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Bertrand Deléon sur la Catalogne : « La décolonisation des esprits sera plus lente en Bretagne »

06/10/2017 – 05h50 Vannes (Breizh-Info.com) – Qu’ils soient militants politiques ou culturels, des  nationalistes ou indépendantistes de Bretagne ont suivi avec attention et soutenu le mouvement de la Catalogne en faveur de l’indépendance. Tandis que certains se sont rendus sur place à l’occasion du référendum, d’autres ont, ici en Bretagne, affiché leur soutien aux Catalans.

C’était le cas, en petit comité, mardi 3 octobre à Vannes, où l’infatigable Bertrand Deléon et quelques acolytes ont déployé une banderole (en breton et en gallo) , en solidarité avec les Catalans. Nous avons interrogé le fondateur de SBD, Strollad Breizh Dizalc’h, nouveau parti indépendantiste breton, sur sa vision de la situation en Catalogne et sur les possibles répercussions ailleurs, en Europe.

Breizh-info.com : Quel est votre analyse de la situation en Catalogne ?

Bertrand Deléon : L’Etat espagnol perd pied et montre son vrai visage. Mais il en va de même pour l’ensemble des Etats européens qui nous serinent de « démocratie » et de « droits de l’Homme » à longueur d’année tout en soutenant les guerres les plus absurdes à travers le monde.

La France n’a-t-elle pas elle-même voulu imposer sa vision de la Liberté en mettant l’Europe à feu à sang depuis Napoléon ? Il n’y a pas de surprise pour les indépendantistes. Cela démontre que nous avions plus que jamais raison sur l’Europe et l’intention véritable des Etats qui la constituent, des « Etats-nations » qui n’en sont pas.

Le peuple catalan a réagi avec un sang-froid admirable face à la féroce répression espagnole. L’Espagne a jugé ce référendum illégal quant à ses intérêts égoïstes et n’en reconnaît pas le résultat. C’est hypocrite puisqu’au lieu de snober l’initiative, le gouvernement espagnol a envoyé ses troupes pour y répondre par une répression policière et militaire. Le peuple a parlé. Et, il a parlé en dépit des pressions considérables.

Les Catalans risquent leur travail et s’exposent à des sanctions mais ils ont le courage d’aller jusqu’au bout. Avec l’appui de l’ensemble des partis politiques au pouvoir en Espagne, avec des appuis notamment en France, le gouvernement de la monarchie espagnole a supprimé par la force des médias catalans et des moyens de communication comme Internet avant le référendum, jusqu’au matériel de vote le jour venu.

Il s’agit bien du retour flagrant d’un franquisme plus ou moins en sommeil jusqu’alors. Des responsables policiers et politiques de cette occupation espagnole en Catalogne sont notamment connus pour leur participation aux lugubres GAL, les escadrons de la mort, milices « non officielles » franco-espagnoles qui ont traqué, torturé et assassiné des femmes et des hommes dans le combat pour la liberté d’Euskal Herria (Pays Basque). La Guardia Civil a eu les mains libres pour mener à bien leur sale besogne ces derniers décennies également.

Enfin, l’union dans la nécessaire indépendance de la Catalogne est remarquable, nous ferions pas mal d’en tirer des leçons en Bretagne. Partis politiques jusqu’à la police autonome ont avancé comme un seul homme.

Breizh-info.com : La Catalogne va-t-elle, selon vous être indépendante ?

Bertrand Deléon : On ne peut rien contre la volonté d’un peuple. C’est une question de temps car l’Espagne fera tout pour empêcher l’ascension de la Catalogne vers la souveraineté. Les appuis extérieurs sont extrêmement importants.

Breizh-info.com : Il semblerait que, dans la foulée, on vote également pour plus d’autonomie, mais aussi pour l’indépendance, en Vénétie en Lombardie, aux Iles Feroé… Comment expliquez-vous cela ?

Bertrand Deléon : Les États exprimaient, par le biais de leurs médias conditionnés, par les subventions, que la question de la Catalogne risquait d’être une boîte de Pandore. Ils ont raison mais ce qui est une inquiétude pour eux est un espoir pour l’ensemble de l’Europe, la vraie et la plus ancienne. Il va de soi qu’une nouvelle voix s’élevant dans le concert des nations va donner des idées. C’est une force supplémentaire pour toutes les nations aux velléités d’émancipation.

