On prête à Richard Ferrand des ambitions pour les prochaines élections régionales. S’il est contraint d’y renoncer, il pourra négocier un nombre important de places éligibles sur la liste « officielle ». En créant un groupe, il aura forcément réfléchi à toutes ces données.
Au second tour des élections régionales de décembre 2015, la liste conduite par Jean-Yves Le Drian l’avait emporté aisément avec 51,41% des suffrages exprimés. Elle se vit donc attribuer 53 sièges, alors que la droite (Marc Le Fur) devait se contenter de 18 élus et le Front national de 12. Réélu président du conseil régional de Bretagne, Le Drian conservait son « métier » de ministre de la Défense nationale – cumul que ne pouvait pas lui refuser son ami Hollande. Mais avec l’arrivée de Macron à l’Élysée, changement de programme : on lui impose d’abandonner la présidence de la Région – il est réduit à l’état de simple conseiller régional – et il est « muté » au ministère des Affaires étrangères.
Un héritage délicat
Son fidèle lieutenant, Loïg Chesnais-Girard, le remplace alors à la présidence. Héritage délicat car la majorité fabriquée par Le Drian est diverse et variée ; il en est le ciment. Si bien qu’après l’annonce par ce dernier de son départ du Parti socialiste, LCG est obligé de rappeler qu’il est « à la tête d’une majorité composite de socialistes, de communistes, d’écologistes, de régionalistes, de radicaux de gauche, unie pour mener une politique de gauche. » ; il ajoute que dans sa majorité « il y avait aussi des élus REM » (Ouest-France, Bretagne, samedi 10 mars 2018).
Mais les fissures apparaissent peu à peu. On le constate, par exemple, lors des vœux à la presse de LCG début 2019. Non seulement il adresse une mise en garde au président de la république à propos des promesses portant sur le mobilités qui n’ont pas été tenues, mais encore il critique la politique gouvernementale (Le Télégramme, jeudi 10 janvier 2019). Au sein du groupe « Alliance progressiste des socialistes et démocrates de Bretagne », les désaccords entre socialistes et marcheurs se multiplient. Car les uns et les autres raisonnent « politique nationale » : les premiers se plaçant dans l’opposition à l’exécutif, tandis que les seconds soutiennent l’action d’Emmanuel Macron. Tout naturellement, les marcheurs ne voulaient plus « subir certaines prises de parole d’élus socialistes, au nom du groupe, dans lesquelles ils ne se retrouvaient plus. » (Le Télégramme, Bretagne, 15 février 2020).
Il ne restait plus qu’une solution aux marcheurs : quitter le groupe dans lequel ils cohabitent avec les socialistes et créer le leur. Dès février, Richard Ferrand, conseiller régional de Bretagne, annonce que les élus de la République en marche vont constituer un groupe. Les choses sont claires : « Ce groupe s’inscrit dans la majorité présidentielle qui soutient le gouvernement. », annonce-t-il (Ouest-France, Bretagne, 15 – 16 février 2020). En ce début d’année, neuf noms sont cités (y compris Ferrand). La campagne de « recrutement » n’a donc pas été couronnée de succès ! Ils sont même moins nombreux que le groupe Rassemblement national (12)…
Le Drian n’a pas rejoint la dissidence
Plusieurs points méritent d’être notés. Le conseiller régional Le Drian n’a pas rejoint la dissidence. Le groupe « Alliance progressiste des socialistes et démocrates de Bretagne » possédait la majorité à lui seul : 43 sièges sur 83. Diminué de neuf membres, il la perd, mais il pourra toujours compter sur les « supplétifs » qui appartiennent à la majorité : communistes (4), radicaux de gauche (3), régionalistes (3). Pour les prochaines élections régionales (2020), Loïg Chesnais-Girard parviendra-t-il à monter une liste en intégrant les marcheurs ? Ou bien ces derniers feront-ils bande à part… En attendant, le groupe « La Bretagne en marche » est constitué de « conseillers régionaux et de conseillères régionales qui s’inscrivent pleinement dans votre majorité » avait déclaré Ferrand à Loïg Chesnais-Girard (Le Télégramme, Bretagne, samedi 15 février 2020). Ce sera donc le grand écart pour les marcheurs du conseil régional qui devront soutenir simultanément « une politique du gouvernement et des orientations opposées prises par la majorité de gauche en Bretagne » (Le Télégramme, Bretagne, samedi 20 juin 2020).
Une dernière précision : c’est la Rennaise Hind Saoud qui présidera le groupe « La Bretagne en marche » ; elle est assistante parlementaire de Mustapha Laabid (LREM), député de Rennes – Bruz.
Bernard Morvan
Illustration : DR
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