assassiné par des djihadistes en 2016, il dénonçait sans détour « le silence des élites devant les déviances des mœurs ».
Mais cet ecclésiastique fut aussi un acteur de l’accueil des migrants qu’il voyait comme un soutien aux plus vulnérables, sans se soucier des conséquences pour les classes populaires, ici.
Le cardinal André Vingt-Trois fut sans doute l’un des prélats français les plus investis dans la cause des chrétiens d’Orient. En tant qu’Ordinaire des catholiques orientaux en France, il n’a cessé de porter leur voix, de célébrer leur mémoire et de soutenir leur présence menacée dans des pays en guerre.
Envoyé spécial de Benoît XVI au Liban en 2009, il y rencontre les chefs religieux chrétiens et musulmans, dans une volonté de bâtir des ponts. Il préside à Paris les messes annuelles de soutien organisées par L’Œuvre d’Orient, remet les prix littéraires de l’association, et commémore le martyre des peuples arménien et ukrainien.
En 2014, dans la basilique du Sacré-Cœur, il organise une veillée pour les chrétiens d’Irak chassés par Daech. Il y appelle à la prière non seulement pour l’Irak, mais aussi pour la Syrie, Gaza, l’Ukraine et toute la Terre Sainte.
Une autorité morale respectée jusqu’à Rome
Président de la Conférence des évêques de France de 2007 à 2013, il devient l’un des visages de l’Église dans les médias et auprès des gouvernements successifs. Il siège dans plusieurs congrégations romaines et fut désigné par le pape François comme président délégué lors des deux synodes sur la famille en 2014 et 2015.
Affaibli par la maladie dès 2017, il se retire progressivement de la vie publique après avoir contracté le syndrome de Guillain-Barré. Son décès a suscité une vive émotion à Paris, où les cloches de toutes les paroisses du diocèse ont sonné le glas à 17h en hommage à chacune de ses 82 années.
« Il fut bien plus qu’un archevêque, mais un pasteur, un père, un exemple », a déclaré Mgr Laurent Ulrich, son successeur. L’Œuvre d’Orient, saluant « son intelligence de stratège et son humour en toute situation », rappelle combien il fut proche des Églises martyrisées du Levant.
André Vingt-Trois n’a cessé de rappeler que le sang des martyrs du XXIe siècle s’enracinait dans une longue mémoire : « Le sang versé ne s’efface pas, il irrigue l’histoire », affirmait-il, évoquant les sacrifices des chrétiens d’Orient comme une fécondité mystérieuse.
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