La célèbre série de bandes dessinées Murena offre une vision de Rome sous Néron particulièrement crédible. Le tome 13, qui vient de sortir, ouvre un nouveau cycle avec l’arrivée de Jérémy au dessin.
La célèbre série de bandes dessinées historiques Murena décrit le règne de l’empereur Néron, de 54 à 68. Le personnage central, Lucius Murena, est imaginaire.
Dans les premiers tomes, l’empereur Claude regrette d’avoir négligé son fils biologique Britannicus au profit de son fils adoptif Néron, enfant de son épouse Agrippine. Il envisage de la répudier, pour se remarier avec Lollia Paulina. Mais l’impératrice Agrippine intrigue pour assassiner sa rivale, avec l’accord de Néron, malgré l’amitié de celui-ci avec Lucius Murena, fils de Lollia Paulina. Agrippine, par la suite, empoisonne Claude pour installer Néron sur le trône. Alors adolescent, Britannicus meurt à son tour dans des circonstances troubles. Néron devient de plus en plus la proie d’une folle cruauté. C’est à cette époque que se diffuse à Rome le christianisme. Néron a ainsi une entrevue avec Saint Pierre, décrit comme bienveillant et charitable. Mais à la suite du grand incendie de Rome, survenu dans la nuit du 18 juillet 64, Néron décide de persécuter les chrétiens.
En 64 après JC., au lendemain du grand incendie de Rome, l’empereur Néron est en proie au doute. Lucius Murena, son seul ami, a disparu. Celui-ci aurait-il participé à un complot contre lui ? Mais Murena est entre les mains d’une intrigante, Lemuria, la sœur de Pison, qui l’a drogué afin de faire de lui l’objet de son plaisir. Lucius décide de la fuir et de rentrer à Rome. Mais, par l’effet de la drogue, sa mémoire est défaillante. Seul Pétrone peut l’aider. Pendant ce temps, Pison et d’autres proches de l’empereur préparent son assassinat pour prendre le pouvoir. Murena rencontre alors une redoutable gladiatrice, surnommée » l’Hydre « , qui détient un secret qu’elle ne peut partager qu’avec Néron.
Dans le tome 12, Murena s’est de nouveau rapproché de Néron, ce qui agace Tigellin, âme damnée de l’empereur. Néron, par jeu, affronte à la lutte au javelot l’Hydre, qui s’impose. Néron l’épargne car il a admis qu’il s’agit de sa sœur, fruit des amours d’Agrippine avec le philosophe Sénèque. Lemuria, sœur de Pison, reste éprise de Murena, qui a une autre femme dans sa vie, Claudia. Néron profite alors de la conjuration de Pison pour éliminer tous ses opposants, y compris Sénèque…
Dans le tome 13, qui vient de sortir, le peuple s’inquiète après le grand incendie qui a ravagé Rome et la conspiration avortée de Pison. La popularité de l’empereur Néron baisse. Dans son palais, nombreux sont ceux qui courtisent Néron et soufflent à son oreille, à commencer par son épouse Poppée, qui attend leur enfant. Tigellin conseille ainsi à Néron d’organiser de grands jeux, les Neronia, pour faire oublier l’incendie de Rome et permettre au peuple de l’applaudir pour ses talents de poète. Quant à Lucius Murena, il s’est enfui de sa prison, mais est resté à Rome. Il se retrouve confronté à des manigances et des trahisons qui mettent à l’épreuve sa loyauté…

Le belge Jean Dufaux est l’un des scénaristes les plus prolifiques de la bande dessinée. Il a notamment créé des séries sur Venise au 18 ème siècle (Giacomo C.), l’imaginaire médiéval (Complainte des Landes Perdues), la guerre de Cent ans (L’Ogre) et poursuivi la célèbre série Blake et Mortimer (L’Onde Septimus et Le Cri du Moloch). On n’oubliera pas de mentionner sa série fantastique se déroulant à Saint-Malo (Ombres). Avec le dessinateur Jacques Terpant, Jean Dufaux a consacré une bande dessinée à Louis-Ferdinand Céline (Le chien de Dieu) et adapté Nez-de-Cuir, roman de Jean de La Varende. Il a également obtenu deux fois le Prix international de la Bande dessinée chrétienne pour ses œuvres dédiées à Charles de Foucauld (Foucauld, une tentation dans le désert) et à Matteo Ricci (Matteo Ricci, dans la Cité interdite).
Dans Murena, Jean Dufaux parvient, à la perfection, à mêler faits historiques et aventures imaginaires. Pour créer l’intrigue historique, il s’inspire des sources antiques (Suétone, Tacite…), ainsi que des romans Acté d’Alexandre Dumas, Quo Vadis ? d’Henryk Sienkiewicz et Moi, Claude de Robert Graves. Ancien journaliste cinéma, ce scénariste avoue être passionné par les auteurs latins Suétone, Tacite, Pétrone et Sénèque. Ainsi est restituée la société romaine et ses spécificités (luttes de pouvoir, importance de la religion et des arts, rôle de la sexualité…). Il dresse un portrait nuancé et subtil de Néron. Pour l’intrigue imaginaire, il fait évoluer le héros Lucius Murena, lequel devient, au fil des tomes, presqu’aussi torturé que Néron. Il dévoile ainsi les liens qu’entretiennent le pouvoir et la folie.
Dans cette prestigieuse série, seize tomes sont prévus. Le succès commercial est arrivé dès le tome 3, porté par la sortie du film Gladiator de Ridley Scott.

