Nouvelle affaire Pétain : pour en finir définitivement avec la question « Verdun-Vichy » ! [L’Agora]

Encore une nouvelle affaire Pétain, ça nous manquait ! A Verdun, le maire PS Samuel Hazard souhaite interdire une messe pour le repos de l’âme de Philippe Pétain et de ses hommes programmée le 15 novembre à l’initiative d’une association souhaitant défendre la mémoire du « Vainqueur de Verdun ».

Depuis sa mort en 1951, Pétain n’aura cessé de diviser les pamphlétaires, les historiens, les polémistes et les médias car son destin est double et se résume à deux villes : Verdun et Vichy. La « victoire » à Verdun et la « collaboration » à Vichy.

Ce destin double et, apparemment, contradictoire soulève, en vérité, des questions et des choix bien éloignés de la vie de Philippe Pétain et même des faits marquants qui ont caractérisés son parcours. Mais, c’est ainsi, comme son ancien protégé Charles De Gaulle, la vie de Philippe Pétain et son empreinte sur le destin de la France sont tellement liés qu’il est désormais impossible de les différencier. C’est avec cette donnée en tête que nous livrons le texte suivant qui fait le tri entre deux visions binaires de Pétain : le « Vainqueur de Verdun » et le « Bouclier de 40 » pour ses soutiens versus « Le chef du régime de Vichy » pour ses détracteurs.

Comme dans beaucoup de situations historiques, cette simplification est trompeuse et réductrice. Et si les faits étaient analysés dans leur entièreté pour une fois ?

« Pétain, le Vainqueur de Verdun » ?

Pétain est-il le « vainqueur de Verdun » ? Oui… et non ! Tout d’abord, la bataille de Verdun (ou plutôt la « première bataille de Verdun » car une autre de moindre importance aura lieu en 1917) est LA bataille emblématique de la guerre de 14-18… en France uniquement. Car cette bataille est avant tout franco-allemande (sans intervention importante d’autres alliés des deux côtés) et la plupart des Français sous les drapeaux en 1916 sont passés par Verdun du fait de la « rotation des unités » mise en place par Pétain justement. Avant lui, les troupes avaient plutôt tendance à être maintenue sur le front entraînant un épuisement des hommes. Pour les Anglais, la bataille de Verdun est de moindre importance par rapport à celle de la Somme, idem pour les Allemands qui illustrent leurs souffrances par la bataille de la Somme. Au niveau des pertes, les deux bilans sont incomparables : 700 000 pertes pour les deux camps à Verdun (tués et blessés) sur 300 jours alors que la Somme verra la perte d’1 200 000 hommes, tués ou blessés sur 141 jours.

La bataille de Verdun dure donc 300 jours et 300 nuits. D’horreurs ! Puisque 80% sont dues à l’artillerie. Les hommes ne peuvent pas dormir et sont soumis à un stress permanent.

Sur ces 300 jours d’enfer, Pétain ne commandera l’armée française que 64 jours (2 mois). Pendant ces deux mois, il réorganisera les troupes, donnera de l’espoir au soldat en ne l’envoyant pas à l’assaut au moindre prétexte, doublera les rations de pinard, organisera les relèves, mettra en place la « Voie Sacrée » pour assurer le ravitaillement, utilisera l’aviation de façon plus efficace et quantité d’autres réformes qui conduiront à la victoire. Mais, quand il est nommé au commandement le 25 février 1916 après que son aide de camp Bernard Serrigny ait couru les bordels et les maîtresses pour le dénicher, Philippe Pétain n’est qu’un des 8 commandants sous la direction de Joffre, Maréchal et Généralissime des armées françaises. Le 1er mai, celui-ci juge d’ailleurs que Pétain est trop défensif et le remplace par Nivelle.

Pétain est-il LE vainqueur de Verdun ? Il est l’un des artisans de la bataille de Verdun mais ce sera surtout la propagande française de l’entre-deux guerres qui en fera un symbole, le symbole de Verdun et de la résistance de l’armée française. D’autres que lui auraient plus mérité le titre de héros de Verdun : le colonel Drian bien sûr qui retarde l’invasion allemande dans les premiers jours avec ses chasseurs du bois des Caures mais surtout le Général De Castelnau, surnommé « le sauveur de Verdun » par les Allemands eux-mêmes, ultra-populaire auprès de la troupe, habitué des premières lignes et qui sauvera la ville de Verdun juste avant l’arrivée de Pétain au terme d’une résistance acharnée de 3 jours.

La France de l’entre-deux guerres préfèrera porter au pinacle Pétain alors que De Castelnau sombrera plus ou moins dans l’oubli. Hasard et caprices de l’Histoire. Pendant la deuxième guerre mondiale, De Castelnau très âgé (il meurt en 1944 à 92 ans) participera à la Résistance et se montrera, dès le départ, très hostile à Vichy. Deux de ses fils rejoindront d’ailleurs dans la France Libre et l’un d’eux mourra au combat en 45.

Focaliser Philippe Pétain sur la bataille de Verdun est donc assez hasardeux. Quant à en faire, notamment dans les milieux catholiques, un parangon de vertu et symbole de la France traditionnelle et familiale, au regard de son parcours personnel et de ses cavalcades amoureuses (marié sans descendance à 64 ans avec une jeunette divorcée de 21 ans sa cadette qui a longtemps été l’une de ses nombreuses maîtresses), il y a de quoi s’interroger. Sur ce point, le Général de Gaulle était sûrement beaucoup plus « traditionnel » et « familial », par exemple.

