Meurtre de Nasserdine. S à Brest : quand la « marche blanche » occulte la réalité – et interroge la déontologie médiatique

Plus de 300 personnes réunies, des images tournées en boucle par trois quotidiens locaux, des titres appuyés sur « l’émotion », des tee-shirts blancs et des fleurs déposées à Bellevue… Ce vendredi 21 novembre, la presse locale a couvert avec une insistance inhabituelle la marche blanche organisée en hommage à Nasserdine S, tué par balles le 14 novembre dans le quartier de Bellevue à Brest.

Une mobilisation massive ? Oui. Un drame ? Évidemment, comme toujours lorsque n’importe quel individu décède.

Mais une couverture médiatique qui pose question : pourquoi un tel déploiement compassionnel quand, dans d’autres cas – y compris pour des victimes sans casier, sans antécédents, sans implication possible dans des trafics – la presse reste étrangement discrète ? L’émotion, nécessaire, ne doit jamais masquer les faits. Et encore moins devenir un filtre déontologique à géométrie variable.

Un jeune homme abattu… mais déjà mis en cause

Les articles publiés ces derniers jours se focalisent sur la « douleur d’une communauté » et « l’hommage silencieux », évitant soigneusement (ou alors avec des pincettes) d’aborder un élément pourtant essentiel à la compréhension du drame : la victime n’était pas un inconnu de la justice.

Selon plusieurs sources policières et judiciaires :

– il était mis en examen pour meurtre dans l’affaire de Plomelin (2021), où un jeune homme avait été tué de trois coups de couteau ;
il attendait un procès aux assises en tant que victime d’une tentative d’assassinat à Brest en 2022 ;
– il comptait onze mentions au TAJ (traitement des antécédents judiciaires – qui ne sont pas des condamnations) ;
– son casier faisait état d’au moins une condamnation (Une affaire de recel de vol de moto-cross en 2023, achevée par trois mois de prison avec sursis via une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité).

Autrement dit : la presse sait parfaitement que ce jeune Mahorais évoluait dans un environnement où la délinquance n’a rien d’exceptionnel. Mais elle préfère s’appliquer à effacer tout ce qui relèverait des zones grises. Une « purification narrative » qui interroge.

Une marche blanche très médiatisée – d’autres, beaucoup moins

On ne reprochera jamais à une famille ou à une communauté d’honorer un proche. La solidarité communautaire dans cette affaire devrait d’ailleurs inspirer y compris les autochtones confrontés à des drames bien moins médiatisés.

Le problème, c’est le traitement médiatique, qui transforme un dossier complexe – homicide, trafic local, tensions communautaires, enquêtes longues – en un récit linéaire : un jeune homme gentil, aimé de tous, tué sans raison. La presse régionale sait pourtant être beaucoup plus prudente dans d’autres cas. Quand une personne sans histoires, un étudiant, un retraité ou une victime de cambriolage violent meurt, les rédactions n’en font pas autant, encore moins quand la situation est trouble.

Ici, au contraire, on déroule le tapis rouge de la compassion médiatique. On évite les questions dérangeantes.

On oublie le contexte de narcotrafic massivement dénoncé par les habitants eux-mêmes. On a mis en avant le « choc du quartier » mais jamais le quotidien de deal, d’intimidations et de tirs de mortiers.

La presse locale n’est pas naïve : elle connaît la situation explosive de Bellevue et de nombreux quartiers brestois.

Les témoignages publiés le lendemain du meurtre parlent de :

– trafics visibles en plein jour ;
– immeubles squattés ;
– habitants terrorisés à partir de 18 h ;
– violences devenues banales ;
– réseaux communautaires africains en tension.

Pourtant, on ne lit rien de tout cela dans la couverture de la marche blanche.

On observe ici un phénomène désormais régulier dans la presse française : la sacralisation médiatique de certaines marches blanches, dès lors que la victime appartient à un groupe perçu comme « fragile » (ou à contrario par peur de heurter des groupes puissants localement) et que l’événement s’inscrit dans un récit émotionnel prêt-à-l’emploi.

À l’inverse, des familles de victimes issues de milieux modestes, rurales, ou simplement “non communautaires”, doivent parfois supplier pour quelques lignes dans un quotidien régional.

Que 300 personnes marchent : c’est leur droit. Que la famille pleure : personne ne le conteste.

Mais que la presse présente l’affaire comme un homicide presque « incompréhensible » relèverait, dans n’importe quelle école de journalisme, d’un manquement à la base de la base : l’exactitude.

Brest face au réel : la violence continue, et le silence médiatique aussi

Pendant que les caméras suivaient la marche blanche ces dernières semaines à Brest :

– la police renforçait sa présence ;
– des tirs de mortiers avaient lieu à Ponta ;
– les habitants expriment leurs peurs sur les réseaux sociaux ;
– les élus réclament encore plus de moyens contre le trafic.

La mise en scène compassionnelle ne traite rien du fond. Elle ne protège pas les habitants. Elle n’empêche pas les prochaines balles. Elle occulte juste la réalité d’une ville fracturée, devenue terrain de jeux des réseaux de drogues qui recrutent, menacent, tirent et se vengent.

À force de déconnecter la narration médiatique de la réalité criminelle, on finit par fabriquer un monde parallèle où l’on marche en blanc pendant que d’autres marchent armés.

Le rôle d’un journaliste n’est pas d’effacer les zones d’ombre, mais de les éclairer. C’est encore plus vrai quand un quartier entier vit sous la pression du trafic et de la violence.

Il est temps que la presse cesse de traiter certains homicides comme des drames « neutres » et d’autres comme de simples faits divers. Le public mérite mieux qu’une information sélective. Et Brest mérite mieux que des récits aseptisés.

Armand LG

Illustration : DR
[cc] Article relu et corrigé (orthographe, syntaxe) par ChatGPT.

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