L’opéra des gueux, l’événement lyrique d’automne en Bretagne

Il sera en tournée à Angers, Nantes, Rennes, Quimper, et tant d’autres lieux entre novembre et janvier. « Il », c’est l’Opéra des gueux de Gay et Pepusch. Après Pise et Novara (Italie) puis Athènes en septembre et octobre, la Bretagne s’offre près de vingt représentations d’une œuvre crée en 1728 à Londres, et reprise cette année aux Bouffes du Nord de Paris, puis à Versailles au printemps, avant de transiter par Luxembourg et Genève. Le spectacle est aussi foldingue et satirique que le scénario, une sorte de comédie des bas-fonds londoniens, où malfrats sans envergure et péripatéticiennes se disputent dans une auberge ou en prison les gros sous d’un brigand trop habile. L’œuvre fit grand bruit à Londres à sa création, où elle concurrença les saisons de Haendel à la Royal Academy, toute dévouées à l’opéra de cour dans le genre italien. Haendel approcha la faillite et dut multiplier les concertos pour orgue dans ses entractes pour conserver une clientèle. Il se mettra bientôt aux oratorios en anglais pour s’assurer un minimum de succès.

Héritier pour partie du vaudeville français, ce Beggar’s Opera caricature les italianismes alors à la mode sur les scènes européennes, réimpose l’art populaire de la ballad, et fut longtemps considéré comme la première comédie musicale britannique. L’expression est sans doute excessive, mais il est difficile de s’en faire une idée exacte, les rares partitions retrouvées ne donnant que les airs de solistes, jamais les détails d’harmonisation ou d’orchestration. Tout est donc recréation ici, sous l’œil vigilant du musicologue baroque et chef d’orchestre William Christie à la tête d’une partie de son ensemble Les Arts Florissants.

Le compositeur britannique Benjamin Britten en avait donné en 1948 une version réarrangée et réorchestrée qui suivait de vingt ans l’imitation de Bertold Brecht et Kurt Weil, l’Opéra de quat’sous (Die Dreigroschenoper). Rien de ces versions trop écrites ne subsiste ici. Christie et son équipe théâtrale ont préféré confier l‘ensemble à des acteurs sachant jouer, sauter, chanter et danser, et cherchent à retrouver l‘esprit de la pièce originelle. Les instrumentistes baroqueux qui les accompagnent travaillent (sauf pour l‘ouverture à la française, complétement écrite par Pepusch, un compositeur d‘Oxford venu de Berlin) en suivant discrètement les lignes mélodiques transmises par les manuscrits. Clavecin, hautbois, violes et violons, luth, flûte et percussions tournent ainsi autour d‘une musique qui serait toujours en cours de se fabriquer, selon les inclinations et l‘ambiance du moment sur la scène.

Outre son intérêt historique, cette reprise inattendue d‘une oeuvre trop rarement représentée (voire jamais en France) montre une nouvelle fois qu’il n’est nul besoin de forcer dans le décibel pour offrir à un public ouvert une comédie à la fois distrayante, bon enfant et musicologiquement sérieuse.

Réservations indispensables, par https://www.arts-florissants.com/programmation/the-beggar-s-opera.html

Jean François Gautier

Crédit photo : wikipedia (cc)
[cc] Breizh-info.com, 2018, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

Cet article vous a plu, intrigué, ou révolté ?

PARTAGEZ L'ARTICLE POUR SOUTENIR BREIZH INFO

Les commentaires sont fermés.

ARTICLES EN LIEN OU SIMILAIRES

Politique

Yes Breizh : vers une dévolution des pouvoirs pour une Bretagne souveraine de son destin ?

Découvrir l'article

Sociétal

Drogues en Bretagne et Pays de la Loire : la jeunesse face à une consommation toujours élevée malgré un recul européen

Découvrir l'article

Local, Sociétal

Bretagne. Un Géorgien jugé en 2026 pour une série de 54 cambriolages

Découvrir l'article

Economie, Social

Les industries agroalimentaires : la Bretagne administrative, pilier de l’hexagone

Découvrir l'article

Environnement

Éolien flottant en Bretagne-Sud : l’onde de choc de la réforme Trump fragilise Pennavel

Découvrir l'article

Culture, Culture & Patrimoine

Littérature bretonne de l’entre-deux-guerres : entre rupture nationaliste et héritage régionaliste

Découvrir l'article

Economie

Bretagne administrative : l’emploi repart à la hausse, mais les signaux restent contrastés

Découvrir l'article

A La Une, Sociétal

Et si la Bretagne devenait autonome ? Conclusion : Pour une Bretagne libre et enracinée

Découvrir l'article

A La Une, Economie

Bretagne : l’agroalimentaire de plus en plus dépendant de la main-d’œuvre immigrée. Un système à bout de souffle ?

Découvrir l'article

Religion, Sociétal, Tribune libre

Et si la Bretagne devenait autonome ? Partie 17 – Retrouver la spiritualité, âme de la Bretagne

Découvrir l'article

PARTICIPEZ AU COMBAT POUR LA RÉINFORMATION !

Faites un don et soutenez la diversité journalistique.

Nous utilisons des cookies pour vous garantir la meilleure expérience sur Breizh Info. Si vous continuez à utiliser le site, nous supposerons que vous êtes d'accord.

Clicky