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Incels, manosphère, trans, nerds ….. ou le besoin d’appartenance

Incels, manosphère, trans, nerds, toutes ces communautés, nées ou rassemblées sur internet, ont cela en commun qu’elles traduisent un manque diffus à l’heure de la post-modernité et de l’individu roi : celui du besoin d’appartenance.

Quelques siècles après l’introduction du culte de l’individu, la résurgence des communautés dans les sociétés occidentales est sous les yeux de tous. Le thème a été mis en évidence dès les années 80 par le sociologue Michel Maffesoli dans ce qu’il appelle l’ère de la mosaïque des communautés (1).

Mais, alors que le néotribalisme qu'il décrit, visible dans les rues des pays occidentaux, concerne avant tout les descendants d'immigrés qui ont su maintenir une certaine mentalité traditionnelle, les autochtones, eux, baignent encore dans l'idéal libéral de l'individualisme. Sans attaches, désemparés, leur recherche constante de communautés auxquelles se lier crie leur besoin de faire partie de quelque chose. 
Et si d'un côté les apôtres du progressisme et leurs héritiers vantent un monde fluide, nomade, liquide, où les êtres doivent volontairement se défaire les liens qui jadis les rattachaient à des communautés concrètes, la réalité est que ces derniers ont encore besoin de s'y accrocher, qu'ils désirent des liens. De nouveaux liens, sans contraintes, que les nouvelles générations vont souvent choisir dans le vaste catalogue offert par Internet. Ainsi, la manie d'étiqueter absolument tout groupuscule humain - Millenials, GenZ etc.. ;  Incel, MGTOW, etc... ; chaque lettre venant allonger l'acronyme LGBTQ+A.... - ne traduit pas autre chose. 

Dans son enquête magistrale sur le transactivisme, Abigail Shrier a très bien démontré comment c'est ce besoin même d'appartenance, extrêmement vif chez les adolescentes, qui les poussent à rejoindre les communautés transgenres sur la toile (2). Pareillement, ce sont des millions d'hommes célibataires qui rallient des groupes virtuels Incel, Involontary Celibate, qui ne décrivent alors plus le simple statut de célibataires malgré eux mais sont des communautés qui ont leurs codes, leur langage, et leur (triste) vision du monde. Mais, l'ennui, c'est que ces communautés se construisent en opposition aux autres. Le phénomène est donc voué à l'échec.

Car, pour développer un sentiment d’appartenance, l’individu doit pouvoir s’identifier au groupe. Cette adhésion est un mélange d’utilité et de solidarité : il se sent partie intégrante de quelque chose parce que ce quelque chose lui ressemble, et parce que le groupe peut l’aider et qu’il peut aider le groupe. Et c’est là que le bât blesse, le simple partage d’informations et la commisération ne sauraient suffire à générer un sentiment d’appartenance sain.

«L’âme humaine a besoin par-dessus tout d’être enracinée dans plusieurs milieux naturels et de communiquer avec l’univers à travers eux. La patrie, les milieux définis par la langue, par la culture, par un passé historique commun, la profession, la localité, sont des exemples de milieux naturels. » (3) L’enracinement se conçoit aussi à travers la famille, première cellule d’appartenance, et la communauté religieuse lorsqu’il y en a une.

Bref, tout ce qu’abhorre la post-modernité et se fait une joie de déconstruire, lui remplaçant la mentalité liquide, fluide, trans où chacun peut être ce qu’il veut pour le temps qu’il veut, sans jamais que rien ne le définisse concrètement et définitivement. Quels meilleurs exemples que ces hommes qui ont décidé que, se sentant femme à un moment donné, ils le sont, ou encore ces personnes autodéfinies transraciales, ayant choisi leur race selon leur penchant ?

Les identités ont été déconstruites, les liens ont été coupés, les racines ont été arrachées. Les familles sont ruinées ou inopérantes car elles ne sont plus le haut-lieu de la transmission (la plupart des parents eux-mêmes étant sans ancrages et aussi désemparés que leur progéniture) ; l’appartenance nationale est perçue comme une vieille chose ringarde sans aucun sens ; la précarisation et l’inutilité des shit jobs sont le nouvel horizon du monde du travail, etc. L’Éden des progressistes, des libéraux, des autres déconstructeurs a enfin été réalisé. L’humain est désormais libre, libre de choisir ses nouvelles identités, ses nouveaux liens et de ne mettre racine nulle part.

Pour autant, le spectacle qu’il donne n’a rien de paradisiaque. Ayant débouché sur l’instabilité des unions, le collectionnisme des relations et le remplacement des rapports vrais par des amitiés virtuelles sans contrainte ni engagement ; sur la surconsommation, le besoin excessif d’achat et d’accumulation de bien ; sur le bougisme, l’agitation de citoyens du monde qui errent sur la planète sans jamais être satisfaits de rien, une fois que l’excitation de la découverte est passée.

Tout cela est bien sûr une aubaine pour le turbocapitalisme… au grand damne de l’humain dont l’âme nécessite des ancrages et des structures.

Mais la bonne nouvelle, c’est qu’à l’éphémère, au liquide s’oppose le solide, comme l’a si bien théorisé Zygmunt Bauman. Sur des bases tangibles, éprouvées par le temps long ont été bâties les civilisations durables. Dont là nôtre. Qui n’est pas morte. 

Audrey D’Aguanno

(1) Le Temps des tribus : le déclin de l’individualisme dans les sociétés postmodernes, Michel Maffesoli, Éd. Le Livre de Poche, [1988] 1991

(2) Dommages irréversibles, comment le phénomène transgenre séduit les adolescentes, Abigail Shrier, Cherche Midi, 2022

(3) L’enracinement, Prélude à une déclaration des devoirs envers l’être humain, Simone Weil, Gallimard, coll. « Espoir », 1949, disponible sur Wikisource

Crédit photo : Pixabay.com
[cc] Breizh-info.com, 2023, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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2 réponses à “Incels, manosphère, trans, nerds ….. ou le besoin d’appartenance”

  1. Verdi dit :

    Le bât blesse svp.

  2. toto dit :

    Beaucoup de ismes, malheureusement il manque le féminisme, le gauchisme, le marxisme, le trotskisme, le wokisme, etc…, le nihilisme, tout aussi équivalents…

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