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Carhaix. L’ogre chinois annonce une voire deux nouvelles usines Synutra pour asseoir sa domination économique

08/04/2016 – 05H00 Carhaix (Breizh-info.com) – Mercredi 6 avril 2016 : après une visite sur le port de Brest, l’ambassadeur de Chine en France, Zhai Jun, est accueilli comme un prince par Christian Troadec à Carhaix. Un déplacement officiel en Bretagne, et une escale à l’usine Synutra (production de lait en poudre), où Zhai Jun et Zhang Liang, PDG de Synutra, ont annoncé, à la surprise générale, la création d’une et peut-être deux nouvelles usines à Carhaix. 400 millions d’euros d’investissement sont annoncés, et une promesse de 700 emplois a été faite, d’ici quelques années.

Cette deuxième usine annoncée – tandis que la première n’a pas encore démarré sa production – sera spécialisée dans le lait UHT, toujours destiné à l’export, en Chine. Chiffre d’affaire attendu pour ces deux usines : 1,2 milliard d’euros.

Les Chinois ne viennent  pas en Centre-Bretagne pour les beaux yeux de Christian Troadec qui dit de la Chine qu’elle est « le Pérou pour la Bretagne ». Pas un mot de cet ardent défenseur des droits de l’homme, lors de son discours de mercredi, sur la situation au Tibet… ou sur un pays qui est le premier pays au monde en nombre d’exécutions de condamnés à mort (4000 en 2011). Quand il s’agit d’argent (et d’emplois) il faut savoir fermer les yeux …

Non, les Chinois viennent en Bretagne pour faire de l’argent, beaucoup d’argent. Le PDG de Synutra ne s’en est d’ailleurs jamais caché. « Les Européens disent que les Chinois viennent en Europe pour la qualité et la sécurité. Ce sont des paroles ! Je viens en Europe pour le prix. Pour gagner de l’argent. Je fais un investissement pour avoir la source. En Chine, nous avons assez de terres pour les céréales, mais si vous voulez faire de l’élevage, il en faut encore plus.» expliquait Zhang Liang.

 Et du côté des petits producteurs laitiers c’est l’inquiétude, comme nous l’avions déjà souligné précédemment . En effet, pour assurer l’approvisionnement en lait, une coopérative française bien implantée en Bretagne, Sodiaal, va se retrouver en situation de monopole. « Propriétaire des marques Candia ou Yoplait, troisième collecteur européen de lait, le groupe s’est engagé à fournir la totalité des besoins en lait et en lactosérum. L’investissement chinois assurera un débouché à 20% de la collecte laitière de Sodiaal en Bretagne et devrait solliciter environ 700 producteurs de la région » détaille Agro-media. Le tout sera emballé et expédié en Chine.» peut on lire sur le site agrosciences.

Mais il n y aura pas que des producteurs de la région ; la fin des quotas laitiers – un système qui permettait depuis 1984 la régulation des marchés – entraine que partout en Europe, les exploitants peuvent produire les quantités de produits laitiers qu’ils veulent. Et les géants des « cartels du lait »,  comptent bien en profiter : « Avant, l’Etat jouait les régulateurs. Désormais, les producteurs devront traiter directement avec leur laiterie. En 2011, celle avec laquelle nous travaillons nous a proposé un contrat type. Nous avons un droit à produire de 200 000 litres. Chaque année, nous devrons lui livrer 85% de ce volume minimum. Si on n’atteint pas ce volume, en cas de sécheresse ou de problème sanitaire, par exemple, la laiterie pourra revoir notre droit à produire à la baisse. Quant au prix, nous n’avons toujours pas notre mot à dire. Nous sommes obligés de lui faire une confiance aveugle. J’ai découvert le prix d’achat du lait pour le mois prochain sur ma dernière fiche de salaire. Même si je ne suis pas d’accord, je ne peux rien faire. Un producteur de céréales pourrait décider de ne pas vendre et de stocker en attendant que les prix remontent. Nous, nous travaillons sur une denrée périssable que l’on ne peut conserver que trois jours, alors nous devons nous plier aux tarifs des laiteries.» explique Antoine Jean, producteur de lait dans le Nord.

