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Après l’Ecosse, la Catalogne, demain, la Bretagne ?

10/10/2017 – 05h50 Rennes (Breizh-Info.com) – A la lumière des événements catalans, des voix s’élèvent en Bretagne pour se dire « et pourquoi pas nous ? ».  Comme la Catalogne, la Bretagne dispose en effet de sa propre langue, de sa culture, de son identité. Elle a été un pays indépendant (formellement jusqu’en 1532, de facto jusqu’en 1488) et n’a perdu son autonomie qu’à la Révolution française.

Elle s’est révoltée plusieurs fois contre l’Etat central ; les Catalans ont d’ailleurs eux aussi leur révolte des Bonnets rouges – et ledit bonnet, la barretina, fait toujours partie de la panoplie du paysan catalan.  Mais elle diffère tout de même, économiquement, énergiquement, politiquement de la Catalogne.

Explications.

La Catalogne a une économie plus puissante que la Bretagne

Sur la même superficie que la Bretagne (32.000 km² en Catalogne contre 34.000 pour la Bretagne unifiée), la Catalogne a un PIB de 220 milliards d’euros, contre 120 à 130 milliards tout au plus pour la Bretagne. Un quart de son économie est représentée par le tourisme – 50 milliards d’euros de revenus par an, auxquels s’ajoutent les 8 milliards dépensés par les touristes sur le sol catalan, un autre quart est porté par l’industrie.

Le PIB catalan est proche de celui du Portugal, celui de la Bretagne de la Hongrie. Avec 119 milliards d’euros de Produit Intérieur Brut, la Bretagne serait placée à la 21ème place (sur 28 nations de l’UE avant Brexit) et vers la 61e place parmi les 193 états et territoires siégeant en 2015 à l’ONU.

La Catalogne fabrique une voiture espagnole sur cinq et représente la moitié de la chimie espagnole . Elle dispose (bien que les tensions autour de l’indépendance en ont poussé certains à déplacer leur siège ailleurs en Espagne) des sièges de grandes entreprises, parmi les mastodontes européens, tels que Abertis (BTP), la Caixabank ou Sabadell (banques), ou encore le groupe d’habillement Mango.

La Bretagne de son côté dispose d’une solide industrie agroalimentaire dont les capacités de production et de vente tant en Bretagne qu’en France ne cessent pourtant de se rétracter. Elle s’est cependant trouvée des marchés à l’export, notamment au Moyen-Orient, en Russie (tous les produits ne sont pas soumis aux sanctions ; les machines-outils et les animaux de reproduction y échappent) et en Chine.  Il y a de l’industrie, essentiellement en Haute-Bretagne (automobile, navale, électronique, télécoms) et  des productions viticoles au sud de la Loire-Atlantique qui se diversifient depuis plusieurs années par rapport à la monoproduction muscadet/gros plant antérieure.

Et il y a bien entendu la pêche, puisque la Bretagne est la première région française dans ce domaine. Une région qui est une des rares à avoir continué à créer des emplois ces dix dernières années, le taux de chômage restant inférieur à celui de la moyenne nationale (8.1 % en Bretagne contre 9.2 % en France). Et cela grâce également au tourisme (la Bretagne administrative était en 2014 la 4ème région touristique en France, avec 6,6 milliards d’euros de recettes intérieures) mais aussi à la progression du tertiaire. 

De grosses disparités sont toutefois à noter entre Haute et Basse Bretagne.

Par ailleurs, la Catalogne arrive largement à se nourrir elle-même et à exporter 40% de sa production en Espagne. Ce n’est pas le cas de la Bretagne, qui importe toujours une partie de ses besoins, alimentaires notamment (question aussi de pouvoir de décision et de mise en place d’une politique économique adéquate). Néanmoins, la Bretagne constituait l’an passé 2,4 % des exportations de la France et 2,1 % de ses importations.

Energie : la Bretagne n’est pas indépendante énergétiquement

Un gros point noir pour la Bretagne : elle ne produit en moyenne, les bonnes années (quand la  centrale à cycle combiné de Montoir tourne plus de trois mois, quand il y a eu du vent, qu’il n’a pas fait froid l’hiver ou trop chaud l’été…) que 8,9% de sa consommation d’énergie en Bretagne administrative et 38% avec la Loire-Atlantique, qui est donc le poumon énergétique de la région.

