Ralentisseurs illégaux : les élus exposés à des poursuites pénales en cas d’accident ?

Le Conseil d’État vient de rejeter un recours sur les ralentisseurs non conformes, tout en confirmant implicitement leur illégalité. Un tournant juridique majeur qui expose désormais les maires et élus à des responsabilités civiles et pénales lourdes.

Ce n’est pas une victoire juridique classique, mais une confirmation par le silence. Dans un arrêt récent, le Conseil d’État a rejeté un recours de l’association Pour Une Mobilité Sereine et Durable (PUMSD), soutenu par la Ligue de Défense des Conducteurs, visant à dénoncer l’inaction des autorités face aux ralentisseurs non conformes. Pourtant, sans même avoir besoin de trancher explicitement, la plus haute juridiction administrative a acté une réalité de plus en plus difficile à ignorer : une grande majorité des ralentisseurs en France sont illégaux… et les élus qui les ont installés ou laissés perdurer pourraient bientôt en répondre devant les tribunaux.

Des milliers de ralentisseurs installés hors-la-loi

Tout remonte à la publication en 2010 d’un guide par le CEREMA — le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement — qui a encouragé les collectivités à installer toutes sortes de dispositifs nommés « plateaux », « coussins berlinois » ou « ralentisseurs surélevés », en contournant les exigences précises du décret n°94-447 du 27 mai 1994. Ce dernier est pourtant la seule norme réglementaire valable pour encadrer l’implantation de tels dispositifs en France.

Le guide en question, non réglementaire et non normatif, a ouvert la voie à des pratiques généralisées d’implantation sauvage. Résultat : des dizaines de milliers de ralentisseurs potentiellement illégaux sur les routes françaises, accusés non seulement d’abîmer les véhicules et de générer des nuisances, mais aussi d’augmenter la pollution locale et, paradoxalement, de créer des situations accidentogènes.

Une jurisprudence désormais opposable

Si le Conseil d’État n’a pas statué frontalement sur la conformité des ralentisseurs, il n’a pas non plus infirmé la décision de la Cour administrative d’appel de Marseille, qui avait jugé le 30 avril 2024 que ces aménagements ne respectaient pas la réglementation. Cette jurisprudence fait désormais autorité, avec un effet rétroactif de 30 ans.

Thierry Modolo-Dominati, porte-parole de PUMSD, s’en réjouit : « La jurisprudence est donc désormais opposable. Il s’agit d’un signal fort adressé à tous les élus, qui pourraient se retrouver poursuivis en cas d’accidents liés à ces aménagements. » Le Tribunal administratif de Toulon a d’ailleurs déjà condamné le Conseil départemental du Var le 11 juillet 2024, suivi par le tribunal administratif de Grenoble contre la commune d’Allinges, en Savoie, en août dernier.

Ce jugement ouvre donc une brèche majeure : en cas d’accident sur un ralentisseur non conforme, un maire ou président d’exécutif local pourrait désormais être poursuivi pour mise en danger délibérée de la vie d’autrui, avec circonstances aggravantes s’il s’agit d’une personne dépositaire de l’autorité publique.

Mais la responsabilité ne s’arrête pas aux élus. Les entreprises de travaux publics qui ont installé ces ralentisseurs, en violation des règles connues de la profession, pourraient elles aussi se voir reprocher une faute grave, notamment en cas de manquement au devoir de conseil ou d’exécution d’un ouvrage manifestement illégal.

Le coût de remise en conformité, estimé entre 5 et 7 milliards d’euros à l’échelle nationale, pourrait donc ne pas reposer exclusivement sur les contribuables. Les collectivités ont dix ans à compter de la fin des travaux pour engager la responsabilité des entreprises fautives.

Un rappel à l’ordre salutaire pour les usagers de la route

« Ce combat contre les ralentisseurs illégaux, nos deux associations le mènent depuis des années », rappelle Nathalie Troussard, secrétaire générale de la Ligue de Défense des Conducteurs. « Avec cette décision, c’est la fin d’un système d’arbitraire et de bricolage réglementaire, dans lequel les maires, souvent mal conseillés, croyaient agir pour la sécurité alors qu’ils s’exposaient à de graves risques juridiques. »

Le message est clair : la sécurité routière ne peut pas justifier l’illégalité. En s’affranchissant des règles strictes définies par la loi, les responsables publics risquent désormais bien plus qu’un simple rappel à l’ordre. Ils risquent la justice.

Crédit photo : wikipedia (photo d’illustration)
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5 réponses à “Ralentisseurs illégaux : les élus exposés à des poursuites pénales en cas d’accident ?”

  1. Marche à terre dit :

    Très bien ! Et pour être tout à fait complet il est également possible de signaler ces ralentisseurs non conformes à https://www.activroute.org/

  2. Ronan dit :

    Demat an holl. Un autre synonyme de ces ralentisseurs est « chapeau de gendarme » en tout cas ce sont les noms que je donne à ceux qui font le plus de mal à ma voiture bien que je respecte la limitation de vitesse à 20 ou trente à l’heure( rien non plus contre les gendarmes bien sûr ); du coup la voiture ne passait pas le contrôle technique à cause d’un problème au châssis et je soupçonne ces ralentisseurs qui m’obligent à ralentir puis accélérer car derrière certains automobilistes s’énervent de voir cette vitesse lente. Oui mais sans cela, je casse quel que chose sous la caisse et je ne suis pas une voiture radar( auto collants disponible sur le site de la ligue des conducteurs ( devinez ce que m’a coûté le dit contrôle : 844 euros !) je vous laisse méditer avec une chanson des Who « I’m free » tiré du film « Tommy » disponible sur YouTube mais avec la publicité ; kenavo

  3. Et Alors ! dit :

    Le conseil d’état renvoi la responsabilité sur le dos des élus ! C’est bien l’état qui a ordonné et payé les entreprises pour réaliser ces ouvrages illégaux pour la plupart !!!

  4. Brun dit :

    Ces nuisances sont une spécificité de notre pays – une de plus – et que le holà puisse être mis à leur démentielle utilisation est une bonne nouvelle. Dans certains villages autour de chez moi, ou peut en compter une dizaine pour les traverser !

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