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Marco Campomenosi : « La Lega a une histoire similaire à celle du parti de Marine Le Pen » [Interview]

Marco Campomenosi est député européen de la Ligue, le parti italien dirigé par le vice-Premier ministre Matteo Salvini. Lionel Baland l’a rencontré et interrogé en français pour Breizh-info.

Breizh-info : De quelle partie de l’Italie êtes-vous originaire ? 

Marco Campomenosi : Je viens de Gênes. J’ai débuté en tant que militant de la Lega lorsque j’étais très jeune. J’ai été ensuite l’assistant parlementaire de Matteo Salvini au Parlement européen, puis cadre au sein du groupe du parti dans cette assemblée. Depuis 2019, je suis député européen.

Breizh-info : Quelle est la principale différence entre la Ligue et Frères d’Italie ? 

Marco Campomenosi : La principale différence vient de nos origines. Fratelli d’Italia porte l’héritage de la droite italienne du Mouvement social italien (MSI), puis de l’Alliance nationale (AN), alors que la Lega est née dans le nord de l’Italie de la faillite de la première République [désignation informelle du système politique en vigueur entre 1948 et 1994]. Les deux partis sont composés de personnes issues de traditions politiques différentes. Bien sûr, elles sont de la droite, du centre droit, mais la Lega a émergé après la chute de la Démocrate-chrétienne et du Parti socialiste italien. Actuellement, la Lega est plutôt de centre droit et Fratelli d’Italia plutôt de droite. Cela varie dans chaque domaine. Cela dépend aussi de l’expérience politique de chaque député et sénateur. La plateforme politique des deux partis est quasi-similaire et donc la différence réside dans les racines de ces deux formations politiques.

Breizh-info : Lors des débuts de votre parti, qui à l’époque s’appelait la Ligue du Nord, des personnes de gauche l’ont rejoint ? 

Marco Campomenosi : Oui, une minorité. La Lega a une histoire similaire à celle du parti de Marine Le Pen, qui gagne où la gauche a trahi les travailleurs, dans les zones au sein desquelles vivent les personnes qui n’ont pas la possibilité de figurer parmi celles qui sont les gagnantes de la mondialisation. La Lega est classée au centre-droit ou à droite à cause de la question de l’immigration, mais, dans les années 1960 et 1970, en France et en Italie, la gauche et les syndicats développaient l’idée que l’immigration était considérée comme un problème politique pour les droits des travailleurs, mais ensuite cela à changé. La gauche italienne et française a totalement abandonné le peuple.

Breizh-info : Des personnes reprochent au gouvernement italien de ne pas arrêter l’immigration.

Marco Campomenosi : La question de l’immigration est la plus compliquée. Le succès enregistré par Giorgia Meloni est la conséquence du fait que la Lega était dans le gouvernement de Mario Draghi [en 2021-2022] et cela lui a donné une grande visibilité car son parti, Fratelli d’Italia, était, à l’époque, la seule formation politique d’opposition. La Lega a payé l’addition, en passant de 30 % à 8 %, alors que Fratelli d’Italia est monté de 8 % à 26 %, car, dire, depuis les bancs de l’opposition, que les frontières doivent être fermées à l’immigration était aisé. Maintenant, Giorgia Meloni a probablement compris que l’opposition est plus facile, mais nous travaillons ensemble. N’oublions pas que Matteo Salvini doit aller chaque mois à Palerme car il subit un procès pour « séquestration de personnes », pour avoir tenté d’arrêter l’immigration lorsqu’il était ministre de l’Intérieur, ce qui montre qu’un système existe qui ne permet pas d’arrêter complètement l’immigration massive et cela constitue la raison pour laquelle nous désirons désormais une intervention en Afrique, où les passeurs agissent, car les citoyens demandent la fin de ce phénomène ou au moins sa limitation.

Breizh-info : Un blocus naval est-il possible ? 

Marco Campomenosi : La Lega n’a jamais parlé de blocus naval. Cela doit être demandé à Giorgia Meloni, qui, lorsqu’elle était dans l’opposition, parlait de cela pour prendre des électeurs à la Lega.

