Le Conservative Summit 2025, organisé début novembre à Bratislava, a une nouvelle fois réuni de nombreuses figures intellectuelles, politiques et associatives de la droite européenne. Dans un contexte géopolitique tendu, marqué par la crise démographique, l’effondrement culturel de l’Occident et les fractures idéologiques entre Europe de l’Ouest et Europe centrale, cette édition a confirmé l’émergence de la capitale slovaque comme un nouveau carrefour du conservatisme continental.
Au lendemain de la clôture du sommet, nous avons interrogé de nouveau son organisateur principal, Andrej Kolárik (Inštitút Ladislava Hanusa), qui revient pour Breizh-info sur les principaux enseignements de cette rencontre : montée en puissance des délégations françaises, lignes de fracture autour de l’immigration, réflexion civilisationnelle, coopération entre think tanks européens, mais aussi affirmation intellectuelle croissante de l’Europe centrale face à une Europe de l’Ouest en perte de repères.
Breizh-info.com : Le Conservative Summit 2025 vient de s’achever à Bratislava. Quel regard portez-vous sur cette édition ?
Andrej Kolárik : Cette année a confirmé que le Conservative Summit est devenu un format stable, doté d’une véritable pertinence internationale. Nous avons accueilli 255 participants et intervenants venus de quatorze pays, et les retours ont été très positifs. Une nouveauté importante fut l’introduction du Conservative Party, une rencontre des jeunes leaders conservateurs de Slovaquie et de toute l’Europe, qui a apporté une belle énergie et et dynamisme chez la conférence.
Breizh-info.com : Vous aviez annoncé une forte présence de délégations françaises et d’Europe de l’Ouest. Quelle a été, selon vous, la contribution la plus marquante de cette “Europe conservatrice occidentale” à la réflexion du sommet ?
Andrej Kolárik : Ce qui m’a le plus marqué, c’est l’intérêt croissant du monde conservateur français pour l’Europe centrale. Pendant longtemps, nous avons, en Europe centrale, observé et suivi les tendances venues d’Occident. Aujourd’hui, j’ai le sentiment que le mouvement s’inverse : de plus en plus de conservateurs occidentaux regardent vers l’Europe centrale avec curiosité et espoir. Viktor Orbán, par exemple, a été le dirigeant étranger le plus cité comme protagoniste durant la campagne présidentielle américaine — c’est un signe.
Le député Nicolas Bay a livré une intervention d’une grande profondeur, inscrivant le débat dans une dimension véritablement civilisationnelle. François-Xavier Gicquel a offert un témoignage bouleversant sur les chrétiens d’Orient, et Lucas Chancerelle a rappelé avec force l’importance de la communauté comme fondement de toute vie politique ordonnée.
Breizh-info.com : Le thème de cette année portait sur la crise démographique. Quelles solutions concrètes ou propositions communes ont émergé des débats
Andrej Kolárik : Deux défis principaux ont été identifiés. Le premier, c’est la tendance à reporter indéfiniment la décision d’avoir des enfants — beaucoup se disent qu’ils auront “encore le temps”. Le second, c’est la rareté des familles nombreuses. Il faut donc redonner à la maternité et à la vie familiale une image positive, non pas comme un frein à la carrière féminine, mais comme une vocation sociale et humaine d’une immense valeur.
Une idée forte s’est dégagée : de la même manière que les militants écologistes parlent sans relâche de la “crise climatique”, nous devons, nous conservateurs, parler de la crise démographique avec la même intensité et la même constance.
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Breizh-info.com : La question de l’immigration a également traversé les discussions. Avez-vous observé une convergence des positions entre les pays du groupe de Visegrád et les invités venus de l’Ouest ?
Andrej Kolárik : Lors du panel consacré à l’immigration, nous avons entendu des perspectives variées — d’un Irlandais, d’un Italien, d’un Français et d’un Arabe vivant en Hongrie.
Plusieurs pistes ont été évoquées : la fixation d’un seuil maximum d’environ 15 % de population immigrée, la réduction drastique des aides sociales pour les nouveaux arrivants, ou encore l’application stricte des politiques de retour à la fin des visas de travail. Certains ont également mentionné la nécessité de penser à long terme une politique de remigration ordonnée.
Breizh-info.com : Certains intervenants ont évoqué la “désacralisation du politique”. Pensez-vous que le conservatisme européen puisse encore réintroduire une dimension spirituelle dans la vie publique ?
