Dimanche 21 septembre, Kergloff terroir et patrimoine propose une journée de marche historique consacrée à Sébastien Le Balp, figure centrale de la révolte des Bonnets rouges (1675). Une invitation à arpenter les lieux de sa vie — et de sa mort — pour comprendre, in situ, l’un des épisodes fondateurs de la mémoire politique bretonne.
Elle s’appelle « Sur les pas de Sébastien Le Balp ». L’association Kergloff Terroir et Patrimoine a choisi une formule simple : faire parler les chemins. Rendez-vous à 10 h à l’église Saint-Trémeur pour un premier arrêt patrimonial, puis départ sur un itinéraire jalonné de sites emblématiques : Moulin-Meur, le hameau natal du meneur (commune de Kergloff), Garsangroas où il vécut, et, au terme de la boucle mémorielle, le manoir du Tymeur à Poullaouen, théâtre de son assassinat. À midi, remise en chauffe de l’ancien four à pain de Garsangroas, cuisson et dégustation sur place ; déjeuner à 13 h à l’allée de boules, reprise de la balade l’après-midi, pot de l’amitié vers 17 h en mairie. Point d’orgue : la présentation par l’historien local Jérôme Caouën d’un document daté de 1666 et signé de la main de Le Balp, un compte-rendu judiciaire opposant des habitants au marquisat du Tymeur. Participation libre et gratuite.
Qui était Sébastien Le Balp ?
Né en 1639 à Moulin-Meur (Kergloff), fils d’un meunier (François Le Balp) et de Louise Caroff, Sébastien Le Balp est remarqué très tôt par Sébastien de Plœuc, marquis du Tymeur, qui lui finance des études de droit à Nantes. Marié à 22 ans à Anne Riou, il achète avec la dot une charge de notaire royal à Carhaix (1664). Le jeune juriste travaille alors pour la maison du Tymeur — un lien qui deviendra un nœud dramatique de l’histoire.
La décennie est lourde : crise économique, fiscalité royale galopante, création d’impôts sur le papier timbré, le tabac et l’étain. En 1675, la colère gronde d’abord dans les villes (Rennes, Nantes, Quimper), puis gagne les campagnes. En Basse-Bretagne, Le Balp agrège paysans, artisans et clercs autour d’un programme mêlant refus de la surtaxe et réforme des droits seigneuriaux. Les insurgés adoptent un signe : le bonnet rouge dans le Poher (bonnet bleu dans le Pays bigouden). Le mouvement est structuré : textes programmatiques — les « codes paysans » — réclament l’abolition du champart et des corvées, la fin des exactions, une justice équitable et la « Liberté armorique », terme par lequel on désigne les privilèges bretons garantis par l’édit d’union.
Le printemps et l’été 1675 sont faits de tocsins, attroupements, saisies de bureaux fiscaux, châteaux pris et incendiés. Autour de Carhaix, plus de 6 000 insurgés s’emparent des demeures les plus honnis. Les lettres du temps — celles du duc de Chaulnes à Colbert, celles de Madame de Sévigné — décrivent un pays à vif et une noblesse locale qui « a traité durement ses paysans ». Le Balp est partout à la manœuvre. Au cœur du Poher, il devient le visage de la révolte.
Début septembre, l’objectif est clair : rassembler 30 000 hommes et marcher sur Carhaix, Quimper, puis tenir face aux troupes royales qui descendent sur la province. Pour donner une colonne vertébrale militaire à ce soulèvement, Le Balp tente de rallier Charles de Percin, marquis de Montgaillard, officier chevronné et époux de Renée-Mauricette de Plœuc, marquise du Tymeur — l’ancienne « maison » du notaire.
Tymeur : une nuit, un meurtre, un basculement
Le 2 septembre 1675, Le Balp arrive au Tymeur avec 2 000 hommes et s’entretient avec Charles et Claude de Montgaillard. La suite est connue : dans la nuit du 2 au 3 septembre, Claude porte un coup d’épée à la gorge du chef bonnet rouge. Le Balp meurt, la confusion s’empare des insurgés, une partie des archives est brûlée en représailles, le plan d’ensemble s’effondre. Privée de son meneur, la mobilisation se délite.
La répression s’abat, menée par le duc de Chaulnes : pendaisons, galères, contributions forcées, dragonnades dans les paroisses, clochers décapités là où le tocsin avait sonné. L’État frappe fort et vise la mémoire. Une ultime violence s’exerce sur le corps du chef : exhumé, jugé après sa mort, rompu et exposé, Sébastien Le Balp devient martyrmalgré lui. Son crâne passera pour être conservé à Saint-Drézouarn (Kergloff), son nom entrera dans la toponymie(rues, places, salles communales) de Carhaix, Kergloff, Poullaouen, Spézet, mais aussi Brest, Quimper et Lorient.
On l’a souvent écrit : 1675 annonce 1789. L’historien Boris Porchnev fut l’un des premiers à dresser le parallèle. Alain Croix insistera sur l’affrontement de classes et la portée politique du conflit. Les « codes paysans » — distances prises avec les seules revendications antifiscales — portent un projet social et juridique : limiter les abus, rationner les prélèvements, corriger des rapports seigneuriaux jugés devenus insupportables. Trois siècles et demi plus tard, les traces sont encore visibles : clochers tronqués en Pays bigouden, archives brûlées au Tymeur, chansons, littérature(Paol Keineg, Le Printemps des Bonnets rouges), commémorations (1975), et, plus près de nous, un imaginaire du bonnet rouge réactivé à l’occasion de mobilisations contemporaines.
La balade organisée à Kergloff choisit une voie nette : plutôt que de sacraliser, contextualiser ; plutôt que de moraliser, montrer. L’arrêt à Saint-Trémeur ouvre sur l’échelle religieuse et communautaire du XVIIᵉ siècle ; Moulin-Meurrappelle l’humble origine sociale du meneur ; Garsangroas ancre l’anecdote familiale et la vie ordinaire ; le Tymeurdonne à voir le théâtre politique, là où se nouent fidélités, trahisons et stratégies.
« Sur les pas de Le Balp » : une journée à vivre
- 10 h : église Saint-Trémeur (Kergloff), lancement et repères historiques.
- Midi : Garsangroas, four à pain rallumé, cuisson et dégustation.
- 13 h : déjeuner à l’allée de boules (pique-nique conseillé).
- Après-midi : reprise de la balade vers les sites de la révolte.
- Vers 17 h : pot de l’amitié à la mairie.
- Tout au long de la journée : présentation par Jérôme Caouën d’un acte de 1666 signé S. Le Balp, pièce rare qui restitue le Le Balp notaire avant le Le Balp insurgé.
Gratuit.
Crédit photo : Carhaix Poher tourisme
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