William Saunders, J.D., est diplômé de la Harvard Law School et s’intéresse depuis trente ans aux questions de politique publique, de droit et d’éthique. Il est membre du comité consultatif académique du Victims of Communism Museum & Foundation, président émérite de la division Liberté religieuse de la Federalist Society et ancien conseiller principal de l’organisation Americans United for Life.
Chroniqueur régulier pour le National Catholic Bioethics Quarterly, M. Saunders a beaucoup écrit sur ces sujets, ainsi que sur l’enseignement social catholique. Il a donné des conférences dans des facultés de droit et des universités à travers les États-Unis et le monde entier. Le dernier ouvrage de M. Saunders, intitulé Unborn Human Life and Fundamental Rights: Leading Constitutional Cases Under Scrutiny (La vie humaine à naître et les droits fondamentaux : examen des principales affaires constitutionnelles), a été publié en 2019. Il est directeur du programme des droits de l’homme à l’Institut d’écologie humaine de l’Université catholique d’Amérique, qui comprend une maîtrise en droits de l’homme. Il est également directeur du Centre pour les droits de l’homme, où il travaille en étroite collaboration avec Chen Guangcheng, membre émérite.
Invité du Conservative Summit de Bratislava, Saunders a rappelé qu’aux USA, la victoire du mouvement pro-vie n’est pas le résultat d’un cycle électoral, mais celui de cinquante ans de persévérance culturelle, juridique et philosophique. Dans cet entretien qu’il nous a accordé, il revient sur ce qui l’a détourné d’une carrière juridique classique, sur les arguments constitutionnels qui fondent selon lui le droit à la vie des enfants à naître, mais aussi sur les défis auxquels l’Europe centrale est confrontée face aux pressions de Bruxelles et du système onusien. Pour ce juriste rigoureux, la bataille ne se joue pas seulement dans les tribunaux : elle se gagne en formant une nouvelle génération de juristes capables de défendre la dignité humaine dans le langage du droit.
Breizh-info.com : Monsieur Saunders, vous avez passé plus de trente ans à la croisée du droit, de la bioéthique et des droits de l’homme. Avec le recul, qu’est-ce qui vous a poussé à abandonner une carrière juridique conventionnelle pour vous consacrer à plein temps à la cause pro-vie ?
William Saunders : Robert Casey, un démocrate pro-vie, a donné une conférence sur la véritable histoire juridique de l’avortement aux États-Unis. J’ai appris certains faits fondamentaux, tels que le fait que les États-Unis sont devenus plus pro-vie à mesure que les faits relatifs au développement humain ont été compris, qui contredisaient ce qu’on m’avait enseigné pendant mes études. Cela m’a choqué. Je travaillais déjà dans le domaine des droits de l’homme, mais j’ai clairement vu que le discours accepté sur l’avortement était faux. Cela exigeait une action.
Breizh-info.com : Lors du sommet conservateur de Bratislava, vous avez parlé de la façon dont l’arrêt Roe v. Wade a été annulé. Si vous deviez identifier les trois facteurs culturels et juridiques les plus importants derrière l’affaire Dobbs, quels seraient-ils ?
William Saunders : Le premier était l’engagement absolu du mouvement pro-vie à protester et à renverser l’arrêt Roe dès la première année. Le deuxième était la compréhension par les avocats conservateurs que la raison pour laquelle l’arrêt Roe restait en vigueur était qu’il était fondé sur l’activisme judiciaire et devait être remplacé par des juges qui comprenaient que leur travail, en vertu de la Constitution, était d’appliquer la loi, et non de la créer. Le troisième facteur était la demande du mouvement pro-vie que le président nomme des juges engagés à le faire.
Breizh-info.com : En Europe, beaucoup de gens ne voient dans l’affaire Dobbs qu’une victoire partisane des républicains. Comment expliqueriez-vous au public d’Europe centrale que le mouvement pro-vie aux États-Unis est bien plus qu’un cycle de campagne politique ?
William Saunders : L’affaire Dobbs est une victoire pour notre Constitution. C’est le peuple qui fait la loi, pas les juges. Si les juges faisaient la loi, le peuple aurait perdu son droit de vote ! Le mouvement pro-vie doit donc avoir une dimension politique ; nous devons exiger de nos politiciens qu’ils élaborent des lois justes qui protègent les innocents. Cependant, les Américains comprennent également que ce mouvement n’est pas simplement anti-avortement, mais pro-vie. C’est pourquoi nous soutenons les centres d’aide à la grossesse pour les femmes dans le besoin. Nous soutenons les changements juridiques visant à soutenir le mariage, la famille et les enfants. Nous essayons de construire une culture de la vie. Mais cela était impossible tant que l’arrêt Roe n’était pas annulé. Je veux que tout le monde comprenne ceci : avant l’annulation de l’arrêt Roe, il n’existait aucune limite à l’avortement (au-delà de l’interdiction d’une seule procédure). Toutes les lois adoptées par les États étaient immédiatement suspendues par les tribunaux en raison de la portée de l’arrêt Roe.
Breizh-info.com : Vous avez fait valoir que les enfants à naître sont une question de droits humains, et pas seulement une préoccupation « religieuse ». En termes juridiques, quel est l’argument le plus solide pour affirmer que le droit à la vie des enfants à naître fait partie intégrante de la protection des droits fondamentaux ?