Le nucléaire français (Chinon, Flamanville) refusé par une partie des Bretons fait le reste, tandis que des projets alternatifs (éoliennes notamment, la Bretagne étant 3ème région productrice de cette énergie) fleurissent, à la fois sur terre et en mer, laissant toutefois entrevoir des perspectives de changement dans les années à venir.

La Catalogne dispose quant à elle de plusieurs centrales nucléaires et thermiques sur son territoire ; rien que le nucléaire produit 43% de la consommation, et il y a encore 2390 MW de centrales hydro-électriques. Et depuis plusieurs années les gouvernements indépendantistes successifs de la Généralité ont lancé des politiques d’investissement dans la sphère énergétique, notamment pour développer les puissances d’éolien terrestre installées en Catalogne.

Politique : en Bretagne, les partis bretons sont désunis et ne représentent rien

En Catalogne, les indépendantistes ont réussi à mobiliser 2 millions de suffrages pour le oui malgré la violence de la police espagnole. La grève générale faite deux jours plus tard a paralysé la région, après avoir été très suivie dans 80% des PME et dans la plupart des grandes entreprises. Les indépendantistes ne représentent peut-être pas tous les catalans, mais très probablement leur grande majorité.

En Catalogne, le principe politique qui règne est popularisé par le chant de lluis Lach, l’Estaca : « le pieu [de l’oppression], si je tire par ici, et que tu le tires par là, alors il tombera, tombera, tombera et nous pourrons nous libérer ». Peu importe la couleur politique ou l’opinion, l’important, c’est l’indépendance, et une fois la Catalogne libre et hors de danger, le jeu politique pourra reprendre. Pour l’instant, c’est l’union sacrée.

En Bretagne, la situation est différente : le Parti Socialiste ainsi que la Droite française et désormais le Front national ont été les trois forces politiques principales avant qu’En Marche ne s’invite à la table. Aucune revendication autonomiste bretonne n’émane de ces partis, qui ont su toutefois (et notamment le PS de Jean-Yves le Drian) distribuer suffisamment de subventions aux associations culturelles (et de postes symboliques à leurs dirigeants) pour couper l’envie à certains dirigeants de faire de la politique.

Il y a une multiplicité de partis bretons revendiqués depuis des décennies, mais ils ne représentent rien. Ceux qui réussissent, à survivre économiquement et politiquement à la marge, comme l’UDB, le peuvent grâce aux alliances passées avec le PS ou EELV depuis des années, donc aux renoncements. Le Parti Breton, à droite, de création récente et n’ayant jamais vraiment su s’affirmer politiquement, a lui aussi bénéficié de l’oreille attentive d’élus de droite, le portefeuille en moins (les collectivités étant majoritairement à gauche).

A l’extrême gauche (Breizhistance) comme à l’extrême droite (Adsav), les partis ou mouvements ne représentent que quelques centaines de militants, et ne pèsent en rien sur la société civile bretonne (l’extrême gauche ne parvient d’ailleurs réellement à se faire voir que lorsqu’elle défile dans la rue avec les mouvements d’extrême gauche ou antifascistes français).

Au total, le nombre de militants actifs (pas des commentateurs ou des suiveurs ponctuels) au service d’une Bretagne indépendante ne doit pas dépasser le millier, ce qui n’est pas comparable avec la situation catalane.

Les Bretons veulent-ils l’indépendance ?

C’est la grande question. Si les Catalans sont décidés à devenir indépendants, et qu’ils le sont de plus en plus à mesure que l’Espagne renforce sa volonté de les forcer à rester dans ses frontières, impossible de le savoir vraiment pour la Bretagne même si la faiblesse des partis politiques bretons ferait pencher la balance pour le non.

Certains sondages – et notamment celui du mensuel Bretons paru en 2013 – donnaient 18% des Bretons favorables à l”indépendance (33% chez les moins de 24 ans), et  48% des sondés qui se sentaient d’abord français contre 37% d’abord bretons . Le sentiment d’appartenance à la Bretagne et à sa communauté, est lui, largement partagé.