Le treizième tome ouvre le nouveau et dernier cycle. Maniant toujours avec subtilité l’équilibre entre réalité historique et fiction, le scénariste Dufaux poursuit l’exploration de destins hors du commun. A la folie de Néron s’ajoutent les fourberies de Tigellin et la quête de Murena pour prouver qu’il est innocent. Jean Dufaux n’oublie pas d’insérer plusieurs rebondissements. Il apporte sa propre version de la mort de Poppée, l’épouse de Néron.

Les premiers tomes avaient été dessinés par le regretté Philippe Delaby, décédé en 2014. Ce maître de la bande dessinée historique, après avoir traité de l’histoire européenne (Bran Légende née des tourbillons des vents du nord, Arthur au royaume de l’impossible, Richard Cœur de Lion, L’Étoile polaire), avait obtenu le succès par les séries Complainte des Landes perdues (t. 5 à 8) et Murena. Son superbe dessin s’intégrait à la perfection dans des planches construites selon les techniques cinématographiques (panoramiques, gros plans… et même le travelling, lorsqu’on suit un sujet en mouvement, pour s’en rapprocher, s’en éloigner, le contourner et le voir ainsi sous un nouvel angle).
Après le décès de Philippe Delaby, c’est Theo Caneschi, jusqu’ici connu pour la série médiévale Le Trône d’Argile, qui avait repris le dessin de Murena, avec un style plus baroque.
En 2025, Jérémy Petiqueux, dit Jérémy, succède à Theo Caneschi sur la série Murena. Né en 1984 à Tournai, ce belge, à l’âge de 17 ans, rencontre Philippe Delaby dont l’épouse, institutrice, est une collègue de sa mère, et lui présente son dessin de style manga. Il suit une formation artistique à l’Académie des beaux-arts de Tournai dans la section spécialisée en bande dessinée. En 2004, Delaby propose à Jérémy de collaborer pour la mise en couleur de la série Complainte des landes perdues, puis en 2005 de la série Murena. Jérémy met alors fin à ses études et se consacre à la mise en couleur de bandes dessinées. Jean Dufaux, scénariste de Murena et de Complainte des landes perdues, lui offre la possibilité de réaliser sa première bande dessinée : Barracuda (six tomes), mettant en scène trois jeunes pirates. Au décès de Philippe Delaby en 2014, il accepte de dessiner les 21 planches restantes afin d’achever le tome 8 de Complainte des landes perdues. En 2017, avec un scenario d’Alejandro Jodorowsky, il commence la série Les Chevaliers d’Héliopolis (quatre tomes). Après d’autres albums dans le domaine du fantastique (Layla – Conte des marais écarlates, Vesper), il crée l’univers du jeu Vesper Ether Saga.
Que Jérémy prenne la relève de Murena relève de l’évidence, tant il a appris son art aux côtés de Delaby. Les traits physiques caractéristiques des personnages de la série sont ainsi parfaitement repris. Le trait de Jérémy est plus proche de celui de Delaby que de Caneschi, dessinant des visages un peu moins anguleux que son prédécesseur. Jérémy n’utilise pas l’outil informatique. Il commence par dessiner sur un format assez grand, le crayonné avant l’encrage (pendant 8 mois), puis, après réduction, peint à l’aquarelle traditionnelle (pendant 4 mois).
On admire la qualité des cadrages, les dessins magnifiques, le soin accordé aux détails dans les décors et les couleurs directes.

A noter qu’il existe une version de cet album ne contenant que les crayonnés. Auparavant, d’autres albums avaient été édités en latin.
Murena, tome 13, Les Neronia. 46 pages. 13,95 euros. Editions Dargaud.

Kristol Séhec.
Photo d’illustration : DR
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Une réponse à “Murena, un nouveau cycle commence (bande dessinée).”
J’ai lu le premier album, c’est tout sauf crédible. C’est surtout très fantasmé.