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Fury vs NGannou : le crépuscule de la boxe anglaise ?

Pour les derniers Mohicans qui n’ont pas suivi l’évènement sportif de la nuit de samedi à dimanche, l’Anglo-Irlandais Tyson Fury, champion du monde poids-lourds de boxe anglaise affrontait le Franco-Camerounais Françis NGannou, champion du monde poids-lourds de MMA. Le combat avait lieu selon les règles de la boxe anglaise et était sous contrôle de la principale fédération mondiale de boxe, la WBC.

Pour raccourcir la présentation : Tyson Fury est le champion incontesté de la boxe mondiale avec 70 combats (35 pro, 35 amateurs) alors que Francis NGannou n’avait, à ce jour, jamais boxé en « anglaise » (uniquement avec les poings donc).

Depuis l’annonce de ce combat, toute la planète boxe prédisait une victoire facile du « Gipsy King » (Tyson Fury est un gitan irlandais, un « Traveller ») contre le « Predator » NGannou car les boxeurs en anglaise auraient une supériorité quasi-automatique en poing sur les « voyous » du MMA. Le « Noble Art » contre la « baston de rue ». La technique infaillible contre la brouillonnette.

Les gardiens du temple de l’Anglaise ont juste oublié que la boxe est avant tout une affaire de coup et non de technique. Qu’un seul direct d’un novice peut faire la différence même contre une combinaison jab-jab-croisé exécutée au millimètre.

C’est très exactement ce qui s’est passé ce samedi. Fury malgré son avantage en taille (2m06 contre 1m93 pour NGannou) et son allonge de 2m16 a tourné autour du Predator avec un jab pathétique n’arrivant jamais à placer un direct correct. Pourquoi ? Parce que Fury avait peur ! NGannou a fait l’étalage de sa force entre la première et la troisième en envoyant même le Gipsy King au sol sur un contre monstrueux. Juste avant ce crochet, NGannou avait encaissé deux enchaînements gauche-droite de Fury qui ne l’ont absolument pas déstabilisé. Résultat, Fury a passé ses 10 rounds à tourner comme une danseuse et ce afin d’engranger des jabs sans effet et faire ainsi monter son capital point. Pratiquement aucune attaque de sa part, les 2m16 de son allonge lui permettant de rester à distance des poings dévastateurs d’NGannou, et une multiplication des clinchs, parfois à la limite du hors-jeu, dans un pur style « dirty boxe » qui ne correspond pas vraiment au statut de « roi ».

Ridicule et pathétique. Car tout le monde a bien compris que Fury avait peur. Tout simplement peur. Peur des coups d’NGannou, le novice en boxe anglaise. Et, en bon filou, le « King » a gagné aux poings, et encore sur décision partagée (2 juges sur trois). Fury a gagné sans combattre et a perdu son honneur. La fin du combat sentait bon l’expérience du vieux routier Fury canardant, de loin, des jabs sans puissance sur un NGannou fatigué car pas habitué à disputer 10 rounds (3 rounds en MMA, 5 pour les titres importants).

NGannou, le véritable vainqueur

A l’arrivée, cette décision technique ne trompe personne : NGannou est le vrai vainqueur, Fury n’étant que le vainqueur « technique » ! NGannou a envoyé Fury au sol. NGannou est un plus méchant puncheur que Fury, pourtant réputé le poing d’acier de la boxe. NGannou a été plus courageux et Fury a été un dervich tourneur ridicule.

Comme d’habitude, certains y verront un match « arrangé », « l’arnaque du siècle », « un coup monté avec l’Arabie Saoudite » (le match avait lieu à Riyad) pour l’argent, etc…. rien n’est plus faux ! De la même façon, Tyson Fury n’était pas indisposé ce soir-là et n’était pas sous-entraîné par négligence comme Andy Ruiz après sa victoire surprise contre Joshua. Gagnant contre toute attente, le Mexicain inconnu avait fêté son titre durant des mois en se gavant de snickers et de hamburgers négligeant ainsi la préparation pour la revanche qu’il a logiquement perdu. Fury l’a encore rappelé ce samedi soir, il avait passé 12 semaines en camp d’entraînement loin de sa famille et était arrivé à Ryad sans son habituel embonpoint.