William Saunders : L’idée même des « droits de l’homme » repose sur l’affirmation que les droits de l’homme appartiennent aux êtres humains. Si nous commençons à nier dans la loi que tous les êtres humains sont égaux sur ce point fondamental, nous mettons en péril tous les droits de l’homme.
Breizh-info.com : Le mouvement américain pro-vie a mis près de 50 ans pour renverser l’arrêt Roe. Que diriez-vous aux militants européens qui se sentent dépassés par les médias, les tribunaux et les institutions internationales hostiles et qui sont tentés d’abandonner ?
William Saunders : N’abandonnez pas ! La question est d’une importance tellement fondamentale que nous devons témoigner de la vérité.
Breizh-info.com : Dans de nombreux pays occidentaux, la bioéthique est de plus en plus réduite à des questions d’« autonomie » et de « choix ». De votre point de vue de bioéthicien, qu’est-ce qui manque dans ce discours dominant ?
William Saunders : La reconnaissance du fait que la vérité impose des limites appropriées au choix et à l’autonomie. La liberté de personne ne peut être illimitée, ce serait l’anarchie.
Breizh-info.com : Vous avez travaillé à la fois dans le monde des ONG et maintenant dans le milieu universitaire à l’Université catholique d’Amérique. Dans quelle mesure est-il important de former une nouvelle génération d’avocats et d’universitaires capables de défendre la vie et la dignité humaine en termes strictement juridiques et philosophiques, et pas seulement théologiques ?
William Saunders : C’est très important. Les arguments théologiques sont importants, mais nous devons persuader ceux qui ne sont pas d’accord avec la théologie. Les faits scientifiques fondamentaux – à savoir que la vie commence dès la conception et se poursuit, qu’elle soit intra-utérine ou extra-utérine, jusqu’à la mort – exigent que nous protégions les enfants à naître. Une société qui tue ses jeunes est une culture de la mort.
Breizh-info.com : L’Europe centrale est souvent soumise à des pressions de la part de Bruxelles, du système des Nations unies et de divers lobbies pour libéraliser l’avortement et introduire l’euthanasie. Quel conseil pratique donneriez-vous aux législateurs et aux juristes d’ici qui veulent résister à ce programme sans être marginalisés comme « anti-droits de l’homme » ?
William Saunders : Ne soyez pas sur la défensive. Exigez que Bruxelles respecte la loi. L’UE n’a aucune compétence dans ces domaines, qui relèvent des États membres. De plus, l’avortement et l’euthanasie ne sont pas des droits de l’homme ; ils ne sont pas reconnus par le droit international.

Breizh-info.com : Vous vous êtes également beaucoup investi dans la défense de la liberté religieuse. Voyez-vous un lien entre l’érosion de la liberté religieuse et le déclin de la protection juridique de la vie et de la famille ?
William Saunders : Il arrive parfois, et de plus en plus souvent, que la « gauche », pour ainsi dire, prétende que la liberté religieuse est un droit secondaire. C’est absurde. Lisez la Déclaration universelle des droits de l’homme. C’est un droit fondamental. Cependant, si la gauche gagne ce débat, elle marginalise les personnes religieuses et les intimide pour les réduire au silence. Il y a donc un lien.
Breizh-info.com : Quand on regarde l’Europe d’aujourd’hui, avec son hiver démographique, son laïcisme agressif et ses expérimentations bioéthiques croissantes, pensez-vous qu’il soit encore temps de « corriger le cap » sur le plan moral et juridique ? Et où ce renouveau pourrait-il réellement commencer ?
William Saunders : Il y a toujours du temps, il y a toujours de l’espoir, car la vérité perdure. Notre travail, si je peux paraphraser Mère Teresa, n’est pas de réussir, mais d’être fidèles. Nous laissons l’avenir entre les mains de Dieu.
Breizh-info.com : Certains détracteurs affirment que les lois pro-vie « mettent les femmes en danger » et ignorent les situations difficiles telles que le handicap, la pauvreté ou les grossesses non désirées. Comment répondez-vous à cette accusation dans votre travail, et quels exemples utilisez-vous pour montrer qu’une culture de la vie protège à la fois la mère et l’enfant ?
William Saunders : Il est important de souligner toutes les preuves qui montrent que l’avortement n’est pas bon pour les femmes qui y ont recours. Il n’est pas bon non plus pour les relations, car il permet au père de se soustraire à ses responsabilités. Il n’est pas bon non plus pour la société, car il nous fait croire que nous « aidons les femmes » alors que nous les abandonnons entre les mains de l’avorteur, qui tire profit de l’avortement.
Breizh-info.com : Enfin, quel message aimeriez-vous adresser aux jeunes chrétiens d’Europe centrale – étudiants en droit, médecins, militants – qui veulent défendre la dignité de la vie humaine mais se sentent isolés dans des institutions de plus en plus hostiles ?
William Saunders : Formez des alliances au-delà des frontières. Encouragez-vous les uns les autres. Les ennemis de la vie ne peuvent l’emporter que si nous cessons de lutter pour la vérité.
Propos recueillis par YV
Illustration : DR
[cc] Article relu et corrigé (orthographe, syntaxe) par ChatGPT.
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