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L’association Franco-iranienne interpelle les ministres des Affaires étrangères européens

L’association Franco-iranienne a adressé une lettre ouverte aux principaux ministres des affaires étrangères de l’Union européenne, signataires de l’accord nucléaire avec l’Iran. L’objectif de ce courrier ? Leur demander de faire davantage pour respecter leurs engagements initiaux.

Iran : le mécanisme INSTEX insuffisant

Daté du 6 mars 2019, la lettre ouverte de l’association Franco-iranienne est notamment adressée au ministre de l’Europe et des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian. Le courrier a également été envoyé au ministre fédéral allemand des Affaires étrangères Heiko Maas, à la Haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité Federica Mogherini ainsi qu’à Jeremy Hunt, Secrétaire d’État des Affaires étrangères et du Commonwealth du Royaume-Uni.

Depuis l’annonce du retrait des États-Unis des accords de Vienne sur le nucléaire iranien, de lourdes sanctions économiques sont mises en application à l’encontre de l’Iran. Toutefois, des pays de l’UE ont décidé de jouer leur propre carte, notamment en réalisant des transactions indépendamment du dollar.

Le 31 janvier dernier, la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni, par la voix de leurs ministres des Affaires étrangères respectifs, ont annoncé la création de la société par actions simplifiées INSTEX (Instrument in Support of Trade Exchanges – Instrument de soutien aux transactions commerciales). Celle-ci, basée à Paris et déjà critiquée pour son manque d’efficacité, permettra, au mieux, d’assurer 5% de la valeur normale des exportations européennes vers l’Iran…

Jean-Yves Le Drian interpellé

Bien que cette lettre de l’association Franco-iranienne ait très peu de chance de bénéficier d’un écho médiatique suffisant pour obtenir une réponse des ministères interpellés, nous vous la proposons à la lecture ci-dessous :

« Monsieur le Ministre,

Après la décision de Washington de se retirer de l’accord dit 5+1, les sanctions économiques américaines à l’encontre de l’Iran sont entrées en application le 8 novembre 2018. De l’aveu même de la Maison Blanche, ce sont les plus dures jamais adoptées envers ce pays qui vit, pourtant, sous le régime de ces mesures coercitives depuis 40 ans.

Ces sanctions violent la Charte des Nations Unies interdisant l’ingérence dans les affaires intérieures d’un pays souverain.

La France, l’Allemagne, le Royaume-Uni ont, une fois n’est pas coutume, décidé de ne pas suivre l’allié américain et sont restés dans l’accord, avec l’Union Européenne et ils ont vivement regretté la décision des États-Unis. Devant la volonté affichée des États européens, l’Iran a choisi de continuer à respecter cet accord et donc la feuille de route conclue avec l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).

Pour autant, les contreparties liées au respect de cet accord ne sont toujours pas mises en œuvre par les pays européens. Par crainte des sanctions extraterritoriales américaines, les grands groupes industriels comme Total ou Renault ont dû quitter l’Iran. Sous la pression américaine, ce pays est coupé du système de paiement international (SWIFT), ce qui rend impossible, dans l’état actuel des systèmes de transaction, tout commerce avec Téhéran, même pour les produits dits humanitaires, comme la santé et l’agroalimentaire qui, eux, ne sont pas ciblés par les mesures coercitives.

Les échanges commerciaux avec l’Iran sont donc rendus quasi-impossibles. Afin de préserver l’accord, la France, l’Allemagne et l’Angleterre ont initié un mécanisme, INSTEX, une sorte de chambre de compensation qui, en contournant les sanctions secondaires, permet les échanges commerciaux. Si cet effort est louable politiquement, dans la pratique, il s’avère être une véritable usine à gaz. Au mieux, les opérations ne porteront que sur quelques dizaines de millions d’euros, soit 5% de la valeur totale des exportations européennes vers l’Iran.

Les premières victimes des sanctions sont les peuples et non les gouvernements

Les Iraniens n’ont donc pas fini de souffrir, car les précédents prouvent que les premières victimes des sanctions sont les peuples et non les gouvernements qu’elles sont censées impacter. Jamais, dans l’Histoire, et les exemples en sont nombreux, Libye, Irak, Corée du Nord, Syrie, Russie, ces mesures coercitives n’ont engendré les effets escomptés par ceux qui les mettent en place. Mieux, elles produisent des résultats opposés. Le triptyque voulu par l’administration Trump : crise économique, révolte de la population, changement de régime, n’a aucune chance d’aboutir, bien au contraire. Les mesures contre un Etat ont plutôt tendance à unir le peuple contre ceux qui décrètent les pénuries, car la guerre économique tue. Le manque de médicaments pour les maladies chroniques ou graves, la malnutrition, les manques de pièces de rechanges pour l’automobile ou l’aéronautique provoquent des dégâts considérables. La perte d’espoir et de perspective pour la jeunesse renforce les migrations que les gouvernements occidentaux s’efforcent pourtant de combattre.

Pour ne rien arranger, sanctions et embargos favorisent la corruption et alimentent un marché noir.

Enfin, dans la longue liste des conséquences contreproductives, au regard des effets souhaités par les autorités US, ces sanctions renforcent les liens de l’Iran avec les pays non-occidentaux qui ne se soumettent pas aux pressions américaines.

Par conséquent, les membres de notre Association composée d’Iraniens résidents en France ainsi que les Français amis d’Iran demandons que soit mis en place, dans les meilleurs délais, un canal efficace entre l’Europe et l’Iran permettant de recenser les besoins de tous les produits concernant la santé, les produits alimentaires de base et toutes les pièces de rechanges pour les matériaux européens déjà exportés dans ce pays. Nous pensons par ailleurs que les États engagés dans INSTEX devraient utiliser un système de paiement international indépendant. Enfin, il est temps de se donner les moyens de s’opposer à l’application de l’extraterritorialité du droit américain.

L’Europe ne saurait rester indifférente devant la tragédie humanitaire du peuple iranien.

Chaque mois qui passe sous le régime des sanctions signifie la mort de milliers d’êtres-humains en Iran. »

Crédit photo : Pixabay (Pixabay License/you_littleswine)
[cc] Breizh-info.com, 2019, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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