Le miracle tranquille de TVLibertés

Par une chaude soirée de juin, dans les entrailles de l’Arche de la Défense, vaste nef de béton perdue aux lisières de la ville-monde, j’ai assisté à un anniversaire que l’on ne saurait confondre avec les festivités clinquantes du monde médiatique ordinaire. Non point une mondanité de plus, mais la célébration fervente, grave et joyeuse tout ensemble, d’une œuvre née contre le temps et contre l’esprit du temps : les douze ans de TVLibertés.

Ce fut une réunion d’âmes, non d’apparats. La solennité y côtoyait l’amitié vraie. On reconnaissait, çà et là, les figures familières de la chaîne, présentateurs, producteurs, reporters, et surtout, les véritables piliers de l’édifice : des centaines de donateurs venus non pour paraître, mais pour témoigner de leur attachement à une aventure dont ils sont les artisans invisibles. C’est pour eux qu’existe TVL, et c’est par eux qu’elle subsiste. À travers leurs regards, on saisissait le sérieux d’un engagement, non de circonstance, mais de destin.

Philippe Milliau président de TVLibertés

Pour ma part, je me trouvais à l’autre bout du monde, en Argentine, lors de la première émission de la chaîne, le 30 janvier 2014. L’été austral pesait sur Buenos Aires. Un ami me communiqua la nouvelle et je me connectai aussitôt pour voir apparaître, en un frémissement d’écran encore balbutiant, les visages d’Élise Blaise et d’Olivier Frèrejacques, ouvrant le tout premier journal. L’instant m’apparut inouï. Une télévision libre, née sans publicité, sans argent d’État, sans adossement industriel, simplement portée par la volonté de quelques hommes et l’obole de milliers de Français.

Martial Bild directeur des programmes de TVLibertés

Ce fut, n’en doutons pas, un miracle, non de ceux qui foudroient, mais de ceux qui persistent. Car douze ans plus tard, cette maison de verre et d’acier intellectuel tient bon, et mieux encore, elle s’élève. Huit millions et demi de vues mensuelles, un million et demi d’abonnés sur les réseaux, une trentaine d’émissions originales, plus d’une centaine de programmes produits par mois dont un journal quotidien, une rédaction aguerrie. TVLibertés est aujourd’hui le pôle le plus solide de ce que l’on nomme, faute de mieux, la réinformation.

Élise Blaise, directeur de la rédacteur et future patronne de la chaîne

Et c’est justement cela qui inquiète les puissants. Car le Système ne combat pas toujours à découvert. Il use d’armes feutrées, de procédés visqueux. Depuis douze ans, pas une seule fake news diffusée sur ses antennes, pas un procès, pas une condamnation. Mais aussi : pas un article, pas une enquête, pas un mot, dans la presse stipendiée. C’est le silence comme étouffoir. Les Allemands ont un mot pour cela : Tod durch Schweigen, la mort par le silence. On fait disparaître en refusant de nommer. Le procédé est lâche, efficace… mais seulement un temps !

Cette stratégie du néant a pris, cette année, un tour plus brutal encore : l’excommunication bancaire. En mars, la banque de TVL, après douze ans de services, a fermé les comptes de la chaîne sans justification, sans grief, sans voie de recours. A la clef le risque de ne plus pouvoir payer les salaires, plus de paiements aux fournisseurs, plus d’encaissement de dons. L’intention ne fait guère de doute. Deux mois de combat acharné furent nécessaires pour rouvrir un compte ailleurs. Deux mois d’asphyxie froide.

Il ne faut pas se tromper : ce que Spengler appelait la « tyrannie de l’argent » (die Herrschaft des Geldes), agit ici comme substitut à la censure politique. On ne fait plus interdire les journaux, on étouffe les moyens de les imprimer. On n’enferme plus les pamphlétaires, on coupe les flux bancaires. C’est l’ère des mains propres et de l’esprit sale.

On s’étonne, ou l’on feint de s’étonner, du silence des intellectuels devant cette mise au ban. Où sont les rédacteurs de pétitions, les théoriciens du pluralisme, les idolâtres de la « liberté de la presse » ? Tous muets. À cette énigme, Carl Schmitt aurait répondu en une phrase : « est souverain celui qui décide de l’exception ». Et dans notre époque, ce sont les banquiers, les algorithmes, les petits juges sans visage qui décident de qui a droit de cité.

Et pourtant, car il y a toujours un pourtant dans les tragédies européennes, TVLibertés continue. La passation entre Martial Bild et Élise Blaise, tenue en pleine lumière, fut digne des meilleures successions de la Rome républicaine. Les équipes sont toujours à pied d’œuvre. Le public reste fidèle. Les dons reviennent. Aucun actionnaire, aucun oligarque, aucun ordre. Rien que la volonté d’un peuple. Cela seul suffit à faire trembler les forteresses du mensonge.

C’est cela, précisément, que TVLibertés incarne : une exception qui résiste. Une voix qui ne demande pas l’autorisation de parler. Une idée de la France qui ne passe ni par les antennes d’État ni par les rotatives des milliardaires. Une France qui dit non, non au renoncement, non à l’abdication, non à la servitude molle.