A travers les beaux principes de l’Europe franco-allemande, nous pouvons faire qu’ils se retranchent dans leurs contradictions. Dans les succursales des oligarchies au pouvoir, ils font face à un grand changement. Ce n’est pas un hasard si l’Europe a mis autant d’énergie à lutter contre les mouvements de libération nationale.

Les stratégies sont différentes selon l’histoire politique de chaque État : ici, l’accélération du centralisme français par la fusion des régions jusqu’aux communes, la suppression de dotations aux collectivités, la suppression de la taxe d’habitation n’est pas non plus innocente : la France veut nous donner le coup de grâce et vite. Le pourcentage d’exode des Bretons, de l’essentiel de ses forces vives, atteint des records.

De l’Écosse à la Catalogne en passant par le Pays de Galles, la Flandre, le Pays Basque, la Corse, la constitution d’un front international est inéluctable en Europe occidentale et la Bretagne ne doit pas passer à côté.

Breizh-info.com : En tant que militant indépendantiste breton, qu’est-ce que cela vous inspire pour la Bretagne – où le mouvement politique indépendantiste ne parvient pas à percer depuis plusieurs décennies ?

Bertrand Deléon : Les aspirations bretonnes sont diffuses et son mouvement revendicatif est malade. La Bretagne bat dans le cœur de la majorité des Bretons mais le feu du cœur peine à être réactivé. Les Bretons ont appris la soumission par une répression sans relâche de la France. Il y a bien un soubresaut une fois le temps. Les Bonnets Rouges de 2013-2014 en sont un exemple : une réaction épidermique avec quelques références bretonnes mais il n’y a pas de mouvement national solide.

La décolonisation des esprits sera plus lente en Bretagne : nous avons les médias les plus puissants d’Europe mais aussi les plus inféodés au pouvoir. Pourtant, nous devons comprendre que le Gwenn-ha-du est bien plus puissant que toutes les bannières corporatistes. Les syndicats et les partis politiques n’ont de revendications que d’entretenir des problématiques franco-françaises pour exister dans le bourbier français qui les fait vivre.

Nous avons l’Histoire d’un Etat indépendant prospère, nos revendications sont légitimes et historiques. Lorsque la mèche sera allumée, ça pourrait prendre très vite. Nous ne sommes pas tant que ça à des années de lumières de la Catalogne comme on peut l’entendre.

Il suffit simplement que tous les régionalistes et autonomistes de façade, qui se sont beaucoup mis en avant dans la question catalane ces jours-ci, osent enfin être honnêtes vis-à-vis d’eux-mêmes et du peuple breton.

Les freins à l’indépendantisme breton sont ceux qui jouent à la division politique ou qui usent de circonvolutions verbales très complexes pour masquer leurs convictions indépendantistes. Il est plutôt cocasse de voir autant de régionalistes, autonomistes et militants culturels fanfaronner ces jours-ci en Catalogne.

On n’est plus à ça près, cette aberration commence par les socialistes de la Région en train de fêter les 40 ans de la Charte culturelle de V. Giscard-d’Estaing, seule véritable avancée culturelle ces dernières années quand le développement de la culture bretonne en dépend encore.

Breizh-info.com : Justement, où en est votre initiative politique récente (Strollad Breizh Dizalc’h) ? Comment se structure-t-elle ? 

Bertrand Deléon :  SBD est né juste avant l’été, c’est l’heure de la structuration et c’est compliqué. En effet, l’adhésion passive est massive, cela devient presque une mode de se revendiquer de SBD et c’est très bien comme ça. Tout cela va nous obliger à tout remettre à plat avant même de partir dans tous les sens.

Des premiers cadres vont apparaître dans les jours à venir. Ensuite, des fédérations locales très autonomes verront le jour, la charte de fondation est notre ciment et nous serons unis parfois dans nos différences. Il y aura nos opposants qui y verront une faiblesse et autant d’angles d’attaque, ils se lasseront vite.

Propos recueillis par Yann Vallerie

Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2017, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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