Sarah Knafo, l’invisible éclat d’une droite qui cogne

Il est des figures qui, pour briller, n’attendent ni les plateaux à grand renfort de projecteurs, ni les sondages calibrés par les antichambres d’une opinion sous influence. Il en est aussi qui, au lieu de s’incliner devant le théâtre obligé de la politique moderne, parlent droit, sans biaiser, à rebours du langage-miroir dans lequel les journalistes aiment à enfermer leurs invités. Sarah Knafo, députée européenne du parti Reconquête, appartient à cette race rare. Invitée sur France Inter dans l’émission Questions politiques, elle a offert, sans forfanterie, une prestation dont l’acuité, la rigueur et parfois l’audace tranchent singulièrement avec l’insignifiance soyeuse des entretiens convenus.

L’occasion en était offerte : la presse dite de service public se voulait inquisitrice, presque accusatoire, sous des dehors courtois. Mais à mesure que se déroulait l’émission, ce n’est pas tant l’invitée que l’on découvrait, que l’appareil médiatique lui-même, nu dans ses réflexes et son impensé idéologique. En questionnant Sarah Knafo sur ses prises de position, ses fréquentations, ses appartenances européennes, les journalistes semblaient moins chercher à comprendre qu’à disqualifier — à l’ancienne, par insinuation, comparaison et réduction. À défaut d’arguments, on voudrait que la répétition d’un mot — « extrême droite » — suffise à clore toute analyse. Mais l’invitée, rompue aux joutes oratoires, manie le syllogisme comme d’autres le fouet. Elle ne se laisse pas réduire au silence.

Ce fut particulièrement éclatant lorsque, interrogée sur les manifestations ayant suivi la mort tragique d’un jeune Malien, Aboubakar Sissé, tué dans une mosquée, Sarah Knafo osa établir une comparaison crue, mais juste. Elle rappela la manière dont les médias publics — France Inter en tête — avaient traité l’affaire Lola, cette fillette de douze ans, française, assassinée à Paris. Quand Reconquête voulut organiser une marche silencieuse en sa mémoire, les mêmes voix qui aujourd’hui célèbrent la mobilisation autour de Sissé parlaient alors de « récupération ». Cette dissonance, Knafo la nomme sans détour. Elle ne nie ni le drame, ni la compassion, mais exige, et c’est tout le sens de son propos, la même décence pour toutes les douleurs. Ce n’est pas Lola contre Aboubakar. C’est la France contre la partialité d’un régime discursif qui, par peur ou par paresse, ne voit que ce qu’il attend.

Il faut ici souligner, sans effet de manche, le talent dialectique de l’intéressée. À chaque tentative d’enfermement dans une case rhétorique — « êtes-vous d’extrême droite ? », « ne trouvez-vous pas ce geste nazi choquant ? », « pourquoi siéger avec l’AfD ? » — Sarah Knafo oppose une réponse précise, parfois impitoyable, toujours structurée. Elle conteste la désignation, mais surtout, elle déplace le terrain: ce ne sont pas ses opinions qui posent problème, c’est leur disqualification systématique. Elle ne se retranche pas dans la posture victimaire. Elle affirme, elle expose, elle défie.

Ce qui surprend, dans cet échange, ce n’est pas la pugnacité de Sarah Knafo, qui n’est plus à prouver. C’est l’aveu involontaire du plateau : que l’on peut passer une heure à interroger une élue, sans jamais vraiment entendre ce qu’elle dit. Et pourtant, cette voix singulière — jeune, mais formée ; ferme, mais posée — dit quelque chose de ce que pense une partie non négligeable des Français. Elle dit aussi ce que d’autres, par précaution, ne disent plus.

Au Parlement européen, elle siège dans un groupe réduit, Europe des Nations souveraines, tandis que les élus du Rassemblement national occupent les bancs d’un groupe aux effectifs largement supérieurs. Et pourtant, à observer le vide doctrinal du RN dans l’hémicycle de Strasbourg, sa capacité à ne rien peser, à ne rien imposer, on se prend à penser que cette députée solitaire fait plus d’effet que toute la troupe. Elle propose, elle travaille, elle combat : sur les ZFE, l’aide publique au développement, ou la défense des frontières, elle agit avec une ardeur artisanale. Cela ne suffit pas à faire la une, mais cela change le réel, ce dont les formations pléthoriques sont aujourd’hui bien incapables.

