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Corse. Marine Le Pen fait du « Jean-Marie »

Sur les douze candidats à l’élection présidentielle, cinq sont des jacobins forcenés : Marine Le Pen, Eric Zemmour, Nicolas Dupont-Aignan, Jean-Luc Mélenchon et Nathalie Arthaud.

Pour la première, bien que Bretonne, tout ce qui touche à la régionalisation est à combattre ; elle a donc eu la l’occasion de se manifester brillamment avec la question corse.

Après les manifestations qui ont suivi l’agression dont a été victime Yvan Colonna, le Gouvernement a tenté de calmer le jeu. A un mois de l’élection présidentielle, il y avait en effet urgence pour Emmanuel Macron de faire des propositions susceptibles de montrer sa « bonne volonté » et d’apaiser une situation qui tournait à l’émeute. D’où l’opération de déminage menée par Gérald Darmanin. « Certains parlent de nouvelles étapes dans la décentralisation. Nous, nous sommes prêts à aller jusqu’à l’autonomie. Voilà, le mot est dit. Après la question est de savoir ce qu’est l’autonomie. Il faut qu’on en discute », déclare le ministre de l’Intérieur dans un entretien accordé à Corse-Matin (mercredi 16 mars 2022).

Réplique immédiate de Marine Le Pen : « Je refuse que le clientélisme cynique d’Emmanuel Macron brise l’intégrité du territoire français : la Corse doit rester française. » (Aujourd’hui en France, jeudi 17 mars 2022)

En Corse, seuls deux maires ont parrainé Marine Le Pen (Le Figaro, samedi 12-dimanche 13 mars 2022). Ils ont dû se faire engueuler !

Dans quelles conditions Emmanuel Macron a-t-il changé son fusil d’épaule ? « Le président-candidat voit s’embraser la Corse en pleine campagne pour sa réélection et c’est le scénario du pire qui est imaginé. Dès le 2 mars dernier, à l’annonce de la tentative de meurtre par un codétenu djihadiste d’Yvan Colonna (…) , au sommet de l’Etat, on craint une escalade. La réponse doit être forte pour ramener le calme, juge Emmanuel Macron. Quitte à s’engager sur une voie périlleuse, jusqu’alors refusée au dirigeant autonomiste de l’île, Gilles Simeoni.

Le soldat Darmanin

C’est Gérald Darmanin qu’il décide d’envoyer sur l’île mercredi pour trouver une sortie de crise. La veille (…), Emmanuel Macron prévient son ministre de l’Intérieur : « Il faut parler d’autonomie. » Dans l’après-midi, le locataire de Beauvau annonce la nouvelle aux journalistes de Nice-Matin : « Nous, nous sommes prêts à aller jusqu’à l’autonomie. » (Le Figaro, vendredi 18 mars 2022)

En réalité, il y a bien longtemps que Mme Le Pen aurait dû défendre « l’intégrité du territoire français » car la Corse bénéficie en ce moment de son quatrième statut particulier. L’actuel découle de la « loi n°2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République » (Loi NOTRe). « La collectivité de Corse constitue, à compter du 1er janvier 2018, une collectivité à statut particulier au sens de l’article 72 de la Constitution, en lieu et place de la collectivité de Corse et des départements de Corse-du-Sud et de Haute-Corse. Elle s’administre librement, dans les conditions fixées au présent titre et par l’ensemble des autres dispositions législatives relatives aux départements et aux régions non contraires au présent titre.

Pour l’application à la collectivité de Corse du premier alinéa du présent article : 1°) Les références au département et à la région sont remplacées par la référence à la collectivité de Corse ; 2°) Les références au conseil départemental et au conseil régional sont remplacées par la référence à l’Assemblée de Corse ; 3°) Les références aux présidents du conseil départemental et du conseil régional sont remplacées par la référence au président du conseil exécutif de Corse ; 4°) Les références à la collectivité territoriale de Corse sont remplacées par la référence à la collectivité de Corse. » (Article L. 4421-1 du code général des collectivités territoriales). On le voit, il y avait déjà de quoi faire hurler Mme Le Pen. Comment a-t-elle pu tolérer ce « statut particulier » contraire à sa religion centralisatrice? Jean-Marie Le Pen aurait déjà pris le maquis… et son fusil !

Mais voilà que la situation s’aggrave pour Mme Le Pen. En effet, vendredi 18 mars, Gérald Darmanin s’est envolé vers Paris avec un accord signé par Gilles Simeoni, président du conseil exécutif corse, et par lui-même. Il acte « l’ouverture d’un processus à vocation historique entre l’Etat et la Corse afin de construire une réponse politique globale à la question corse impliquant l’ensemble des élus et des forces vives ». Celui-ci débutera à Paris sous l’égide de la Place Beauvau, la première semaine d’avril. Le ministre de l’Intérieur et le président de l’exécutif corse « s’engagent à ce que les discussions sur une évolution statutaire soient conclues avant la fin de l’année ».

Si le ministre de l’Intérieur, à moins d’un mois de la présidentielle, dit vouloir parler sans tabou, il a tracé deux lignes rouges. « La Corse dans la République », qui balaie les velléités d’indépendance. Et « le refus de créer deux catégories de citoyens », allusion à peine voilée au statut de résident corse, ce rempart voulu contre la spéculation immobilière, voté par l’Assemblée de Corse en 2014 dans une île touristique comptant 40 % de résidences secondaires. » (Le Monde, dimanche 20-lundi 21 mars 2022)

Marine Le Pen devrait s’en prendre à Gaston Defferre

Tout a commencé dans la foulée des lois de décentralisation initiées par Gaston Defferre, ministre de la décentralisation et de l’intérieur, après l’élection de François Mitterrand ; deux lois « portant statut particulier de la région Corse » sont adoptées en 1982. En 1991, Pierre Joxe, ministre de l’intérieur, pourtant jacobin bon teint, fait adopter un nouveau statut pour la Corse. S’inspirant du régime en vigueur en Polynésie, la nouvelle loi crée une « collectivité territoriale de Corse », au statut particulier, en lieu et place de la région. En 2003, le Parlement adopte une loi prévoyant une consultation visant à la création d’une collectivité unique remplaçant l’actuelle collectivité territoriale et les deux départements. Cette loi est soutenue par les nationalistes mais, le 6 juillet 2003, 51% des électeurs rejettent cette proposition. La loi « NOTRe » de 2015 apporte de nouvelles modifications qui accentuent les différences entre la Corse et les régions continentales sur le plan institutionnel.

Voilà un épais dossier pour Marine Le Pen. A étudier toutes affaires cessantes avant qu’une nouvelle « atteinte à l’intégrité du territoire » ne soit commise. Elle pourrait également s’intéresser au cas de la Sardaigne qui bénéficie d’une très large autonomie, sans que les Italiens y voient un inconvénient. Les deux îles sont très proches…

Bernard Morvan

Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2022, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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4 réponses à “Corse. Marine Le Pen fait du « Jean-Marie »”

  1. Pschitt dit :

    Intéressant rappel. Il est bien que Breizh Info traite de ces sujets qui, sans être étroitement “locaux”, concernent la Bretagne au plus haut point.

  2. Rycart dit :

    Oui à l’indépendance de la Corse, mais sans un centime d’euro de la France ! Idem pour la Bretagne !

    • ritchi dit :

      Si la Corse devient indépendante, il est évident qu’elle ne dépendrait plus de la France en tant que PAYS souverain CQFD!

  3. patphil dit :

    “Dans quelles conditions Emmanuel Macron a-t-il changé son fusil d’épaule ?”
    le sens du vent !

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