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CHU de Nantes : mouvements sociaux à tous les étages

06/04/2016 – 08h15 Nantes(Breizh-info.com) – Après plus d’un mois de grève, les personnels des urgences – infirmiers, aide-soignants, agents des services hospitaliers qualifiés (ASHQ), brancardiers – du CHU de Nantes viennent de suspendre leur mouvement après avoir obtenu satisfaction sur une partie de leurs revendications. Mais d’autres mouvements sociaux ont commencé dans d’autres services ou sont sur le point de l’être. Au CHU de Nantes, cela craque de partout. Sous-effectifs et profondes incertitudes minent le mastodonte hospitalier nantais.

Les urgentistes demandaient un poste médico-psychologique supplémentaire afin qu’il y ait toujours deux infirmiers médico-psy par semaine afin d’assister les personnels médicaux. Ils souhaitaient aussi qu’il y ait de façon pérenne une infirmière pour gérer, la nuit, les patients en attente de soin. Enfin, ils voulaient voir porter l’indemnité d’insalubrité à son taux maximum. Celle-ci est accordée quand les conditions de travail sont difficiles – que les installations soient salubres ou non – et notamment lorsque les personnels font face à des violences. « Il s’agit de patients qui arrivent à l’hôpital sous l’emprise de drogues et d’alcool essentiellement », nous précise Olivier Terrien, délégué CGT du CHU. « Ils sont souvent violents envers ceux qui les soignent ; il y a aussi les familles de certains patients, ou ceux qui ont des atteintes psychologiques ou psychiatriques ». Pendant leur grève, les urgentistes continuaient à travailler : dans la fonction publique hospitalière, il y a une obligation de service minimum, et les personnels grévistes ou non sont assignés pour que l’activité continue.

La direction a accordé aux personnels des urgences le taux maximal de cette indemnité – à savoir 4.14€ par jour (ou nuit) contre 1.55 précédemment – ainsi que des postes supplémentaires d’infirmiers médico-psychologique (à hauteur de 1,7 Equivalent Temps Plein). De façon provisoire, une infirmière est maintenue pour gérer la file d’attente (0,8 ETP). « C’est que dalle, même si ça va dans le bon sens », concède Olivier Terrien.

Dans d’autres services, des mouvements de grèves ont été lancés ou vont l’être, à cause d’effectifs trop restreints. A l’hôpital Laënnec à Saint-Herblain, la MAG (médecine aiguë gériatrique) s’est mise en grève le 1er avril. Le service demande un infirmier diplômé d’Etat (IDE) supplémentaire à 80% (0,8 ETP), 1 poste de journée d’infirmier en semaine (2.5 ETP), un autre infirmier de nuit en semaine (2.5 ETP), un agent de service hospitalier qualifié le mercredi et le dimanche, ainsi que le remplacement, enfin, de leurs personnels en arrêt-maladie.

En grève depuis trois semaines, les personnels de médecine interne et de médecine des urgences ont suspendu leur mouvement après avoir obtenu une infirmière l’après-midi du lundi au vendredi, un aide-soignant supplémentaire sur la même période, ainsi qu’un ASHQ chargé du nettoyage, du service des petits-déjeuner et de la logistique. Cela va représenter 5 postes, soit 2,5 ETP. « Pour la direction il s’agit de créations. En fait, ils vont les prendre ailleurs, quelque part, où c’est déjà tendu. Il s’agit de redéploiement », précise Olivier Terrien (CGT).

Deux services de rééducation fonctionnelle, installés à l’hôpital Saint-Jacques, au sud de Nantes (Pirmil), demandent des infirmiers et des aides-soignants en plus. Le pôle tête et cou, implanté à l’Hôtel-Dieu, demande la suppression des astreintes des infirmières, 2 infirmières supplémentaires la nuit le week-end et un aide-soignant supplémentaire. Un service de chirurgie digestive demande lui aussi des postes supplémentaires de kinés, d’infirmières et d’aides-soignants. Enfin trois établissements dépendant du pôle gériatrie, l’Hôpital Bellier à l’est de Nantes, un service installé à Pirmil et la Seilleraye à Mauves demandent plus d’effectifs. Tous ces services n’ont pas encore lancés leurs mouvements, mais attendent des CHSCT pour exprimer leurs revendications et leur ras-le-bol.

