L’Union européenne traverse une crise d’identité et d’efficacité. Les tensions migratoires, la perte de compétitivité industrielle, la dépendance énergétique et l’hypertrophie réglementaire menacent sa position sur la scène internationale. Face à des puissances montantes – la Chine grâce à sa puissance étatique et les États-Unis grâce à l’innovation privée –, Bruxelles semble prisonnière d’une spirale de slogans, de comités et de bonnes intentions qui ne se traduisent pas en résultats concrets.
Diego Solier, député européen espagnol du groupe des Conservateurs et Réformistes européens (ECR) et membre de la commission ITRE (Industrie, recherche et énergie), combine son expérience professionnelle dans le domaine de la cybersécurité avec une vision critique de la trajectoire de l’UE. Javier Villamor l’a rencontré et interviewé pour The European Conservative dans son bureau bruxellois pour discuter de sa vision d’une Europe plus compétitive et plus souveraine.
Traduction par nos soins.
Quelle impression vous a laissée la mission du Parlement européen aux Canaries ?
Diego Solier : C’était frustrant. Tout semblait mis en scène, trop lisse, presque répété. On sentait qu’il y avait un script prédéterminé et que personne ne s’en écartait. La plupart des représentants locaux avec lesquels nous avons discuté, en particulier ceux du Parti socialiste, ont insisté sur le fait que tout allait bien : pas de problème migratoire, une intégration harmonieuse, et même que les jeunes migrants s’épanouissaient dans les équipes de football locales. Mais lorsque vous discutez avec des voix plus indépendantes, elles vous montrent une réalité très différente.
Avez-vous pu poser des questions pendant la mission ?
Diego Solier : Comme je n’étais pas membre à part entière de la commission, ma participation a été limitée. Mais j’ai travaillé avec des collègues pour m’assurer que certaines de mes questions soient tout de même soulevées. L’une des questions clés que je voulais aborder était la zone de recherche et de sauvetage (SAR) qui oblige l’Espagne à secourir les naufragés à quelques kilomètres seulement des côtes africaines. Cette délimitation remonte aux années 1970, mais la géopolitique a changé. Pourquoi continuons-nous à porter ce fardeau ? Si nous redéfinissons cette zone, nous pourrions réduire considérablement le nombre d’arrivées aux îles Canaries. Cette question a été posée par un autre député européen en mon nom, et elle a immédiatement suscité un malaise – elle a été rapidement écartée.
Y a-t-il un manque de coordination entre les administrations ?
Diego Solier Absolument. Il n’y a pas d’approche cohérente entre le gouvernement central, les autorités régionales et les administrations locales. Tout le monde se renvoie la balle. Pendant ce temps, les citoyens voient les services sociaux détournés pour s’occuper des mineurs migrants non accompagnés, tandis que d’autres services essentiels sont sous-financés. Le message des Canaries était clair : « C’est notre responsabilité, mais nous n’avons pas les ressources nécessaires ».
Du point de vue du groupe ECR, comment voyez-vous la politique migratoire de l’UE ?
Diego Solier : Nous sommes favorables à une politique européenne commune. Il est inacceptable que l’Italie ait une approche, la Hongrie une autre et l’Espagne une politique d’ouverture. Sans homogénéité, l’immigration clandestine se dirigera toujours vers le point le plus faible. Les gens le voient clairement : lorsque vous interrogez les Européens sur leurs préoccupations, l’immigration et la sécurité arrivent toujours en tête. Et ce n’est pas seulement mon opinion, les données le confirment.
Des gardes-frontières polonais patrouillent le long de la clôture frontalière entre la Pologne et la Biélorussie à Polowce-Pieszczatka, en Pologne, le 21 juillet 2025. Photo : Wojtek Radawnski / AFP
Quelle alternative proposez-vous ?
Diego Solier : Le bon sens. Des frontières extérieures sûres, des expulsions efficaces, des accords avec les pays tiers et une migration de main-d’œuvre légale et réglementée, assortie de conditions claires. Nous avons besoin de travailleurs dans l’agriculture et la construction, mais pas de mafias. Faisons venir les personnes dont nous avons besoin, avec des contrats, une sécurité sociale et une date de retour. C’est ainsi que cela a toujours fonctionné. Mais aujourd’hui, un agenda idéologique fait mourir des gens en Méditerranée. Personne ne devrait mourir en mer à cause de politiques irresponsables.