On notera d’ailleurs que son absence des grands sondages de popularité n’est pas un oubli. C’est une décision. On évince ce qui dérange. Et dans une époque où le fait d’être une femme politique, défendant les thèses souverainistes et identitaires, rend inclassable, on préfère ignorer. Elle ne rentre pas dans les cases, et cela suffit à la rendre invisible aux yeux du système. Mais cette invisibilité est une ruse : elle agit dans l’angle mort de la République médiatique, et de là, fait émerger un discours que le peuple reconnaît.

Dans le désordre oratoire de la droite contemporaine, pleine d’élus sans verbe et de tribuns sans ancrage, Sarah Knafo est la conséquence heureuse du départ de Marion Maréchal: sans ce mouvement d’échiquier, peut-être n’aurait-elle pas accédé à cette pleine visibilité. Il arrive parfois que la lumière naisse d’une vacance. L’histoire politique n’est pas toujours affaire de nombre, mais d’énergie. Et celle-ci, indubitablement, irradie plus qu’on ne veut bien l’admettre.

Balbino Katz — chroniqueur des vents et des marées —

Crédit photo : DR
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11 réponses à “Sarah Knafo, l’invisible éclat d’une droite qui cogne”

  1. Pascalou dit :

    Sarah est une future Grande.

  2. Durandal dit :

    Bonjour,

    J’ai l’impression que d’autres considérations que celles proprement politiques ont présidé à sa médiatisation. Je dis ça, je dis rien. En tout cas, elle doit avoir du talent pour convaincre ses amants.

    Cdt.

    M.D

  3. Philippe Payen dit :

    Merci

  4. Cheval Frédéric dit :

    Si un jour béni les planètes s’alignent pour la France, nous aurons besoin de personne comme Sarah.

  5. Hadrien Lemur dit :

    Sarah Knafo est un ovni dans le contexte politique actuel qui est soit plein (trop) de compromissions, RN et compagnie, soit d’outrance mensongères, LFI et consort ou d’immobilisme comme l’extrême centre. Son invisibilisation volontaire vient du fait qu’elle a choisi une tactique simple : Dire la vérité. De plus, de son passage en tant que magistrat à la cour des comptes, elle peut développer des arguments factuels qui dérangent. L’ARCOM ne s’y est pas trompé en tuant C8 et la tribune que lui offrait Cyril Hanouna.

  6. Bran ruz dit :

    Brillante, cultivée, maniant le verbe avec talent . Elle dérange lorsqu’elle expose avec force les faits qui mettent à mal la nomenclatura en place . Qu’elle insiste, beaucoup de gens sont à l’écoute.

  7. Hadrien Lemur dit :

    Pour illustrer mon commentaire sur Mme. Knafo, voici le lien vers son dernier discours à la commission européenne :
    https://x.com/knafo_sarah/status/1919763754096410777?s=52

  8. JLP dit :

    B.I. se déshonore en laissant passer cette dégueulasserie de Dur en dalle

  9. Felgeyrolles dit :

     » ce que l’on conçoit s’énonce clairement , et les mots etc… »
    Sa pensée est claire, ses références difficiles à attaquer. Le tout au service de la France et pas d’une mafia politicienne

  10. Durandal dit :

    Bonjour,

    Sous la pression des avis négatifs, je rectifie mon commentaire. Après avoir subi 20 minutes de cette émission, c’est insupportable. Les hommes ne savent même plus ce que c’est que la politique. D’ailleurs, il n’y a que des femmes pour parler entre elles, de manière sentimentale, et jamais de politique. « gangnagna est-ce que nous sommes encore copains avec D Trump, gnagnagna il faut célébrer les victimes… » Nul de bout en bout.

    Cdt.

    M.D

  11. Raymond Neveu dit :

    Oui out à fait le vide abyssal des intello clochards du RN, un parti à l’image des déchets de populace qui votent pour eux! La jument de labour sans élégance, le crétinus du MacDo ah nous sommes sauvés avec ces parangons de nullité! Les spécialistes des courbettes, des mains jointes, de la main sur le coeur…allez vous cacher imbéciles de la démocrassouille débile.

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