L’affaire Benalla – du nom de ce garde du corps officieux d’Emmanuel Macron filmé en train de tabasser un manifestant du 1er mai à Paris, équipé d’un brassard police et d’un casque alors qu’il n’était ni policier, ni assermenté, ni censé intervenir, fait des vagues au sein de la police. L’UPNI (Union des policiers nationaux indépendants) dénonce dans nos colonnes l’impunité de Benalla, que l’Elysée a tenté de sauver pendant plusieurs mois, jusqu’à ce que l’affaire soit sortie par les médias.
Une affaire qui retombe aussi sur la police, clouée au pilori alors que justement, Benalla n’est pas policier.
Breizh Info : Que pensez-vous de l’affaire Benalla ?
UPNI : C’est clairement une affaire d’État. Qui lui a donné l’autorisation d’être là, avec du matériel et un brassard police alors qu’il n’était pas policier ? Quelqu’un au ministère de l’Intérieur était forcément au courant, puisqu’il avait du matériel de police sur lui, une mission et une protection rapprochée. En plus il met à défaut une action de police, en intervenant alors qu’il n’avait pas à le faire.
Breizh Info : il a aussi mis à défaut des policiers en leur demandant des extraits de la vidéoprotection de la place…
UPNI : Oui, il a fait une réquisition déguisée – sans titre – et pour que deux commissaires et un officier de la préfecture de police, trois gradés, remettent sans titre des images de la vidéo-protection à sa demande, c’est qu’il avait du poids. C’est assez préoccupant.
Breizh Info : Dans cette histoire, on retrouve encore une tentative de récupération de l’extrême-gauche, et une petite musique de plus en plus insistante dans certains médias – principalement de gauche – comme quoi il faut désarmer la police, que c’est un échec de la police, que c’est le système policier qui est vicié etc. Qu’en pensez-vous ?
UPNI : C’est encore une histoire qui nous retombe dessus alors que justement la police n’est pas en défaut.
Breizh Info : Cette histoire pose aussi la question de l’impunité de ceux qui font partie du système Macron – notamment ceux qui ont participé à sa campagne de 2017 et font partie du « commando » qui s’est retrouvé dans les institutions. Dont de nombreux proches de Benalla. Dont Benalla lui-même. Peut-il y avoir d’autres Benalla, qui ont dérapé ou qui peuvent le faire ?
UPNI : Il y en a peut-être d’autres mais jusque là ils ont été plus intelligents. Quand ils sont observateurs dans une opération policière, ils ne sont pas intervenus. Il est possible d’intégrer du personnel administratif dans une unité, avec l’aval du ministère et des directeurs centraux. Après, pourquoi on voit ces observateurs à Paris, et pas à Nantes ou dans le 9-3, là où les policiers sont pris à partie et n’ont pas d’instructions pour y répondre ?
Breizh Info : Après avoir beaucoup hésité, Macron a lâché Benalla, reconnu des faits « inacceptables », des « dysfonctionnements » et promis qu’il n’y aura « pas d’impunité » à ce sujet. Des têtes vont tomber pour protéger le président ?
UPNI : On commence à couper des têtes pour protéger le ministre… et Macron. Cette affaire compte tellement de ramifications… Benalla était souvent vu par les journalistes, il était au courant de tout l’aspect sécuritaire quand Macron a fait son interview sur BFM-TV… Certes il est maintenant licencié et en garde à vue [levée depuis] mais un policier lambda, à sa place, aurait déjà été suspendu sans salaire et cloué au pilori par la presse, là où pendant quelques semaines, des mois même on a essayé de le couvrir. Autrement dit, parce qu’on est près du président on peut s’affranchir de la loi, du code de procédure pénale… Quand il y a des violences policières avérées ou non, on n’attend pas trois mois pour prendre une décision, tout le monde en parle, le ministère nous lâche…
Breizh Info : Mais ici on a aussi affaire à un personnage que le pouvoir a peut-être intérêt à ménager, car il sait bien des choses ?
UPNI : S’il a participé à la campagne de 2017, oui, et il a certainement été habilité secret défense, assisté à des entretiens confidentiels… Il faut espérer cependant que la justice fasse son travail.
Breizh Info : Un policier, dans sa situation, est traité comment par la justice ?
UPNI : On ne nous rate pas : c’est le maximum de la peine judiciaire car c’est dans l’exercice de ses fonctions, et après il y a la sanction administrative : viré, sans prime ni retraite, interdit d’exercer un métier lié à la sécurité pendant des années, voire à vie. La différence de traitement avec Benalla est très nette.
Breizh Info : Et avec tout ça, on ne sait toujours pas qui est vraiment Benalla…
UPNI : Il y a une enquête DGSE obligatoire, donc à l’Elysée ils le savent et le ministère de l’Intérieur aussi. C’est cependant l’Élysée qui a le dernier mot sur un recrutement ou une décision. Cela dit, quand on parle de moralisation politique, ça la fait mal. Rien n’a changé. Le nouveau monde de Macron ressemble beaucoup à l’ancien, nous à la police nationale, on a toujours les mêmes directeurs centraux, ceux qui sont responsables de la situation, qui ont laissé filer l’état du matériel et la vétusté des locaux, le manque d’effectifs, la politique du chiffre. Rien, vraiment rien n’a changé.
Propos recueillis par Louis-Benoît Greffe
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