Matteo Salvini, comme je l’ai déjà indiqué, est accusé de séquestration de personnes, alors que 90 % des individus qui tentent de passer entre la Libye et la Sicile sont des immigrés économiques. Ce ne sont pas des personnes qui ont droit à la protection internationale octroyée aux réfugiés. Un malentendu existe à ce propos au sein des partis politiques et parmi les journalistes, car, à Bruxelles et dans les autres pays de l’Union européenne, il n’a jamais été discuté de redistribuer les immigrants économiques qui constituent la grande majorité des arrivants, mais les partis politiques italiens, autres que la Ligue, parlent de la redistribution de tous les immigrés. La Ligue est fortement opposée à cette idée, car l’Italie deviendra une sorte de plaque tournante de l’immigration par laquelle encore plus de gens passeront. Cela ne peut pas fonctionner, même aussi pour les immigrés réguliers qui se trouvent déjà en Italie et qui désirent aller vers les autres pays d’Europe, ou pour les travailleurs italiens, français, belges, … qui se trouveront face à la concurrence déloyale constituée par l’immigration illégale. Cette question n’est jamais prise en compte par la gauche. Dans les quartiers atteints par l’immigration, Fratelli d’Italia et la Lega sont largement les plus forts.

Breizh-info : Fratelli d’Italia obtient aussi des électeurs dans le nord du pays.

Marco Campomenosi : Oui, lors des élections législatives de 2022, Fratelli d’Italia a été le premier parti politique du pays dans toutes les régions. En revanche, lors des élections régionales en Lombardie, les listes de la Lega et du président de la région Attilio Fontana [de la Lega] ont été premières.

Je pense qu’un processus, qui veut que tous les deux ans les Italiens attribuent leur confiance à une personne différente, se développe : Silvio Berlusconi, Matteo Renzi, le Mouvement 5 Étoiles, Matteo Salvini, Giorgia Meloni. Parce que les Italiens n’attribuent plus leur soutien sur le long terme, le gouvernement italien doit bien travailler dès le début, sinon les électeurs chercheront de nouvelles personnalités, tous les deux ans.

Breizh-info : Le Mouvement 5 Étoiles est toujours présent. 

Marco Campomenosi : Oui. Le M5S est devenu un parti politique de gauche, souvent d’extrême-gauche. Au début, il était un mouvement post-idéologique très populiste. Maintenant, il est devenu populiste de gauche, très fort dans le sud de l’Italie car il avait introduit des instruments de protection sociale très appréciés dans la région de Naples et en Sicile. Il est très fort là-bas et aussi dans des villes du nord de l’Italie. Mais, au niveau des élections locales, il n’a presque rien. Il ne dispose pas de maires, ni de présidents de régions car sa politique est un peu virtuelle. Il est présent lors des élections nationales et européennes, mais au niveau local, il n’existe presque pas.

Breizh-info : La Ligue et le Mouvement 5 Étoiles ont gouverné ensemble, en 2018-2019. 

Marco Campomenosi : Cela a été. Maintenant, il est facile de dire que c’est dommage que cette expérience a pris fin à la suite du départ de la Lega, car, à cette époque, chaque mois, la Lega était encore plus forte dans les sondages d’opinion. Matteo Salvini était, absolument, l’acteur principal du gouvernement, mais cela était difficile de travailler ensemble. Les 5 Étoiles tentaient chaque fois de bloquer les initiatives de la Lega. Cela aurait pu être un gouvernement révolutionnaire, mais le système a tenté, par tous les moyens, d’empêcher un vrai changement et aujourd’hui nous en avons la preuve, puisqu’un personnage important [du Mouvement 5 Étoiles] comme Monsieur [Luigi] Di Maio a obtenu un rôle important au niveau de la Commission européenne en tant qu’expert pour le Moyen-Orient. Je pense que le système a eu la possibilité d’enrégimenter les 5 Étoiles dans la gauche traditionnelle. Tout de suite après l’expérience avec la Lega, le Mouvement 5 Étoiles a formé un gouvernement avec la gauche [en 2019-2021].