A Carhaix, que va-t-il se passer ? Tout simplement, la recherche de toujours plus de volumes pour satisfaire les besoins du marché Chinois. Des volumes qui pourront être achetés à meilleurs prix qu’en Bretagne ; ainsi, du lait espagnol, polonais, roumain, serait amené par transporteurs à Carhaix, où il serait transformé avant d’être expédié en Chine via Brest. « Et malgré tout ce transport, les prix seraient moins chers qu’en achetant directement aux Bretons, donc plus intéressants pour les Chinois » explique Isabelle Conan, éleveuse à Bourbriac (22). Avec 285 millions de litres de lait transformés par an dans la première usine, et 240 000 tonnes de lait en poudre annoncé dans la deuxième, il ne sera de toute façon pas possible au marché breton de satisfaire entièrement la demande chinoise.

Concernant les exploitations bretonnes, elles devront donc s’aligner pour survivre. Et produire toujours plus. Au détriment de la qualité. « On va vers toujours plus de bêtes nourries au Maïs et au Soja » nous confie Isabelle Conan que la construction de ces usines ne rassure pas. La Bretagne, futur région productrice de lait low cost pour satisfaire le marché chinois ? « C’est fort possible, beaucoup n’auront pas le choix pour pouvoir survivre » nous confie l’agricultrice.

Et pour les exploitants qui refuseraient de rentrer dans le système qui consisterait  à transformer le Centre-Bretagne en mère-nourricière de la Chine ? « Beaucoup de fermes pourraient fermer. Et les Chinois seront forcément à l’affût pour racheter et s’accaparer toujours plus de terres » continue Isabelle Conan.

Le terme d’ogre chinois n’est donc pas inopportun pour qualifier ce qui pourrait se passer, en Centre-Bretagne, dans les prochaines années. Rachat de terres et de fermes en faillite ou sans repreneurs, bétonnage, agriculture intensive et conséquences écologiques, influence sur la vie économique et politique locale (quand des centaines d’emplois sont en jeu dans un secteur sinistré, il serait bien imprudent de croire que ces emplois n’accordent pas de pouvoir à celui qui les «fabrique ») tout cela n’apportera sans doute pas que du bon au Centre-Bretagne. « Le problème, c’est que le raisonnement à court terme aveugle les décideurs » nous explique Loïc, qui possède une ferme à proximité de Carhaix. « Les Chinois n’ont aucune raison de s’arrêter dans leur entreprise de conquête économique. Chez eux, ils sont limités, que ce soit à cause de la pollution ou de l’importance de leur population. Notre monde agricole est vieillissant, endetté, abandonné par les pouvoirs publics. La proie idéale. Ils ont trouvé avec Christian Troadec l’homme qui, par ambition mais aussi par manque de projet agricole régional cohérent et de qualité, leur aura ouvert les portes de la cité, comme pendant la Guerre de Troie»

Mais en ces temps de crise économique grave, et alors que cette région a été littéralement abandonnée par nombre d’industriels bretons, français ou européens, il suffit désormais de sortir 700 emplois de sa poche (et donc des milliers d’électeurs potentiels pour qui permet leur éclosion) pour que tout le monde ferme les yeux sur cette guerre et cette invasion économique qui se déroule (et va s’accélérer) sous nos yeux.

Crédit photos : DR
[cc] Breizh-info.com, 2016 dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine

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Une réponse à “Carhaix. L’ogre chinois annonce une voire deux nouvelles usines Synutra pour asseoir sa domination économique”

  1. Ar Vran dit :

    Ah parce que vous croyez que les Chinois investissent en Bretagne pour faire plaisir aux Bretons? est-ce de la naïveté ou de la mauvaise foi?
    Dans le monde des affaires quand on investit dans quelque chose, c’est pour avoir un retour sur investissement, autrement si cela n’existe pas autant garder son argent… C’est clair, limpide et c’est le monde froid des affaires que l’on soit Chinois, Européens, Américains.. Bref c’est la nature humaine!

    Ce que montre cet investissement est que le maire de Carhaix (on aime ou n’aime pas certes) a su attirer des investisseurs pour développer son pays et faire garder espoir à ces habitants. Si Troadec ne l’avait pas fait, les Chinois auraient été ailleurs (En Basse Normandie par exemple cf. où se trouve la 2è implantation de ce groupe chinois) et Carhaix et le Centre Bretagne aurait crevé faute d’investissement. On ne peut pas dire qu’actuellement le Poher soit d’une vitalité économique à faire palir les autres terrtoires, c’est même plutôt l’inverse
    C’est une chance et M. Troadec a su la saisir. Ca plait ou ça plait pas, certes mais que proposent les autres politiques : RIEN !
    Parce que vous croyez que Mr. Pennelle et le FN en Bretagne allait faire quelque chose , c’est vrai qu’au vu du CV des personnes du FN en Bretagne on peut se poser la question

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