« On partage tous la même misère », estime Olivier Terrien, délégué CGT au CHU. « Le nombre d’arrêts de travail, d’absences, de burn-out est en augmentation dans tous les services ». En 2015, il y a eu 200.039 jours d’arrêt de travail. Un constat nuancé par la direction, qui rappelle que le CHU compte 8830 ETP (pour 12.000 emplois), soit 21 jours d’arrêt par an et par personne. « De toute façons ça craque de partout et à tous les niveaux ». Si la direction du CHU affirme avoir créé 65 ETP en 2015, notamment en lançant de nouvelles activités qui permettent à l’hôpital d’avoir de nouvelles recettes, la CGT a fait ses calculs, et « ça représente une centaine de postes supprimés dans divers secteurs, dont une partie a été réaffectée dans de nouvelles activités. Pour la direction, il s’agit de créations. Pour nous, le bilan est négatif, et ils ne cessent de deshabiller Paul pour habiller Pierre en lançant de nouvelles activités sans moyens supplémentaires. »

Pourtant, contrairement à l’hôpital de Saint-Nazaire, le CHU n’est pas déficitaire. « Nous avons réalisé 12 millions de recettes supplémentaires en 2015 par rapport à 2014. Le CHU n’est plus déficitaire depuis 2010 selon la Chambre régionale des comptes », assène Olivier Terrien. Mais l’avenir s’annonce sombre : pour payer le nouvel hôpital sur l’île de Nantes, d’ici 2022, 500 postes seront supprimés, « soit 800 emplois en moins » pour la CGT, « car il y a souvent des femmes à temps partiel dans la fonction hospitalière ».

Il n’y a pas que les hôpitaux de Nantes et Saint-Nazaire qui sont en difficulté : « au plan national, à cause du pacte de responsabilité, il est prévu de 2015 à 2017 de supprimer 22.000 postes et 16.000 lits. Par ailleurs, alors que tous les établissements essaient d’augmenter leurs activités et leurs recettes pour tenter de s’en sortir, une baisse des tarifs de 1% a été votée, si bien que les règles sont complètement faussée. On a beau augmenter l’activité, forcer les personnels à travailler encore plus pour être toujours plus rentable, ça ne suffit plus ».

Pour Olivier Terrien (CGT), l’incompétence des dirigeants n’est pas la seule explication des processus catastrophiques qui minent le système de santé public. « Le but, à mon avis, c’est de diminuer l’offre pour diminuer la demande. Tous les projets de reconstruction – comme celui de Nantes – se font sur le principe qu’il y aura moins d’activité dans le nouvel établissement. Il s’agit d’un montage politico-administratif qui a pour objectif de dissuader les gens d’aller se faire soigner et qui détruit le système de l’intérieur », estime le syndicaliste. « Aujourd’hui, l’hôpital public accueille des gens issus de toutes les couches sociales. Demain, les gens riches iront à la clinique et paieront cher, tandis que les pauvres attendront ». Ou paieront, s’ils le peuvent.

Crédit photos : DR
[cc] Breizh-info.com, 2016 dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine

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2 réponses à “CHU de Nantes : mouvements sociaux à tous les étages”

  1. Benjamin TURBÉ dit :

    Le montant de la prime d’insalubrité n’est pas horaire (comme indiqué dans l’article) mais par journée (ou nuit) travaillée…

    Benjamin TURBÉ, infirmier aux urgences du CHU de Nantes

  2. darius1000 dit :

    Les conditions de travail deviennent insupportables dans les établissements hospitaliers. Les heures supplémentaires non payés s’accumulent et la fatigue est de plus en plus présente

    http://www.smokeway.fr/content/164-nantes

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