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Élections en Argentine : rupture populiste de droite ou reprise en main par Washington ?

C’était le 20 novembre dernier. Les projecteurs du monde entier se sont tournés vers ce pays d’Amérique latine, l’Argentine. Javier Milei, un ovni politique, un provocateur prêt à en découdre. Il qualifie ses détracteurs de « merdes » et promet de s’attaquer au pourrissement de l’Etat à la tronçonneuse. Derrière le choc, qui est Javier Milei ? Est-ce une bonne nouvelle que ce candidat ultra-libéral arrive aux responsabilités ? Et si oui, pour qui ?

Quelques jours après l’arrivée au pouvoir de Javier Milei, ce personnage, au comportement parfois loufoque, qui semble respecter sa volonté de changer les choses, provoque une certaine liesse de la Droite Patriotique française. En effet Javier Milei, candidat « populiste » pour la Gauche française semble décidé à retourner la table. Il est le candidat anti-avortement qui exhorte les catholiques conservateurs à se ranger derrière lui malgré ses attaques répétées à l’encontre du Pape François. Il l’accuse notamment d’avoir « une affinité avec les communistes meurtriers » du pays et de violer les Dix Commandements. Malgré ses attaques, le Pape a félicité Javier Milei et lui a déclaré qu’il lui envoyait « un chapelet béni », cadeau peu banal mais qui peut démontrer que le Pape a un sens de l’humour aiguisé. Si l’économie du pays a bien besoin d’un sacré coup de pousse, l’ancien banquier de HSBC semble être le candidat parfait pour inverser la tendance. Le redressement du pays devra passer par une privatisation de masse à commencer par l’ensemble des médias publics et la suppression de plusieurs ministères, cette dernière illustrée par une vidéo d’anthologie qui a fait le tour du monde. Sur place, on le surnomme « el loco » (le fou) comme s’en est amusé un ressortissant français installé dans le nord du pays. Il est réputé intransigeant. « Il n’y a pas d’autres alternatives. Avec les kirchneristes c’était un long cauchemar. Je vois les réformes promises du droit du travail, la privatisation, la fin de l’ingérence étatique, la fin des plans sociaux, baisse de 17% des impôts et la fin des occupations illégales des propriétés privées. » me confiait-il au lendemain de l’élection. A la lumière de ces quelques mesures développées ici, on peut aisément comprendre l’ovni politique qu’il représente et l’espoir qu’il suscite pour la droite, mais qu’en est-il pour la Gauche ?

A gauche, c’est un tollé. « Dans mon gouvernement, il n’y aura pas de marxisme culturel. Et le ministère de la Femme, je l’éliminerai. Je ne m’excuserai pas d’avoir un pénis. Je n’ai pas à avoir honte d’être un homme blanc, blond, aux yeux bleu clair. » avait-il déclaré lors de la campagne présidentielle. Le Patriarcat, le mal incarné, le mafieux. Javier Milei est climatosceptique, masculiniste et libéral radical comme l’a souligné Olivier Faure, premier secrétaire du Parti Socialiste. On lui reproche aussi des méthodes mafieuses et on s’interroge sur ces intentions. Que va donc devenir l’opposition politique, le droit des communautés LGBT ? Les récentes déclarations du nouveau Président interrogent.« Entre la mafia et l’État, je préfère la mafia. La mafia a des codes, elle tient ses engagements, elle ne ment pas, elle est compétitive. »  Supprimer le peso pour le dollar US, légaliser la vente d’organes, autant de provocations qui auront pu mettre en tension la Gauche au pouvoir et l’opinion public en Argentine.En effet, la corruption semble gangréner la politique du pays. On se souviendra du scandale Cristina Kirchner qui a fait du bruit jusqu’en France en décembre 2022. Elle a été condamnée à 6 ans de prison et inéligibilité à vie pour fraude et corruption et ce n’est pas un cas isolé. Pourtant, l’ancien président Alberto Fernandez avait exprimé son soutien en dénonçant un système judiciaire mafieux. Il faut croire que les argentins ont préféré les promesses de Milei tendant à « tronçonner » l’Etat responsable, selon lui, de tous les maux du pays.