La triste vérité est que Fury a « géré » son combat comme un Klitshko en son temps. Sans panache et sans prise de risque, devant un novice. La triste vérité est que Tyson Fury est, ce samedi soir, le symbole du crépuscule de la boxe anglaise face au MMA.

Crépuscule car, enfoncée dans la croyance en sa supériorité naturelle en poings, la communauté de « l’Anglaise » vient de découvrir que le MMA frappe et forme des combattants durs, rompus à encaisser les coups les plus durs. Encore une fois, les enchaînements de Fury n’ont jamais ébranlé NGannou et la « boxe sale » des MMistes c’est aussi de la boxe.

Crépuscule car l’argent et la réputation de « supériorité » de l’Anglaise en ont fait sa gloire. Que se passera-t-il si l’argent cesse de couler à flot au niveau mondial pour aller dans le MMA ? L’Anglaise connaîtra le destin de la Boxe Française ou du Full contact : un sport de niche pour les passionnés.

On a coutume de dire que seules trois personnes sont connues au niveau mondial : le Pape, le président des Etats-Unis et le champion du monde poids-lourds de boxe anglaise. Or le problème de l’Anglaise est la multiplication de ses fédérations. Quatre grandes (WBA, IBF, WBC, WBO) et une infinité de petites fédérations mondiales ou semi-mondiales dites « mineures ». Au jour d’aujourd’hui, Tyson Fury n’est que le champion de la WBC, le champion des trois autres fédérations principales étant l’Ukrainien Oleksandr Usyk. Usyk, qui était présent ce samedi dans la salle, devait théoriquement combattre Fury en décembre, mais les déclarations d’après-match du Gipsy King laissent planer un certain doute sur la pérennité de ce combat. Ce qui serait encore une catastrophe de plus pour « l’Anglaise ».

Car, au fait, que vaut réellement le titre WBC de Fury ? Celui-ci n’avait pas, avant ce 28 octobre, combattu depuis décembre 2022. Presque un an ! Et encore ce combat l’opposait au vétéran Derek Chisora (40 ans) qui n’aura été envoyé au tapis qu’au 10è round ! La boxe anglaise, et notamment sa discipline phare, les poids-lourds est devenue une reine fainéante qui sacre des champions qui combattent une fois par an et encore !

A côté de cela, le MMA a une fédération quasi-unique, l’UFC. D’autres fédérations existent mais elles sont mineures ou ont été rachetées par l’UFC, sauf deux d’entre elles, la Bellator et la PFL qui vient d’ailleurs de signer… Françis NGannou). Or l’UFC est une machine à produire du combat. Créative et inventive, elle investit tout le champ médiatique ainsi que les réseaux sociaux (et même celui des jeux vidéos !), là où les fédérations de boxe se reposent largement sur leurs lauriers.

MMA 4.0

Sur internet, les combattants de MMA se mettent désormais en scène comme de véritables influenceurs, maîtrisant les réseaux sociaux et touchant ainsi des publics de jeunes totalement subjugués. L’exemple le plus connu en France étant celui du breton Paul Denis-Navero qui gère sa carrière et son image avec soin et professionnalisme alors qu’il n’est encore qu’amateur et combat parfois des Tchétchènes ou des racailles de cité dans des situations tenant plus du combat de cave à la Fight Club que de la cage UFC ! Et pourtant, à travers sa chaîne Youtube aux 171 000 abonnées, c’est lui que des milliers de jeunes blancs vont désormais citer spontanément quand on leur parle de MMA ! En comparaison, quel amateur en boxe anglaise est connu au-delà de son club de quartier ?

