À Canton, en Chine, une équipe de l’hôpital universitaire a réalisé une opération inédite : la greffe d’un poumon issu d’un porc génétiquement modifié sur un receveur humain en état de mort cérébrale. Selon les résultats publiés dans la revue scientifique Nature Medicine, l’organe a fonctionné pendant neuf jours (216 heures) avant que l’expérience ne soit interrompue à la demande de la famille. Aucun rejet hyperaigu n’a été observé et aucun agent infectieux porcin n’a été détecté, même si des signes d’œdème et de lésions inflammatoires sont apparus.
Un organe particulièrement difficile à transplanter
Le poumon provenait d’un porc porteur de six modifications génétiques (suppression de trois gènes porcins, insertion de trois gènes humains) destinées à limiter le rejet. « Il y a encore une dizaine d’années, nous pensions que la greffe à l’homme d’organes porcins ne serait jamais possible… Tout a été rendu possible particulièrement grâce à CRISPR-Cas9 [un outil moléculaire qui permet d’effectuer des corrections géniques précises, NDLR] », expliquait Isabelle Schwartz-Cornil, chercheuse à l’Inrae, auprès du journal Le Figaro le 25 août.
Mais le poumon reste l’organe le plus complexe à greffer : « Le poumon a un lit vasculaire très important (…) et c’est le seul organe solide greffé qui soit en contact immédiat et direct avec l’environnement et l’air extérieur », a confié au titre de presse le Pr Édouard Sage, chef du service de chirurgie thoracique et transplantation pulmonaire à l’hôpital Foch. Riche en cellules immunitaires, il exige de fortes doses d’immunosuppresseurs, difficiles à envisager pour un patient vivant. « C’est un peu l’antinomie de la transplantation », résume le Pr Sage.
Entre espoir et prudence
Pour les experts étrangers, cette avancée reste limitée. Cité le 25 août par le quotidien britannique The Guardian, le Dr Justin Chan, du NYU Langone Transplant Institute, parle d’une étude « passionnante et prometteuse », mais souligne qu’il s’agit d’un « succès mitigé » puisqu’elle concerne un seul patient. De son côté, le Pr Andrew Fisher, de l’université de Newcastle, avertit : « Ces travaux sont les bienvenus (…) mais ils ne constituent qu’un pas en avant. Il reste encore beaucoup à faire et nous ne sommes pas à l’aube d’une ère de xénotransplantation pulmonaire ».
Les enjeux sont considérables : l’OMS rappelle que seuls 10 % des besoins mondiaux en transplantation sont couverts. Mais au-delà de la prouesse scientifique, demeurent deux défis majeurs : le risque de transmission virale en premier lieu. « Il faut à tout prix éviter que le porc soit source de nouveaux virus chez l’homme », insiste Isabelle Schwartz-Cornil. Et l’avenir commercial de ces greffons. « Aujourd’hui, les organes ne sont pas commercialisés. Mais demain, ils le seront, et ils auront un prix », prévient le Pr Sage.
Première historique, cette greffe ouvre donc une perspective médicale inédite, mais confirme que la xénotransplantation pulmonaire n’en est qu’à ses balbutiements.
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