Fondation 30 Millions d’Amis : la Cour des comptes dénonce une gestion opaque et une « thésaurisation excessive »

Près de 86 millions d’euros non utilisés pour les animaux, des placements financiers colossaux et un manque de transparence préoccupant : la célèbre fondation est sévèrement épinglée par la Cour des comptes.

Reconnue d’utilité publique depuis 1995, la Fondation 30 Millions d’Amis jouit d’une image populaire et bienveillante, portée par son engagement médiatique pour la cause animale. Mais derrière cette réputation flatteuse, la Cour des comptes vient de publier un rapport au constat sans appel : une part considérable des fonds collectés auprès des donateurs ne serait pas utilisée à des fins caritatives, mais conservée ou placée, au mépris de la vocation première de la fondation.

86 millions d’euros « dormants »

Selon les magistrats financiers, le bilan de la fondation atteignait 135 millions d’euros fin 2023, dont 39 millions issus de dons et legs. Sur cette somme, 86 millions d’euros sont jugés « mobilisables » — soit l’équivalent de quatre années et demie de fonctionnement. Une accumulation qualifiée de « thésaurisation excessive », difficilement compatible avec la mission d’utilité publique de l’institution.

La Cour appelle la fondation à mettre un terme à cette accumulation de ressources et à renforcer la clarté de sa communication financière. « Il est impératif que la fondation mette fin à la thésaurisation excessive de ses ressources et garantisse un emploi des fonds conforme à la volonté des donateurs », souligne le rapport.

Des dépenses sociales en recul

En dépit d’une hausse de 70 % de ses ressources depuis 2019, les dépenses réellement consacrées à la cause animale plafonnent à 14 millions d’euros par an, soit environ un tiers des fonds collectés.
Le reste est soit conservé, soit placé sur les marchés financiers. La Cour estime que seulement 33 % des fonds collectés en 2023 ont été réellement affectés aux actions de terrain — bien loin des 80 % souvent mis en avant dans la communication de la fondation.

Ces dépenses couvrent principalement les aides à des associations partenaires et la gestion de deux refuges créés dans les années 2010, qui absorbent à eux seuls près d’un tiers du budget social.

Les magistrats épinglent aussi des erreurs de classification et une présentation des comptes jugée « trompeuse ».
Des revenus locatifs ou des produits financiers issus de placements ont été comptabilisés comme des recettes caritatives. De même, une partie des frais de communication et de sensibilisation a été classée, à tort, parmi les « missions sociales », alors qu’ils relèvent de la recherche de fonds.

Ces pratiques, note la Cour, « biaisent la communication financière au public » et entretiennent un flou sur la réalité de l’usage des dons.

Gouvernance fragile et absence de contrôle interne

Malgré ses moyens considérables, la fondation souffrirait d’un manque de professionnalisation et d’une faible structuration interne.
Les procédures sont « mal formalisées », les recrutements insuffisamment qualifiés, et plusieurs prestataires sont reconduits sans mise en concurrence.
Le rapport souligne également l’absence de véritable contrôle interne, un défaut de gouvernance étonnant pour une structure gérant des dizaines de millions d’euros chaque année.

Face à ces critiques, la Cour exige un plan stratégique de réforme d’ici au premier semestre 2026, intégrant des programmations budgétaires, immobilières et une réorganisation complète du siège.

La Fondation a réagi le 22 octobre en assurant avoir déjà pris en compte l’ensemble des recommandations formulées : « Cette nouvelle stratégie constitue la feuille de route de la Fondation et permettra de décupler ses actions au service de la cause animale », affirme le communiqué.

La Cour, prudente, indique toutefois qu’elle restera « vigilante sur la mise en œuvre effective des actions correctrices engagées ».

Le cas de 30 Millions d’Amis illustre un phénomène récurrent dans le monde caritatif français : le décalage entre l’image médiatique et la gestion réelle des fonds collectés.
Si la fondation conserve un capital sympathie certain auprès du public, la question demeure : comment concilier la générosité des donateurs, l’ampleur des moyens accumulés et la rigueur indispensable à toute institution d’utilité publique ?

La Cour des comptes, en tout cas, vient de rappeler que la compassion ne dispense jamais de la transparence.

30 Millions d’Amis répond à la Cour des comptes : « Nous appliquons déjà toutes les recommandations »

Dans une réponse officielle transmise le 22 octobre 2025, sa présidente Reha Hutin affirme que toutes les recommandations formulées par les magistrats financiers « sont d’ores et déjà prises en compte » et qu’elles constitueront désormais la feuille de route de la fondation pour les années à venir.

Parmi les principales mesures annoncées :

  • la mise en place d’une gouvernance moins centralisée, avec des comités consultatifs sur les acquisitions, la gestion financière, les placements et la stratégie globale ;
  • la suppression de tout lien commercial avec la société de production de l’ancienne émission 30 Millions d’Amis et le magazine éponyme, d’ici au 31 décembre 2025, afin d’éliminer toute source de conflit d’intérêts ;
  • la formalisation de procédures internes plus rigoureuses, accompagnée du recrutement de nouveaux cadres et du recours accru aux appels d’offres ;
  • l’acquisition d’un siège social dans le XIᵉ arrondissement de Paris, destinée à centraliser la gestion et professionnaliser les équipes.