Il y a dans cette aventure médiatique une part d’héroïsme archaïque. Une fidélité à l’idée qu’il vaut mieux dire vrai dans la solitude que plaire dans l’oubli. Moeller van den Bruck parlait d’une « Allemagne secrète » ; peut-être existe-t-il aussi une France secrète, qui vit encore à travers TVL.

Longue vie à elle. Et qu’elle tienne bon — face à l’oubli, face au mépris, face au silence.

Balbino Katz — chroniqueur des vents et des marées —

Un large public de donateurs assistait à la cérémonie de passation des pouvoir entre Martial Bild et Élise Blaise.

Photo d’illustration : DR
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17 réponses à “Le miracle tranquille de TVLibertés”

  1. louis dit :

    petit bémol : l’age des téléspectateurs !pas tout jeune !

  2. Claude Molinier dit :

    Longue vie à TVLibertés, la réinformation contre la désinformation. Que les médias aux ordres et ceux qui veulent museler la parole et tuer en silence aillent se faire F*****.

  3. balaninu dit :

    Les personnes d’un certain âge réfléchiraient-ils plus ?

  4. Ronan dit :

    TVL que je soutiens financièrement aussi ne dis toujours pas le nom de la banque qui leur a coupé leur compte bancaire ; ce que je déplore mais comprends ; si je le savais, je la boycotterai. Voici le lien pour vous inviter à signer la pétition et soutenir la chaîne : https://petition-libertes.com/?ct=t%28EMAIL_CAMPAIGN_6_4_2021_17_38_COPY_01%29. Une chanson pour se divertir de tout cela avant la coupure éventuelle de l’ARCOM : « Zéro de conduite » Véronique SANSON : https://www.youtube.com/watch?v=lg87ptWpySs

  5. Eudes Lenormand dit :

    Personnellement, je dois dire que je n’ai pas compris que le nom de la banque ne soit pas cité. Le ‘name and shame’ est parfois très efficace. Que craint on exactement ?

  6. Pierre dit :

    Merci pour cet article excellent sur un sujet poignant!

  7. Barbara dit :

    l’âge des téléspectateurs ou des donateurs présents ?

  8. Hadrien Lemur dit :

    « Élise Blaise, directeur de la rédacteur et future patronne de la chaîne » On suppose qu’il s’agit de la directrice de la rédaction et future patronne de la chaine. Mais à par cette petite remarque, longue vie à TV Libertés.

  9. Balbino katz dit :

    Ceux qui connaissent Élise savent.

  10. Raymond Neveu dit :

    Excellente la réponse sibylline de don Balbino!…allez un petit café aux Embruns!

  11. Romain dit :

    … et ceux qui savent élisent.

  12. mouchet dit :

    Si on connait le nom de la banque et que celle-ci travaille plus ou moins en dollars pour certaines transactions peut être dénoncée auprès de la FED comme un organisme n’honorant pas les prérogatives du système bancaire américain puisque travaillant en dollars. Cette banque sur dénonciation surtout avec la politique actuelle peut se voir supprimer les opérations en dollars. C’est bon à savoir sauf si c’est une banque mutuelle ne travaillant pas en devises. Que TVL en prenne conscience mais fait le dos rond jusqu’à l’extinction de la dictature française si décriée pas le Vice Président JC. Vance. Je vais donc devenir donateur c’est certain. Mais il devrait y avoir une fusion de chaine des libertés juste avec celle qui diffuse ce reportage vérités

  13. kaélig dit :

    De nature naïve, longtemps, j’ai nié l’idée même de complotisme, de forces occultes discrètes autant qu’efficaces qui n’ont pas grand chose a envier au modèle soviétique, mais même dans la vie de tous les jours, je dois me rendre à l’évidence de coalitions d’intérèts aux marges de la légalité qui vont de l’arnaque systémique pratiquées par des entreprises aux connivences entre les acteurs de l’immobilier pratiquées au dépens des citoyens honnêtes. J’espère que tous les « puissants » qui abusent de leur position pour leur profit personnel rendront de comptes un jour…Peut-être dans l' »Au-Delà » ?!

  14. Marie Annick CARTIER dit :

    Pas tout jeunes ? Je dirais plutôt pas tous jeunes, mais il y en a beaucoup ! Pas tout à fait autant qu’au Pélé de Chartres, mais tout de même !
    Bravo à tous, continuez, vous faites un boulot extraordinaire.

    Une téléspectatrice pas toute jeune.

  15. Balbino dit :

    Plutôt au bar de l’Océan, en face de la criée du Guilvinec.

  16. jcm78 dit :

    on aimerait connaitre le nom de la banque et avec quel parti elle est en affaire et proche

    ce serait tres utile pour les prochaines elections

    mais vive tvl que je soutiens modestement

  17. Raymond Neveu dit :

    Quand j’étais gamin et jeune adulte c’est une belle bigouden qui gérait le bar pour les propriétaires les SUIGNOT…autre monde…plus cool où tout le monde ce connaissait ! Pas de drogue pas de coups de feu!

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