Andrej Kolárik : Je crois, avec David Engels, à la nécessité d’un “retour conscient à la tradition”. Sans cela, nous resterons dans une situation absurde où les journalistes et les bureaucrates font la politique, tandis que les partis se limitent au marketing.
À l’exception de la Hongrie, je ne connais pas de pays européen où le Premier ministre invite régulièrement des intellectuels à réfléchir avec lui. L’élection du vice-président américain J. D. Vance montre pourtant que le pendule commence à bouger : elle annonce peut-être le retour d’une génération d’hommes politiques intéressés par la dimension spirituelle et intellectuelle du bien commun.
Breizh-info.com : Plusieurs représentants de think tanks et de fondations européennes étaient présents — de Hongrie, de Pologne, mais aussi de France et d’Italie. De nouvelles coopérations concrètes ont-elles vu le jour à Bratislava ?
Andrej Kolárik : Oui, tout à fait. Nous avons approfondi nos partenariats traditionnels, notamment des pays du groupe de Visegrád, tout en établissant de nouveaux liens avec des organisations françaises, italiennes et roumaines. J’ai eu l’occasion de jouer un rôle d’intermédiaire entre certaines d’entre elles, et de nombreux participants ont profité du sommet pour développer des contacts prometteurs. Nous verrons quelles formes concrètes prendront ces coopérations dans les mois à venir..
Breizh-info.com : Le Conservative Summit s’inscrit dans une série de rencontres paneuropéennes, comme celles du MCC ou du Danube Institute. Quelle est la spécificité slovaque dans ce réseau d’influence conservateur ?
Andrej Kolárik : La spécificité du Conservative Summit slovaque, c’est d’être un lieu de rencontre entre différentes familles politiques européennes — du PPE aux Conservateurs et Réformistes, jusqu’aux Patriotes. Cela contraste avec le CPAC de Budapest, dont le résultat principal a été la création des Patriotes pour l’Europe.
Nous mettons aussi en avant la dimension explicitement chrétienne du conservatisme, alors qu’en Hongrie, la tonalité dominante est plutôt nationale ou civique. Ce n’est pas une opposition, mais une complémentarité.
Breizh-info.com : Peut-on dire que Bratislava est en train de devenir un pôle intellectuel conservateur à part entière en Europe centrale ?
Andrej Kolárik : Disons que nous sommes sur cette voie (sourire)! Bratislave commence à apparaître dans la géographie intellectuelle du mouvement conservateur européen.
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Breizh-info.com : Vous avez souvent insisté sur la complémentarité entre la foi, la raison et la culture. Avez-vous le sentiment que cette articulation a été comprise et partagée par les participants de cette édition?
Andrej Kolárik : Oui, je le crois. L´abbé Benedict Kiely a souligné que la culture découle de la foi (« Culture is downstream from faith »). La relation entre la foi et la raison est d’ailleurs inscrite dans le nom des nos partenaire slovaques, la Fondation Fides et Ratio. Plusieurs intervenants ont invoqué le bon sens (« common sense ») et pas le catéchisme pour soutenir la position conservateur. Szabolcs Nagypál lors de la conférence juridique le vendredi a montré bien que les perspectives chrétiennes de la loi naturelle aussi bien que la compréhension des sciences naturelles arrivent aux mêmes conclusions. Enfin, les interventions sur la philosophie politique et les civilisations — notamment celles des représentants des Conservateurs et Réformistes européens — ont parfaitement illustré cette union vivante entre raison et culture
Breizh-info.com : Quelles suites concrètes allez-vous donner à cette édition 2025 ? Un manifeste, un réseau formel, de nouvelles éditions dans d’autres capitales ?
Andrej Kolárik : Nous avons beaucoup de vidéos matérielles à monter, éditer et publier, ca serra le premier devoir. Nous croyons que le contenu du sommet peut inspirer un public bien plus large. Suivez nos réseaux sociaux et notre site web. Avec le choix de la crise démographique comme thème principal du Conservative Summit, nous avons fait attention à ce problème chez certains partis politiques slovaques. J’ai l’espoir que cette attention va se transformer vers des propositions dans leurs programmes politiques.
Breizh-info.com : Enfin, si vous deviez résumer ce sommet en une phrase, quelle serait-elle ?
Andrej Kolárik : Je vais citer un des intervenants du conférence en parlant du thème de la conférence – Si les wokistes parlent du crise climatique du matin jusqu´au soir, nous conservateurs devront parler pareillement de la crise démographique. Ou au moins, au minimum oser poser la question.
Propos recueillis par YV
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