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Nantes. Jour de victoire chez les fans de Macron, mondialistes heureux

10/05/2017 –07H00 Nantes (Breizh-info.com) – Pour la soirée électorale de Macron à Nantes, plus de 150 personnes étaient réunies dans le hangar de l’Adresse, le quartier bobo du Pré Gauchet, flambant neuf, juxtaposé plus qu’intégré à Malakoff, un quartier ethnique très “sensible”.

Chez Macron, pas d’ouvrier, pas de paysan, pas de chauffeur d’Uber, de charcutier ou de routier. Seuls représentants des classes populaires, quelques employés de bureau sont présents. Le public est constitué de cadres divers, de patrons, de retraités, d’anciens électeurs de Fillon plutôt aisés qui ont basculé sur le candidat de leur classe sociale.

Peu avant 20 heures, l’élection est pliée. La presse belge annonce avec une surprenante précision: 63% pour Macron, les premiers résultats remontés des bureaux laissent présager une large victoire. La salle exulte, le champagne est de sortie, les drapeaux européens s’agitent. Depuis la tribune, un homme donne des ordres pour que les militants les agitent devant les journalistes et prépare la musique de victoire.

Macron a « une obligation de résultat : s’il se plante, et ça ne va pas être facile pour lui, la prochaine fois ce sera Le Pen »

Sur l’escalier, s’empilent quelques journalistes, mais aussi des militants. Bruno est « content que ça ne soit pas Marine qui soit passée » mais n’a pas voté Macron. Il voulait voter Fillon, « mais la façon dont il a profité du système était en contradiction avec sa campagne », donc il n’a pas voté et sa femme s’est rabattue sur Macron, « un homme neuf qui a peut-être moins de casseroles ». Un homme qui selon Bruno a « une obligation de résultat : s’il se plante, et ça ne va pas être facile pour lui, la prochaine fois ce sera Le Pen ». Cependant, il trouve son élection « pas normale du tout. Les médias ont décidé que ce serait Macron le président, ils l’ont soutenu à fond et sont dans une position de faiseurs de roi. C’est la fin de la démocratie ».

Il est 20 heures, les résultats s’affichent, la musique de victoire retentit, et la salle exulte pendant quelques minutes. Bien devant les caméras et les micros des journalistes. Cette liesse millimétrée ne manque pas de rappeler le Maïdan en Ukraine, ou les manifestations de la place Bolotnaya en Russie, où les employés de bureau, les créatifs et autres représentants de la classe moyenne supérieure marchaient au pas, brandissant au signal des pancartes et des drapeaux pour soutenir l’orateur, de façon à fournir de belles images aux journalistes.

Alexandra fait visiblement partie de la bourgeoisie. Elle est « très heureuse » de la victoire de Macron, notamment « pour son programme économique ». Lorsqu’ on évoque la promesse de Macron de faire par ordonnances une loi travail puissance 10, elle esquive –de minimis non curat praetor. Les problèmes du peuple au travail n’intéressent pas ici.  Gérard et Catherine sont eux aussi très contents, « avant tout car ce n’est pas Le Pen qui est passée. Merci à Hollande de nous l’avoir trouvé ! ».

Yohann, qui a fait campagne pour En Marche !, salue « la victoire de notre campagne. Pour les législatives, je ne sais pas ce que ça donnera, nous sommes un mouvement jeune ». Au sujet du soutien apporté par les médias à Macron – ils ont tous fait campagne pour lui, y compris Mediapart qui a appelé à voter pour lui au second tour, après avoir promu les thèses de Mélenchon au premier et refusé de sortir les affaires embarrassantes pour le candidat ou son entourage – il s’en tient au principe de Picabia : ce qui n’a pas de nom n’existe pas. « Tant qu’il n’y a rien qui sort, je n’ai aucune raison de le considérer comme un pourri ».

Guylain, ivre de victoire au sens littéral du terme, s’en prend physiquement à notre journaliste en l’injuriant

Alors que nous essayons d’interviewer Valérie Oppelt, nous sommes interceptés par un certain Guylain, ivre de victoire au sens littéral du terme. Il est passablement remonté contre Breizh Info : « Faut pas leur répondre, c’est de la merde ! Richard Ferrand les a envoyés paître [après que Breizh Info ait mis en lumière son engagement en faveur d’une association qui milite pour le boycott des produits israéliens], Breizh, la Bretagne, c’est la France ». L’alcool aidant, notre homme ira jusqu’à prendre à partie physiquement notre journaliste en l’injuriant.

Après cette intervention quelque peu incongrue – soyons charitables – que Valérie Oppelt, fort embarrassée, repousse de justesse, nous arrivons à avoir le sentiment de cette dernière sur cette victoire : « c’est une belle surprise, un rassemblement de personnes de gauche et de droite par-delà leurs différences, une expérience humaine intéressante », affirme la référente départementale d’En Marche !. Interrogée sur la collusion entre la presse et son candidat, elle préfère botter en touche, trouvant que « beaucoup d’attaques se sont concentrées sur lui ces derniers jours. C’est d’ailleurs incroyable et lamentable que la com’ prend le pas sur le projet de fond » que porte Emmanuel Macron.