La Fondation promet aussi une meilleure lisibilité des comptes : les montants consacrés directement aux missions sociales seront désormais distingués des fonds placés pour financer des projets futurs.
Reha Hutin souligne par ailleurs que la Cour a reconnu la prudence et la rentabilité de la politique de placements mise en place depuis plusieurs années.

Un plan stratégique de développement, incluant la construction ou l’acquisition de nouveaux refuges, sera présenté au premier semestre 2026. Des prospections sont déjà en cours « sur l’ensemble du territoire ».

La présidente tient à rappeler que le rapport ne met en évidence aucun acte de mauvaise gestion : « Aucune remarque ne relève d’actes susceptibles de jeter un doute sur le désintéressement ou sur la qualité des actions conduites en faveur des animaux. »

Elle explique les dysfonctionnements évoqués par la Cour par l’histoire particulière de la fondation : une structure d’abord familiale, issue de l’émission télévisée créée par Jean-Pierre et Reha Hutin, avant de devenir une organisation caritative d’envergure nationale. « Les défis auxquels la Fondation est confrontée constituent une situation classique pour une structure qui passe d’une dimension familiale à celle d’une grande ONG », ajoute-t-elle.

Forte d’une croissance de 53 % de ses ressources depuis 2023, 30 Millions d’Amis affirme vouloir adapter son organisation à ce changement d’échelle.
Reste à savoir si cette réforme suffira à rétablir la confiance entamée par les révélations de la Cour des comptes et à convaincre les donateurs que les fonds collectés seront désormais mieux utilisés.

Illustration : DR
[cc] Article relu et corrigé (orthographe, syntaxe) par ChatGPT.

Breizh-info.com, 2025, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

Cet article vous a plu, intrigué, ou révolté ?

PARTAGEZ L'ARTICLE POUR SOUTENIR BREIZH INFO

5 réponses à “Fondation 30 Millions d’Amis : la Cour des comptes dénonce une gestion opaque et une « thésaurisation excessive »”

  1. guillemot dit :

    J espère que ce n’est pas la même chose avec la SPA à qui je fais des dons réguliers, sinon à qui se fier de nos jours?

  2. Dany dit :

    Le président de la cour des comptes étant Moscovici socialiste…n’y a t il pas un loup…dans ces accusations ???

  3. Eschyle 49 dit :

    Relisez, de Pierre Patrick Kaltenbach,  » Associations lucratives sans but « , éditions Denoël, 1995 .

  4. RAYMOND NEVEU dit :

    A qui peut-on encore faire confiance dans ce monde de ripoublicains sans honneur? Ceux qui sont encore honnêtes sont ceux qui n’ont pas encore été gaulés!

  5. Murielle Audicourt dit :

    Les associations animalistes sont gavées d’argent public (nos impôts) en plus de l’argent des donateurs. C’est le cas de la LPO dirigée par Bougrain-Dubourg. La LPO reçoit des millions de l’État et également de l’argent des installateurs éoliens pour lesquels elle travaille (études d’impact). Des oiseaux et chauves-souris sur la liste rouge des espèces en danger d’extinction sont massacrés par milliers chaque année par les éoliennes géantes. Comment une association sensée protéger les oiseaux peut-elle être favorable à cette énergie soi disant « verte » qui les massacre? La réponse est simple: on ne mord pas la main qui nourrit. Alors, les études d’impact « bien ficelées », on a compris.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

ARTICLES EN LIEN OU SIMILAIRES

A La Une, Sociétal

Fractures françaises 2025 : le pays du pessimisme et du désenchantement. Pouvoir d’achat, délinquance et immigration dans le top 3 des priorités

Découvrir l'article

Politique

La droite que Le Monde n’avait pas vue venir

Découvrir l'article

International

Immigration afghane : quand l’Europe veut agir, mais que la France freine des quatre fers

Découvrir l'article

Sociétal

Une France à majorité africaine et musulmane d’ici à 2100 ? Le constat glacial de Pierre Brochand, ex-directeur de la DGSE

Découvrir l'article

A La Une, Culture, Culture & Patrimoine

Cinéma français : une industrie sous perfusion publique

Découvrir l'article

Politique

Vincent Jeanbrun : un ministre du Logement déjà rattrapé par la justice ?

Découvrir l'article

Politique

Les Français font confiance à leurs élus locaux, mais se sentent abandonnés par l’État

Découvrir l'article

Sociétal

Drogues en Bretagne et Pays de la Loire : la jeunesse face à une consommation toujours élevée malgré un recul européen

Découvrir l'article

A La Une, Sociétal

Immigration : ce que disent vraiment les nouveaux chiffres de l’Insee (et ce que certains titres de presse passent sous silence)

Découvrir l'article

Economie, Social

Crise politique et effondrement économique : la France ruinée par ses dirigeants

Découvrir l'article

PARTICIPEZ AU COMBAT POUR LA RÉINFORMATION !

Faites un don et soutenez la diversité journalistique.

Nous utilisons des cookies pour vous garantir la meilleure expérience sur Breizh Info. Si vous continuez à utiliser le site, nous supposerons que vous êtes d'accord.

Clicky