Breizh-info : Pourquoi la Ligue a-t-elle pris part au gouvernement de Mario Draghi, entre février 2021 et octobre 2022 ? 

Marco Campomenosi : La justification est que nous devions montrer que nous avions le sens des responsabilités afin d’aider le pays après la pandémie. Nous avons fait un pari afin de voir si nous avions la possibilité de contribuer à sortir l’Italie de la crise économique due à la Covid. De plus, la Lega a bloqué des initiatives de la gauche grâce au fait qu’elle prenait part au gouvernement. Sans la Ligue, des éléments, en matière de taxation, auraient pu être introduits. Nous les avons bloqués. Cela a constitué la démonstration que la Lega avait des électeurs qui demandaient certaines choses et que lorsque la Lega est allée avec Mario Draghi, les électeurs n’ont pas suivi la Lega. C’est pour cela que, maintenant que nous sommes dans un gouvernement de centre droit, la Lega semble avoir plus de soutien de citoyens dans les sondages d’opinion.

Breizh-info : Qu’adviendra-t-il du parti Forza italia, alors que son dirigeant, Silvio Berlusconi, a disparu ? 

Marco Campomenosi : Cela est très difficile à déterminer. Forza Italia joue un rôle important au sein de la coalition de centre droit qui dirige l’Italie, car cette formation politique est membre du Parti populaire européen (PPE). Je ne désire pas parler de ce qui se passe dans les autres partis politiques. Cela n’est pas facile pour eux de continuer à faire de la politique sans Silvio Berlusconi, car ce dernier était une figure très importante pour les citoyens du centre droit italien. Je pense que Matteo Salvini et Giorgia Meloni ne désirent pas cannibaliser Forza Italia. Ils sont assez intelligents pour comprendre que Forza Italia doit continuer à exister et que cela est bon pour la coalition de centre droit. Bien sûr, de nombreux électeurs et élus de Forza Italia sont proches de la Lega, et plus de cette dernière que de Fratelli d’Italia. Je pense que Forza Italia continuera à exister, mais sur le long terme, cela dépendra des citoyens.

Breizh-info : Au sein de quel groupe siégera la Ligue à l’issue des élections européennes de 2024 ?

Marco Campomenosi : Comme actuellement, au sein du groupe Identité et démocratie (ID) dont nous sommes très contents. Celui-ci comprend des amis avec lesquels nous travaillons depuis plusieurs années. Il est dommage que nous ne soyons pas tous ensemble avec les conservateurs [Conservateurs et réformistes européens (ECR)], car nous pourrions avoir presque autant de députés européens que le groupe socialiste.

Breizh-info : Et avec le groupe du Parti populaire européen ?

Le groupe du Parti populaire européen a de grandes difficultés. Il n’est pas très attractif et ne dispose pas d’une cohésion politique sur des objectifs de centre droit. Il est constitué de différentes tendances politiques, ce qui lui pose des problèmes. Certains des partis qui en sont membres dirigent leur pays avec la gauche. Mais ce groupe joue un rôle important. J’espère que, à l’issue des élections européennes de 2024, cette formation ne suivra plus l’agenda politique imposé par la gauche, car c’est cela qui s’est passé à Bruxelles de 2019 à 2023. À la suite du fait que leurs résultats dans les sondages ne sont pas très bons, ils ont commencé à voter certaines mesures avec nous. Le PPE doit répondre à la question de savoir s’il est de gauche ou désire travailler avec les autres groupes de centre droit. S’il continue à déclarer qu’il ne désire pas gouverner avec le Rassemblement national ou l’Alternative pour l’Allemagne (AfD), cela signifie qu’il veut encore diriger l’Europe avec la gauche. Cela relève de l’arithmétique, plus que de la politique.

Propos recueillis par Lionel Baland

Crédit photo : DR

[cc] Breizh-info.com, 2023, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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Une réponse à “Marco Campomenosi : « La Lega a une histoire similaire à celle du parti de Marine Le Pen » [Interview]”

  1. patphil dit :

    bon, mais dan les faits, reniement des promesses électorales

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