Pire ! En « Anglaise » Canal + a misé sur le Français Tony Yoka dans un story telling intitulé « La Conquête ». Auréolé de son titre olympique amateur, Tony Yoka, ou plutôt le couple qu’il formait jusqu’en 2021 avec la boxeuse Estelle Mossely -également championne olympique amateur- devait être le prochain champion du monde poids-lourds en direct sur Canal ! Actuellement encroûté à la 43è place mondiale selon BoxeRec, malgré ses 2m01 et ses 113 kg, Yoka n’a aucune chance de devenir champion du monde poids lourds en battant des Fury, Wilder, Ruiz ou Usyk. Il n’a même aucune chance d’entrer dans le Top10 mondial et ce malgré son jeune âge (31 ans). Et ça, n’importe quel spécialiste de la boxe aurait pu le prédire dès ses premiers combats pro contre des faire-valoirs. A la rigueur, Canal + aurait beaucoup plus de chance d’atteindre le titre en signant NGannou dont la licence de boxe a été achetée dans un obscur état américain pour pouvoir combattre Fury. Car NGannou a clairement les qualités pour abattre n’importe quel lascar du firmament mondial qui rêve de voir le Gipsy King faire le combat de trop. Seul problème pour Canal +, malgré sa double nationalité, sportivement, il combat sous le drapeau camerounais.

La boxe anglaise est-elle entrée dans son crépuscule alors ? Peut-être pas au regard du spectacle offert par les Saoudiens ce samedi. Stade géant, ring qui sort du sol, déluge d’effets spéciaux, story telling « the battle of the baddest » (« la bataille des plus méchants » tel était le nom de l’évènement) en amont qui a sur-médiatisé le combat à coups de trash talking et de vidéos youtube. Les Saoudiens ont même réussi à imposer le mythique Mike Tyson dans le staff de NGannou, ce qui a donné lieu à de multiples vidéos faussement volées et de « confidences », alors que Tyson Fury était accompagné lors de son arrivée sur le ring d’anciennes gloires comme Evander Holyfield ou Lennox Lewis. Imaginons le prix de toutes ses stars ! Sans compter la présence, dans le public et dans certaines vidéos d’avant-match, du footballeur Cristiano Ronaldo (évoluant désormais en Arabie Saoudite) ainsi que d’Eminem (sous capuche !) ou Kanye West.

Déluge d’argent, organisation à grand spectacle, les Saoudiens qui tel le Qatar souhaitent investir dans le sport pour préparer l’après-pétrole ont été les autres grands gagnants de la soirée ! Le jour où il produisent le même spectacle pour le MMA, la boucle sera bouclée et la boxe anglaise a du soucis à se faire.

Car là, on était bien loin des combats de boxe sous l’ère « Don King » (un promoteur afro-américain) se déroulant dans les salles de… Donald Trump. Ce samedi soir, la famille régnante saoudienne ainsi que l’industrie du divertissement à la mode saoudienne était largement mises à l’honneur. Avant le combat, un présentateur enturbanné à fait tout un discours saluant le grand sultan local tout en promouvant la Riyadh Season, fer de lance de la « Vision Saoudienne 2030« , véritable opération économico-sportivo-culturello-politique de soft power mondial dans des proportions inconnues en Europe.

Makhmudov Akhbar

Arslanbek Makhmudov 

Désormais l’Arabie Saoudite est sur la carte des grands évènements sportifs mondiaux que ce soit en terme de boxe, de football ou de quoi que ce soit d’autre. Le monde occidental n’a qu’à bien se tenir car certains signes ne trompent pas : ce samedi soir, l’un de combattants des « sous-cartes » (les combats amuse-gueules avant le match star de la fin de soirée), l’inquiétant Ossète Arslanbek Makhmudov a hurlé des slogans islamistes, sous les acclamations du public, après avoir envoyé le pauvre américain venu des mi-lourds Junior Anthony Wright en 48 secondes. Makhmudov n’a même pas eu le temps de transpirer ! Par contre ses « Allah Akhbar » au micro en plus de ses slogans en arabe dans sa déclaration d’après-match n’étaient sûrement pas des appels à l’amour et à la paix dans le monde. Son compte instagram est d’ailleurs éloquent à ce sujet !

Dans un combat classique aux Etats-Unis ou à Wembley, ces « Allah Akhbar » auraient provoqués un scandale, à Riyad, c’est la gloire assurée !

Encore une fois, le monde des sports de combat est en train de changer. Fini les boxeurs stars en « anglaise » américains ou britanniques (ou éventuellement russes ou ukrainiens) blancs ou noirs se disputant le titre poids lourds à New York ou Las Vegas, bonjour les monstres du MMA daghestanais ou africains triomphant à Riyad ou Dubaï ! Foin des femmes en robe de soirée regardant les mâles s’entretuer à Las Vegas, cette nuit, le monde entier a vu des cheiks saoudiens en robe blanche islamique savourer la danse de l’Afrique devant l’occident chrétien vaincu. Eh oui !

