Le cas Rouaux mériterait d’être étudié à Sciences Po. Titre du cours : comment un député socialiste parvient à se faire réélire avec l’aide des électeurs du Rassemblement national. Explication : ces derniers détestent la macronie.
On devient quelquefois député grâce aux accidents de la vie ; c’est le cas de Claudia Rouaux (PS), député de la circonscription de Rennes-Montfort-sur-Meu. Simplement conseillère régionale depuis 2015 et suppléante de François André (ancien PS devenu macroniste aux législatives de 2017), elle hérite du siège en février 2020 après le décès du titulaire. Mais elle ne rejoint pas le groupe LREM à l’Assemblée nationale comme François André ; elle préfère s’intégrer au groupe socialiste et apparentés. Arrivent les élections législatives de 2022 ; au second tour, elle bat le candidat macroniste Christophe Martins (51,53 %/48,47 %). Quand on observe de près les chiffres, on constate qu’elle a pu passer de 16 822 voix (35,72 %) au premier tour à 23 784 voix (51,53 %) au second tour grâce – principalement – au renfort des 6 998 électeurs (14,86 %) du Rassemblement national (Astrid Prunier). Alors que Martins( Ensemble-PRG) – 15 317 suffrages au premier tour et 22 375 au second – n’a pu récupérer – principalement – que les 4 015 suffrages (8,53 %) du candidat LR et les 1 350 voix (2,87 %) du candidat Reconquête, ce qui était insuffisant pour l’emporter. On remarquera qu’elle n’est pas la seule dans ce cas en Bretagne (voir Mélanie Thomin à Carhaix ou Mathilde Hignet à Redon, par exemple). Elle est donc parfaitement aveugle ou bien elle ne sait pas compter lorsqu’elle assure : « J’ai conscience que je dois ma réélection à la Nupes » (Ouest-France, Rennes, mercredi 25 octobre 2023). Elle oublie de noter qu’au tour décisif, elle a bénéficié de l’aide des électeurs RN, des femmes et des hommes foncièrement anti-Macron. Pourtant elle l’avait assuré : « Je suis proche des gens. Ce soir, cette victoire, c’est celle d’une élue sincère », dit-elle (Ouest-France, Ille-et-Vilaine, lundi 20 juin 2022).
Mélenchon ne les aime pas
Ce n’est plus le grand amour entre les insoumis et les socialistes. Un petit exemple qui se passe de tout commentaire. A l’Assemblée nationale, les députés socialistes ont fait modifier le nom officiel de leur groupe ; celui-ci ne s’intitule plus « Groupe socialistes et apparentés (membre de l’intergroupe Nupes» mais « Groupe socialistes et apparentés » (Libération, vendredi 20 octobre 2023). Claudia Rouaux se situe maintenant dans cette ligne : « Avec la Nupes, il y a vraiment une volonté avec des amitiés et des habitudes de travail. Et je pense qu’on arrivera à former un collectif de gauche pour continuer. L’objectif avant tout, c’est d’être présents, de nous battre pour notre projet commun et de se respecter. Mais pour cela, il faut vraiment qu’il y ait une rupture avec le mélenchonisme ». Mélenchon est donc un problème pour Mme Rouaux : « Oui et ce n’est pas la première fois, il est toujours sur la sémantique des mots » (Ouest-France, Rennes, mercredi 25 octobre 2023). Un mois plus tôt, Jean-Luc Mélenchon avait eu l’occasion de dire tout le bien qu’il pensait de ses « camarades » de la Nupes : « Une écologie qui n’est pas anticapitaliste, pour moi, c’est du jardinage. Le socialisme qui ne met pas en cause le capitalisme, c’est mignon (…). Personnellement, je ne fais pas la Nupes parce que j’aime les autres. Je ne les aime pas. » (BFMTV, lundi 18 septembre 2023). Et pour clore l’alliance, le « lider maximo » annonce par un tweet en forme d’épitaphe : « Olivier Faure rompt la Nupes ». Claudia Rouaux sait désormais à quoi s’en tenir…
Cela dit, les « frères ennemis » de la Nupes n’ont pas l’air d’être en grande forme pour les élections européennes de 2024. C’est ce que montrent les enquêtes portant sur les intentions de vote : 5 % pour la liste du Parti communiste (Léon Deffontaines), 9 % pour la liste de la France insoumise (Manon Aubry), 9 % pour la liste du Parti socialiste (Raphaël Glucksmann), 9 % pour la liste d’Europe Ecologie Les Verts (Marie Toussaint). Pour la liste de la majorité présidentielle (Thierry Breton), la situation n’apparaît guère plus brillante avec seulement 20 %. Quant à la liste des Républicains (François-Xavier Bellamy), elle doit se contenter d’un modeste 8,5 %. Seule la liste du Rassemblement national (Jordan Bardella) semble en bonne en santé avec 28 % des intentions de vote (Ifop-Fiducial, Le Figaro, mardi 17 octobre 2023).
Aux élections législatives de 2027, il n’est pas certain que Claudia Rouaux puisse proclamer au soir du second tour, comme elle l’avait fait en 2022 : « Je suis très fière d’être réélue » (Ouest-France, Ille-et-Vilaine, lundi 20 juin 2023). L’alliance électorale que constituait la Nupes (LFI + PCF + PS + EELV) permettait à Mme Rouaux d’être la candidate unique de la gauche et de terminer le premier tour avec 1 500 voix d’avance sur le candidat macroniste ; ce qui ne sera plus possible si un candidat insoumis s’oppose à elle. Autre difficulté à prévoir : la poussée du RN. En effet, en Bretagne, les candidats de ce parti ne peuvent pas se maintenir au second tour faute d’atteindre un niveau suffisant au premier : « nul ne peut être candidat au deuxième tour s’il ne s’est pas présenté au premier tour et s’il n’a obtenu un nombre de suffrages au moins égal à 12,5 p. 100 des électeurs inscrits » (code électoral, article L. 162). Mais tout peut changer, si en 2027, Astrid Prunier (RN) atteint ces fameux 12,5 % des inscrits ; elle se maintiendra alors au second tour et ses troupes ne feront pas la courte échelle à Claudia Rouaux.
Bernard Morvan
Crédit photo : actuaLitté/Flickr (cc)
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Une réponse à “Claudia Rouaux (PS) veut la « rupture avec le mélenchonisme »”
bien, mais quand il s’agira d’élections nationales on verra qui ira à la gamelle ! tous je pense