Donald Trump n’arrête pas de marquer son terrain et de marquer les esprits, même en Europe.
Sa dernière déclaration sur le peuple allemand se retournant contre ses dirigeants en est un formidable exemple car il faut oser toucher au tabou de la gouvernance imposée aux Allemands par les vainqueurs de la guerre. « Le peuple allemand est en train de se retourner contre ses dirigeants alors que l’immigration secoue la coalition déjà fragile de Berlin. La criminalité en Allemagne est en hausse. Grosse erreur dans toute l’Europe que de laisser entrer des millions de personnes qui ont si fortement et violemment changé leur culture ! », a tweeté Donald Trump.
« Nous ne voulons pas que ce qui se passe avec l’immigration en Europe se passe avec nous ! », a écrit le président américain qui fait face à de vives critiques dans son pays à cause de sa politique de « tolérance zéro » sur l’immigration.
Trump persiste et signe dans tous les domaines
C’est un retrait de plus dans la longue liste des désengagements américains. Washington a annoncé, mardi 19 juin, qu’il claquait la porte du Conseil des droits de l’homme (CDH), un organe onusien basé à Genève, alors que son mandat y courait en principe jusqu’en 2019.
Ce départ fait suite à la sortie d’un accord de libre-échange transpacifique, à celle de l’accord de Paris sur le climat, ainsi qu’à celle de l’accord sur le nucléaire iranien. Il vient par ailleurs s’ajouter au retrait de l’Unesco, effectif depuis décembre 2017, et ne fait que confirmer la politique unilatéraliste et volontiers isolationniste d’une administration Trump défiante à l’égard des organisations internationales. L’annonce a été faite par l’ambassadrice américaine aux Nations unies (ONU), Nikki Haley, aux côtés du secrétaire d’État américain, Mike Pompeo, au département d’État. Les deux ministres n’ont pas eu de mots assez durs contre cette institution qualifiée d’« hypocrite », d’ « égoïste » et accusée d’être « une source d’embarras » pour les États-Unis, alors que ces derniers sont actuellement critiqués pour leur politique migratoire.
Mais il y a une justification moins objective. Pour les diplomates, Washington fait surtout payer au CDH son biais supposé contre Israël, évoqué à chacune des réunions de l’organe onusien. « Cinq résolutions ont été votées contre [l’État hébreu]. C’est plus que toutes les résolutions confondues contre la Corée du Nord, l’Iran et la Syrie », a fait valoir Nikki Haley.
En Italie, Matteo Salvini fait du Trump à l’européenne et ça marche
Le sondage de l’institut Ixe révèle que 72 % des Transalpins soutiennent la croisade anti-immigrés du ministre de l’Intérieur. Matteo fait, comme on pouvait s’y attendre, le plein à droite. 100 % des électeurs de Fratelli d’Italia, 96 % de ceux de la Ligue, 91 % de ceux de Forza Italia et 78 % de ceux du Mouvement 5 Étoiles sont en sa faveur. Mais c’est à gauche que le patron de la Ligue fait une surprenante percée. 46 % des électeurs du Parti démocrate et 21 % de ceux de Libres et égaux, la gauche de la gauche, partagent sa ligne sur l’immigration. Les partis de gauche le savent et, après le maigre succès de la manifestation organisée par eux le 10 juin, ils ont remis le projet de front républicain anti-Ligue dans les cartons dans l’attente de temps meilleurs.
L’immigration n’est pourtant la priorité que de 25 % des Italiens alors que 65 % d’entre eux placent la situation économique au premier rang des problèmes. C’est parce que Matteo Salvini dicte le calendrier politique et occupe tous les médias qu’il a réussi à imposer ses thèmes. Une stratégie qui ne doit rien au hasard et commence à menacer les équilibres de l’exécutif.
Ainsi, avec sa déclaration choc sur le fichage des Roms alors que Giuseppe Conte était sur le point d’atterrir à Berlin, le ministre de l’Intérieur a fait passer au second plan la proposition faite par le président du Conseil à Angela Merkel de déduire le coût du revenu de citoyenneté, la mesure phare du M5S, du calcul du déficit italien.
Il faut dire que Berlin ne fait plus la pluie et le beau temps en Europe et que Angela Merkel même appuyé par Emmanuel Macron semble à bout de souffle. Leur accord sur la réforme de la zone euro n’a intéressé que quelques commentateurs. Plus rien ne sera fait en Europe sans réponse sur l’ immigration.
Faute d’accord ou de solutions bilatérales avec les pays concernés en Europe, d’ici au conseil européen des 28 et 29 juin, Angela Merkel risque une crise politique intérieure majeure et une déstabilisation de l’asile européen. Son ministre de l’Intérieur Horst Seehofer menace de reconduire à la frontière tous les demandeurs d’asile enregistrés ailleurs. L’Italie ou la Grèce, par exemple, n’auraient plus d’autre choix que de gérer seules l’afflux ou de renoncer à enregistrer les migrants. Emmanuel Macron ne peut pas se permettre de perdre son alliée. À son secours, il plaide lui aussi pour une solution européenne.
La trumpisation de l’Europe est en marche malgré les condamnations morales de la caste politico médiatique de plus en plus affolée.
Jean Bonnevey
Journaliste.
Photo : DR
Source : Metamag