Alors, d’un point de vue français, qu’en est-il réellement et que va changer la présidence Javier Milei ? Est-il de notre ressort de juger la politique intérieure de l’Argentine ? Le peuple a tranché et il serait innoportun de vouloir s’ingérer dans un pays qui n’est pas le nôtre. Néanmoins, les orientations que semblent prendre Javier Milei à l’internationnal, risquent bien de bousculer l’équilibre déjà fragile d’un monde bipolaire. Les BRICS pour l’Argentine, c’est fini et l’axe Washington/UE/Israel se voit renforcé et donc quid de nos intérêts ? Si nos politiques s’évertuent depuis des années à mettre la souveraineté au centre de leurs priorités, c’est bien que nous l’avons bel et bien perdue. Que peut la France sans Bruxelles aujourd’hui ? Que peut Bruxelles sans l’OTAN et que peut l’OTAN sans les Etats-Unis ? Cela renforce donc la position américaine dans le monde participe au maintien de notre servitude. Et par conséquent à notre incapacité à reprendre notre destin en main. Si l’on part du principe que c’est une bonne chose, alors tout va bien. Néanmoins si l’on est attaché à la maitrise des flux migratoires, de l’indépendance de la Justice et de l’ensemble de nos politiques sociales, sociétales et économiques cela ne peut-être une bonne nouvelle car notre souveraineté en sortira un peu plus affaibli. Le nouveau Président argentin annonce qu’il visitera en premier lieu les Etats-Unis puis Israel. Son attachement pour ce dernier est sans appel : «Je ne vais pas à l’église, je vais à la synagogue. Je ne suis pas un prêtre, je suis un rabbin. J’apprends la Torah. Je suis connu internationalement comme un ami d’Israël. En plus de m’aligner sur les États-Unis et Israël, je souhaite déplacer notre ambassade à Jérusalem. Si je gagne, mon premier voyage sera en Israël. » Le soutien inconditionnel à Israel peut avoir des conséquences évidentes pour notre pays ( ce que je développe dans cet article : https://www.breizh-info.com/2023/11/12/226666/les-francais-se-desinteressent-ils-du-conflit-au-proche-orient-lagora/#comments) Et puis, il y a le Milei, homme de Davos et du World Economic Forum dont les projets non dissimulés pour un gouvernement mondial peuvent éveiller chez certains une certaine forme de dégout.

Javier Milei est le nouveau Président de la République d’Argentine. Son pays risque de recevoir une thérapie de choc et seul le temps nous dira si l’opération est réussie ou si le patient mourra sur la table d’opération. Il n’est pas question ici de juger le choix d’un peuple souverain mais de savoir si cette élection à l’autre bout du monde aura des répercussions chez nous. Mais devrions-nous nous poser seulement cette question si la France était Grande, Souveraine et Indépendante ? Dans tous les cas le Président argentin promet de rebattre les cartes de la politique mondiale.

Pour conclure, et une fois n’est pas coutume, je veux ici donner mon sentiment. Son élection s’apparente plus à un « populisme Davosien » (en référence au forum économique de Davos) qu’à une rupture populaire que l’on est en droit d’attendre pour chaque peuple de la planète. Ce n’est pas le fruit du hasard et les agences de communication américaines ont dû travailler dur pour obtenir ce résultat. Il s’agit peut-être ici d’une reprise en main de Washington sur l’Amérique Latine, chasse gardée de l’Oncle Sam depuis la doctrine Monroe. A l’heure de la défiance pour la domination du dollar, cette élection lui était nécessaire. La bipolarité que vit notre monde nous réserve certainement d’autres surprises.

Pierre d’Herbais

Crédit photo : DR

[cc] Breizh-info.com, 2023, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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4 réponses à “Élections en Argentine : rupture populiste de droite ou reprise en main par Washington ?”

  1. Maury dit :

    Merci aux argentins pour leurs votes.
    Comme ça, il n’y a pas que le français qui soient des abrutis.

