Parmi les activités économiques impactées de plein fouet par la crise économique et sociale liée au coronavirus – les taxis. Effondrement du nombre de déplacements professionnels, montée en flèche du télétravail, annulation des festivals et des salons, extinction quasi-totale du flux touristique… à Paris comme en Bretagne leur quotidien est morne. Et la nécessité de survivre et de payer les charges poussent parfois certains d’entre eux à des indélicatesses… voire de cruelles tromperies.
Il est de plus en plus courant que des taxis proposent un tarif fixe, plutôt que de faire tourner le compteur. Le couvre-feu concentre les flux de circulation, et dans certaines villes les aménagements cyclables « provisoires » ont compliqué la circulation des voitures et même des transports en commun. On circule donc moins bien qu’avant et même cet été – mais les tarifs sont souvent à la tête du client.
La semaine dernière, un taxi a ainsi emmené deux passagers de Hong Kong de l’aéroport Charles de Gaulle au 10e arrondissement pour 230 €, contre un tarif normal (forfait) de 53 €. Les deux touristes ayant eu la présence d’esprit de filmer le chauffeur et sa plaque, une procédure a été ouverte contre lui.
Cet autre, qui a transporté un voyageur pressé de la gare du Nord à la gare de l’Est pour…42 €, avec quelques détours, ce 7 janvier vers 14h30, restera en revanche impuni – et son passager, le « pigeon de l’année » pour les taxis, les deux gares étant distantes de 5 minutes à pied et deux en métro (lignes 4 et 5).
« Je prends souvent le taxi entre les gares à Paris, par exemple de Lyon à Montparnasse quand je suis bien chargé – et c’est souvent », nous explique un représentant de commerce. « Disons que si le tarif fixe est de l’ordre de 20-30 €, ça va, c’était l’ordre de grandeur d’avant le second confinement, plus près de 20 quand ça circulait bien, plus vers 30 quand ça bouchonne. Et si je n’ai rien à transporter, il y a la 14 de Saint-Lazare à la gare de Lyon et Bercy, la 5 d’Austerlitz à Est et Nord – il faut 20 minutes à tout casser, et la 12 ou la 13 de Montparnasse à Saint-Lazare ».
A Nantes aussi la tentation est grande pour certains de se passer du compteur. « On fait parfois trois, quatre courses dans la journée », tente de se justifier un taxi. « Personne n’a annulé les impôts, les emprunts, même si c’est reporté faut payer quand même et on essaie de ne pas trop creuser ». Côté passager, Adrien avoue le « proposer de [lui]-même. Ce sont souvent des petites courses, des sommes de 10 à 20 €. Et puis on est bien tous dans la même galère, avec un gouvernement qui prévient des restrictions le jour pour le lendemain, comme s’il suffisait d’appuyer sur un bouton pour arrêter ou redémarrer une activité ».
Comme pour les organisateurs de soirée, les bars clandestins ou les coiffeurs pendant les confinements, des métiers entiers basculent dans la semi-clandestinité pour vivre ou seulement survivre. En multipliant les restrictions tatillonnes et intrusives pour donner l’impression qu’il contrôle la situation, le gouvernement prend le risque de faire basculer dans la zone grise (sous-déclarée) ou au noir (pas déclaré du tout) des millions de français. Et la précarité s’installant, cela risque de durer.
Louis Moulin
Photo d’illustration : jean pierre gallot/Wikimedia (cc)
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