Vous avez évoqué le déclin technologique de l’Europe. La situation est-elle vraiment si grave ?
Diego Solier : Oui, et cela m’attriste. Lors des réunions de commission, nous discutons de cybersécurité, de défense et de technologie, et dans tous ces domaines, nous sommes à la traîne derrière les États-Unis et la Chine. Qu’avons-nous fait au cours de la dernière décennie ? Nous avons imposé des réglementations à nos industries. Les PME ont besoin de services entiers rien que pour se conformer à la bureaucratie européenne. Cela empêche l’innovation. Et ensuite, nous sommes surpris lorsqu’un rapport nous dit qu’il existe un fossé technologique ?
Que propose l’ECR pour combler ce retard ?
Diego Solier : La libéralisation. Moins d’impôts, moins de bureaucratie, de véritables incitations fiscales. Si une entreprise investit dans des technologies stratégiques, récompensez-la. Mais ne lui demandez pas d’investir davantage tout en l’étouffant avec des formalités administratives. Ce ne sont pas des discours creux sur la décarbonisation et la numérisation, sans financement ni plans d’action concrets, qui nous permettront de combler notre retard.
Y a-t-il des secteurs dans lesquels nous avons encore un avantage concurrentiel ?
Diego Solier : L’Europe, et en particulier l’Espagne, a une opportunité énorme dans le secteur des centres de données. Géographiquement, nous sommes idéalement situés entre l’Europe et les États-Unis. Nous pourrions devenir leaders si nous encouragions les investissements, en commençant par abandonner le dogme antinucléaire. Les centres de données ont besoin d’une énergie stable et abordable, ce qui n’est pas possible avec des panneaux solaires seuls. Nous devrions rouvrir les centrales nucléaires ou adapter celles qui sont en cours de fermeture. La France l’a bien compris. Pour des raisons idéologiques, nous restons prisonniers de décisions qui n’ont aucun fondement technique.
Qu’en est-il de la défense et de l’aérospatiale ?
Diego Solier : Nous pourrions faire de réels progrès, mais là encore, la bureaucratie nous tue. Je suis coordinateur ECR pour les questions aérospatiales, et les entreprises du secteur se plaignent toujours de la même chose : trop de réglementation, trop d’obstacles. Nous avons le talent et l’industrie, mais nous rendons les choses plus difficiles.
Devrions-nous nous inspirer davantage de la Chine ou des États-Unis ?
Diego Solier : Culturellement, nous sommes plus proches des États-Unis, et c’est le modèle sur lequel nous devrions nous concentrer. Mais rendons à César ce qui appartient à César : la Chine a appris à copier et à améliorer. Ce qui est inquiétant, c’est que tandis qu’elle conclut des accords énergétiques pour alimenter les industries du futur, nous continuons à multiplier les règles. Prenez Huawei, par exemple : cette entreprise vient de remporter un contrat pour héberger des données judiciaires en Espagne. Nous rendons-nous compte du risque ? Il s’agit d’une question de souveraineté. Et non, ce n’est pas de la paranoïa, c’est du bon sens.
Quelle est donc votre vision de l’Europe en tant que député européen ECR ?
Diego Solier : Une Europe autosuffisante, mais pas un gouvernement supranational. Nous voulons la coopération, pas la soumission. Chaque pays doit conserver sa souveraineté, mais nous ne pouvons pas rivaliser seuls avec la Chine ou les États-Unis. Nous devons agir ensemble sur les questions clés que sont la migration, la défense et le commerce. Mais sans imposer un modèle unique qui efface nos identités.
Crédit photo : Diego Solier (DR)
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Une réponse à “Diego Solier, député européen ECR : « L’Europe déclinera si nous ne retrouvons pas le bon sens » [Interview]”
Une Europe souverainiste et plus du tout mondialiste et surtout faire l’Europe Continentale avec la Russie un point c’est tout, Et surtout ne plus écouter les USA qui doivent s’occuper de leurs affaires. La Chine créancière des USA pour de milliers de milliards avec une productivité 100 fois celle des USA a eu le pouvoir de dire non aux USA, qui font du chantage à la consommation. Mais ils se trouveraient fort dépourvus si la Chine contourne la consommation des Etats Unis.L’Europe doit faire de même avec la Russie. Pas plus compliqué mais avant virer nos gouvernants commissionnés aux lobbies des USA.