  2. Antoine dit :

    En France, vu les pourritures qui tirent les ficelles, qui se gavent de confiture et de homard, il faudrait un sacré coup de tronçonneuse pour qu’on puise dire “FUERA” !

  3. Paul Hemiste dit :

    Son programme est un concentré des recettes toxiques qui ont amené l’Argentine dans la situation catastrophique actuelle, en partant d’une situation économique florissante à la fin de la 2e guerre mondiale, pendant laquelle elle vendait des céréales, de la viande, de la laine au monde en guerre, sans états d’âme.

    S’en est suivi la démagogie de Peron et de son Evita, balançant les dollars par brassées depuis le balcon de la Casa Rosada (l’Elysée argentin), puis une réforme agraire qui a redistribué des terres à des paysans qui ne pouvaient les exploiter faute de capitaux (les surfaces nécessaires imposent une mécanisation intense et une grande technicité). Cette réforme a fini de vider les campagnes pour gonfler la méga-agglomération de Buenos-Aires, entourée de banlieues un peu déshéritées, comme toute capitale de pays sous-développé.

    Mais le pays avait connu un début de développement qui profita tout de même aux plus pauvres. Peron prit la fuite devant les sempiternelles révoltes militaires, vidant au passage les caisses au profit de l’immobilier de la Costa del Sol espagnole… Après cela, les chrétiens démocrates appliquèrent leurs recettes habituelles à base de sirop de corruption, de soumission aux transnationales de l’agroalimentaire qui finançaient les exploitations contre une exclusivité d’achat à un prix “indépendant” des marchés internationaux. Les militaires étaient à l’affût, ils finirent par jouer à la guerre, allant jusqu’à bombarder le centre de Buenos-Aires par la Marine, opposée à l’Aviation, alors que certains artilleurs détruisaient un pont stratégique dans la Cordillère pour bloquer un régiment blindé adverse… etc… Bref, les aventures du Général Tapioca…
    Puis une dizaine d’années d’instabilité politique, avec le retour de Peron puis sa mort, avant l’épisode sinistre de la dictature militaire, où nombre de cerveaux émigrèrent, car l’intelligence était mal vue, un peu comme les porteurs de lunettes sous la Révolution Culturelle.
    Tout ce joli cirque finit très mal avec le suicide sur les Malouines, et le retour des civils, qui ne trouvèrent rien de mieux que d’accrocher le peso au dollar, ce qui fut favorable dans un premier temps.

    Mais en 2001 la chute de compétitivité des exportations, induite par l’impossibilité de dévaluer, provoqua la faillite de l’économie réelle, des banques et la mise en coupe réglée du pays par le FMI. Comment s’étonner alors des espoirs portés sur les peronistes, disqualifié ensuite par les accusations de corruption, et maintenant sur cet illusionniste à tronçonneuse, qui va, bien entendu, vendre un pays en dérive à la découpe ?
    Car supprimer le peso pour le dollar, c’est comme l’euro : cela favorise l’économie forte qui peut supporter une monnaie de référence, mais cela ruine les exportations des économies moins compétitives. C’est aussi renoncer à une politique indépendante, de toute évidence, surtout si on vide l’État de toute sa substance, comme il l’a promis. L’Argentine sera un pion de plus dans la guerre économique mondiale, les Brics contre le Dieu Dollar, un pion destiné à être sacrifié, comme le Vietnam, l’Afghanistan, l’Iran, l’Irak, l’Ukraine. Sans oublier l’UE, avec l’eau (de la Baltique) dans son gaz et son industrie désintégrée, ce qui n’est pas un moindre bénéfice pour Washington de la guerre à l’Est.

    Avec sa tronçonneuse, agité, Milei m’évoque irrésistiblement deux films célèbres : le “Scarface” de Brian de Palma, et le “Massacre…”, aussi bien vomitifs.
    Âmes sensibles, d’abstenir. Ça va couper, Chérie !

  4. patphil dit :

    qui est ce monsieur 60%, si décrié par les médias, il doit être un bon bougre

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