Valérie Oppelt : «En Marche! n’est pas une bulle »

En Marche en Loire-Atlantique, combien de divisions ? « Nous avons 7000 adhérents sur le site dont 20% sont impliqués. Ils sont dispatchés dans des comités locaux et ont travaillé sur le projet, notamment via des questionnaires très détaillés qui leur ont été transmis », mais qui n’ont visiblement pas été élaborés à Nantes. « Nous avons fait beaucoup de campagne de terrain, notamment du porte à porte et vu beaucoup de gens qui n’avaient jamais vu le représentant d’un parti venir jusqu’à eux ».

Nous l’interrogeons sur les législatives, qui s’annoncent plutôt incertaines. Dans la mesure où les caciques du PS breton (Auxiette, Aurault, Le Drian) ont rejoint Macron, il y a fort à parier en effet qu’ils feront la promotion de leur clientèle politique au détriment des soutiens relativement nouveaux de Macron, qui pèsent bien moins de voix et ont moins d’obligés. Il est donc très probable aussi que les macronistes pur jus seront obligés de s’effacer au profit de candidats socialistes ou centristes déjà en place. Valérie Oppelt  préfère esquiver, renvoyant à la règle du 50/50 (50% candidats établis, 50% de candidats nouveaux) établie par le candidat. « Les annonces des investitures seront faites très bientôt ; il est clair que les adhérents de En Marche ! s’engageront pour le candidat investi. En Marche n’est pas une bulle ».

Retour dans la salle, Michel voulait voter Fillon, « mais le Penelopegate a tout basculé, et il a une vieille façon d’amener les idées. Macron est plus novateur ». Donc il a voté Macron aux deux tours. « S’il y a un avenir, franchement ça passe par l’Europe », assène-t-il, esquivant la désindustrialisation et le déclin de la paysannerie liés à l’ouverture tous azimuts de l’Europe et l’irruption d’une main d’oeuvre payée au lance-pierres sur tous les marchés.

« Je n’ai pas vu le pays partir en vrille, si cela s’est produit, ce n’est pas arrivé jusqu’à moi »

Julie, elle, est une perle rare. Cette adjointe de direction dans une entreprise nantaise voulait revoter pour Hollande. « Je suis issue d’une famille qui a toujours voté PS, et mon quotidien s’est amélioré avec Hollande. Rien que pour le mariage gay, c’est un très bon président ». Quand on l’interroge sur le déclin réel du pays, l’explosion de la dette, du chômage, de la précarité, elle coupe « je n’ai pas vu le pays partir en vrille, si cela s’est produit, ce n’est pas arrivé jusqu’à moi ». Le géographe Christophe Guilluy avait parlé en son temps de cette bobocratie claquemurée dans ses métropoles et qui donne des leçons d’ouverture. Pourtant, Julie n’a pas voté Hamon. « Trop à gauche, trop… populaire disons. J’ai un peu pitié de lui, il a été envoyé au casse-pipe ». Par réflexe de classe, cela a donc été Macron. La collusion de la presse avec Macron ne l’étonne pas : « pour moi, il est impensable de voter à droite. Pour certains journalistes, visiblement, aussi ».

« On est libéraux, mondialisés et européistes ! »

Isabelle va de sa punchline, flûte de mousseux à la main : « on est libéraux, mondialisés et européistes ! ». Près d’elle, Anne salue l’élection d’un « jeune, c’est super pour notre pays ! Les médias ont certes matraqué pour Macron, mais ils ont aussi lissé l’image du FN », regrette-t-elle cependant. Pour Alexandre, « c’est le candidat de la dernière chance. S’il n’arrive pas à remettre la France en marche, le FN prendra le pouvoir ».

Elie est fils de paysans normands qui ont voté Macron. Cent soixante-dix hectares, de l’élevage et surtout beaucoup de céréales, des agriculteurs qui s’en sortent. Loin du quotidien d’une agriculture qui n’arrive plus à nourrir ses hommes malgré un travail acharné et sans fin. Lui est étudiant à Nantes « dans les énergies ». Il ne barguigne pas sur son soutien à Macron : « j’ai fait sa campagne. Marine le Pen veut sortir de l’UE, mais si on en sort, on se prive des marchés européens. Elle n’a dit que des conneries depuis six mois ! ». Pour en finir avec le FN , fort dans le nord-est qui n’a jamais réussi à surmonter la désindustrialisation, il propose de « réorienter la formation professionnelle. Seuls 10% bénéficient aux chômeurs, le reste c’est de la formation continue. Il faut donner aux gens des savoirs en adéquation avec l’économie ».

On sort de la salle. L’air pique un peu la lacrymo et des explosions se font entendre. Là-bas, en ville, de l’autre côté de la double barrière des rails et de l’argent, il y en a qui n’entendent pas accepter la victoire du candidat de la mondialisation heureuse. Et qui grondent.

Louis-Benoît Greffe

Crédit photos : Breizh-Info
[cc] Breizh-info.com, 2017, dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine

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