Car ce samedi soir, à travers la fausse victoire de Fury c’est aussi le monde blanc qui a perdu ! Ce matin, toute l’Afrique et tout le monde musulman qui salue la victoire d’Ngannou. Même si celui-ci est chrétien, Ngannou a conquis le coeur des musulmans en ne manquant jamais de souhaiter un bon Aïd à tout ses fans. De plus, Ngannou est LE symbole auquel des millions de migrants peuvent aisément s’identifier. Enfant pauvre du Cameroun, il a travaillé enfant dans une mine de sable avant de traverser différents pays et de traverser  la Méditerranée et d’atterrir à Marseille via l’Espagne. Après avoir été SDF et dormi dans des parkings, il est repéré par un entraîneur de MMA pour son physique « à la Mike Tyson ». Début de la légende NGannou !

Force noire

Une histoire pareille en fait le représentant naturel de beaucoup de migrants qui débarquent actuellement en Europe. Avec Francis NGannou, ils ne sont plus des loosers issus de pays en faillite mais des champions qui défient les respectables boxeurs blancs après avoir raflé tous les titres au MMA. Et il faut reconnaître que le placide NGannou est plutôt sympathique. Ne pratiquant pas le Trash Talking et n’affichant pas sa dépression chronique comme le fantasque Fury dont les déclarations d’avant-match qualifiant NGannou de « grosse saucisse » (alors que lui-même est loin d’être taillé comme un athlète) lui reviennent actuellement à la figure. Fury et ses bondieuseries sont moquées sur les réseaux sociaux. Fury est le symbole de l’Occidental grassouillet vaincu par la « Force Noire » et méritante incarnée par l’Africain NGannou. Là, c’est tiercé perdant pour les Européens !

Désormais, les fans de MMA considèrent que la boxe anglaise n’est qu’une vieille belle surcôtée et que, tels les grands maîtres d’art martiaux chinois humiliés par un obscur combattant de MMA n’apparaissant même pas sur les classements officiels, elle est obsolète face au nouveau roi de la baston réelle : le MMA.

Fury à terre devant NGannou, NGannou dansant devant le roi déchu, c’est la victoire de l’Afrique et la défaite de l’Europe. Victoire du Noir sur le Blanc. Victoire du MMA sur la boxe anglaise. Victoire d’un migrant taillé comme une statue grecque sur un occidental grassouillet. Victoire de l’Arabie Saoudite et de ses spectacles XXL sur les vieux galas de boxe à papa genre « Vél d’Hiv' ». Victoire de eux et défaite de nous. Allez voir les réseaux sociaux ce jour, toute l’Afrique exulte et prédit le crépuscule des Blancs, en sport comme dans d’autres secteurs.

En quelques mots : dans cette guerre civilisationnelle et médiatique, attention aux retombées à long terme de ce combat !

Crédit photo : compte instagram Makhmudov, compte youtube Paul Denis-Navero, copie d’écran vidéo DAZN.com

[cc] Breizh-info.com, 2023, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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3 réponses à “Fury vs NGannou : le crépuscule de la boxe anglaise ?”

  1. louis dit :

    il faut lire « millions dollars babies « ( le film est nul )pour comprendre l’univers de la boxe et l’envers du décor …

  2. kaélig dit :

    Bonne connaissance du sujet incontestablement.
    Je vois (pas souvent, à croire que la boxe est interdite de média) des championnats d’Europe ou même mondiaux qui me déçoivent au plus haut point. Les acteurs tournent, gesticulent, s’envoient des pichenettes à tel point que je me dis « P…n, à ce rythme-là, ça va durer 3 jours sans se faire mal ».
    Rien à voir avec l’efficacité du puncheur qui vous étale sur un seul coup comme Carlos Monzon, Casius Clay voir Boutier…avec l’inconvénient que si vous arrivez en retard d’une minute…le match est fini par KO !
    Normalement un Karateka devrait faire un excellent boxeur.

  3. Le Bouedec dit :

    Excellent article 👍👍merci à Breizh info de nous en gratifier

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