Par ailleurs, sur la question de la réunification bretonne, difficile d’établir un diagnostic, aucune consultation ou référendum n’ayant eu lieu officiellement à ce sujet.

Pour un nombre important de Bretons – et on l’a vu à l’occasion des Bonnets rouges –  l’Etat central est toutefois synonyme de conflits, de trop de taxes, et de pas assez de concertation et de liberté de décision ; c’est ainsi que des Bretons ont réussi à faire plier Paris sur l’écotaxe et qu’une partie d’entre eux pourraient le faire plier également sur la question de Notre-Dame-des-Landes (on peut rajouter le nucléaire par ailleurs, comme à Plogoff …)

Il semblerait que la Bretagne ne soit pas rendue aujourd’hui au processus dans lequel se trouve la Catalogne actuellement – question d’histoire aussi des deux pays « de tutelle ». N’oublions pas que nous sommes aussi une région qui a par le passé, engendré un Duguesclin, mais aussi été finalement l’une des plus patriotes de France – et même politiquement la région la plus conservatrice si l’on entend par là le fait de contribuer systématiquement à la stabilisation du pouvoir politique français.

Toutefois, rien n’indique qu’un mouvement de fond en faveur d’une autonomie accrue – mot qui fait bondir le nouveau président du Conseil régional de Bretagne – ne se constitue pas dans les années à venir, sur fond de reconstruction d’une Europe qui s’effrite et qui ne protège plus, mais qui ne demande qu’à se reformer sous d’autres couleurs.

Et il est entendu, que si les Bretons bénéficiaient demain des mêmes libertés que possèdent déjà écossais, catalans, ou bavarois, ils en seraient déjà très satisfaits et s’en porteraient nécessairement mieux économiquement et socialement …

Crédit photo : wikimedia commons (cc)
[cc] Breizh-info.com, 2017, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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5 réponses à “Après l’Ecosse, la Catalogne, demain, la Bretagne ?”

  1. Gwendal Pennanech dit :

    Concernant le PIB : il faudrait évoquer le PIB par habitant. La Bretagne c’est 4 millions d’habitants, la Catalogne 7.5. Une fois cela pris en compte les niveaux ne sont plus si différents.

  2. Alain dit :

    Votre article est louable mais il véhicule néanmoins nombre de clichés…

    Déjà oui, comparer le PIB total sans tenir compte de la population n’est aucun sens économique…

    Le PIB/hab breton est d’environ 26000€, soit supérieur à celui de la Catalogne environ le double du Portugal, mais 40% inférieur à la France (on peut se poser quelques questions sur le mode de calcul…)

    Pour présenter l’économie, vous foncez directement sur le stéréotype : agroalimentaire, agriculture et pêche….

    C’est oublier un peu vite que TOUS les cockpits d’avions Airbus volant dans le monde sont construit en Bretagne (héritage de la branche aéronautique des chantiers de l’Atlantique)…

    Oublier aussi les 50000 personnes travaillant dans le hi-tech, avec en tête Ubisoft (18000 pers dans le monde dont environ 4000 en Bretagne). Combien de personnes savent que le jeu “Prince of Persia” et les “Lapins Crétins” sont bretons….?

    Au final, c’est pas mal pour un pays qui n’a aucun droit de gestion démocratique sur sa propre économie…

    La grande différence entre la Catalogne et la Bretagne, c’est que les Bretons connaissent mal, très mal, leur pays….C’est même une forme de snobisme de ne pas le valoriser en dehors des clichés…

    Du fait, les Bretons n’ont pratiquement aucune forme de confiance en la capacité de leur pays à créer une économie moderne et puissance…
    Alors que pour les Catalans c’est totalement l’inverse…. (ils connaissent leur pays et ont confiance…)

    Il est temps que les Bretons ne vivent plus comme des étrangers dans leur propre pays… et à ce moment là, on verra si l’indépendance intéresse ou pas les Bretons….!

  3. Thierry Connan dit :

    Aucun intérêt, l’indépendance de la Bretagne n’est souhaitée que par une poignée de druides. Par contre, que les 5 départements Bretons fassent parti de la même région, c’est légitime.

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