« Pétain, le traître de Vichy ? »

Si sa béatification dans les milieux de droite comme « Vainqueur de Verdun » peut prêter à critiques, sa diabolisation dans les milieux de gauche comme chef de l’Etat Français, capitale Vichy peut également être mise en question.

Le Général de Gaulle dans ses mémoires aura apporté de larges nuances à cette diabolisation mais il aura surtout apporté une explication à l’attitude de Pétain à partir de 40 dans le paragraphe « la « Vieillesse est un naufrage » (Tome 1 des Mémoires de Guerre : l’Appel) :

« Malgré tout, je suis convaincu qu’en d’autres temps, le maréchal Pétain n’aurait pas consenti à revêtir la pourpre dans l’abandon national. Je suis sûr, en tout cas, qu’aussi longtemps qu’il fut lui-même, il eût repris la route de la guerre dès qu’il put voir qu’il s’était trompé, que la victoire demeurait possible, que la France y aurait sa part. Mais, hélas ! Les années, par-dessous l’enveloppe, avaient rongé son caractère. L’âge le livrait aux manœuvres de gens habiles à se couvrir de sa majestueuse lassitude. La vieillesse est un naufrage. Pour que rien ne nous fût épargné, la vieillesse du maréchal Pétain allait s’identifier avec le naufrage de la France. »

Quand Philippe Pétain est rappelé par Paul Reynaud le 17 mai 1940 il a alors 84 ans. Que peut-on attendre d’un homme de cet âge à l’époque ? Au moment de la première guerre, Pétain est déjà un « défensiste » et un « pessimiste » (s’opposant alors aux partisans de l’offensive à tout crin fort coûteuse en hommes), il aurait été étonnant que 24 ans plus tard, en 1940, évoluant parmi une cours d’intrigants et de conseillers en tout genre il eut été transformé en résistant farouche. A la fin de la guerre, alors qu’il erre dans le château hanté de Sigmaringen, le vieux Maréchal n’a plus que quelques heures de lucidité par jour. Avec la pression du pouvoir et les éternelles intrigues de Vichy, la santé mentale de Pétain aura été mise à dure épreuve sur ces 4 années. La Gauche blâme donc depuis 80 ans un vieil homme qui n’avait déjà plus toute sa tête et n’était pas connu pour sa farouche volonté de passer à l’offensive résistante. Bizarrement, la figure de Laval n’est jamais mis en avant par la Gauche préférant s’en prendre continuellement à Pétain, alors que Pierre Laval avait, lui, toutes ses facultés et aura décidé et mis en oeuvre la politique de « Collaboration » avec l’Allemagne nazie.

Ce rappel quant à l’âge avancé de Pétain étant fait, il convient cependant d’interroger le fascination que son régime, le « régime de Vichy » exerce sur une frange de la Droite de la Droite. Comment s’enthousiasmer, quand on glorifie la « volonté de puissance » et qu’on réclame le « retour de la France au premier plan mondial », pour un régime qui aura fait de la France une réserve de blé pour l’Allemagne, qui aura livré à l’ennemi une partie de sa population (Juifs, STO) et qui n’aura eu de cesse d’être humilié par Hitler, le tout dans une perspective d’avenir où la France n’aurait été qu’une petite province parmi d’autres du Reich de 1000 ans ? Bien entendu, Pétain n’avait pas vraiment le choix et Hitler menaçait constamment Vichy de nommer un Gauleiter qui aurait mis fin à la timide administration franco-française, mais il faut avouer que le « bouclier » n’aura pas protégé de grand chose. Malgré quelques aspects sympathiques du régime de Vichy (retour à la tradition, mise en avant de la paysannerie et de l’artisanat, politique familiale et nataliste), force est de constater que l’honneur et les couilles étaient plutôt à Vichy qu’à Londres !

Indéfendable le Régime de Vichy ? Plutôt oui… Et pour les Bretons, il aura même créé la première séparation entre la Loire-Atlantique et le reste de la Bretagne (que les socialistes aggraveront encore en 1982), ce qui, pour nous, n’est pas un détail.

Le mieux serait de constater que les enjeux et les débats qui ont rythmés la carrière de Pétain et l’après-guerre sont morts et enterrés. Aujourd’hui, l’Allemagne n’envahira plus personne mais se fait envahir par d’improbables populations? Quant à la France, elle ne devrait pas avoir à résister de nouveau contre les armées du Kaiser ou du Reich avant quelques siècles, par contre, elle subit une immigration-invasion avec collabos zélés d’une toute autre nature et d’un tout autre danger à long terme.

La question de « Pétain : Verdun ou Vichy ? » n’a donc plus aucune importance. car aujourd’hui, c’est plutôt l’interrogation « Nicolas : La conversion ou le cercueil » qui se pose pour chacun d’entre nous.

Philippe Pétain est mort et enterré depuis belle lurette, qu’il reste là où il est et paix à son âme.

Jean-Pierre Trédia

Illustration : DR
[cc] Article relu et corrigé (orthographe, syntaxe) par ChatGPT.

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