À Rennes, la culture occupe une place centrale dans la stratégie municipale. Budget en constante augmentation, subventions abondantes, soutien affirmé à la création et à l’accès à la culture : la capitale bretonne affiche depuis des années son ambition culturelle. Pourtant, derrière cette vitrine valorisante, le rapport 2025 de la Chambre régionale des comptes (CRC) sur la politique culturelle rennaise révèle de nombreuses failles de gouvernance, d’efficacité et de suivi.
Un budget très soutenu… mais mal piloté
Premier constat : la ville de Rennes consacre à la culture un effort budgétaire bien supérieur à celui de nombreuses autres collectivités comparables. Entre 2017 et 2022, ce sont plus de 260 millions d’euros qui ont été investis dans ce domaine, soit près de 20 % du budget global. Une générosité saluée, mais qui appelle une exigence de rigueur.
Or, selon la CRC, cette rigueur fait défaut. La municipalité peine à définir des objectifs clairs, mesurables, et à évaluer de manière précise l’impact de ses actions. Le pilotage stratégique repose trop souvent sur des logiques d’opportunité ou de reconduction automatique des aides, sans évaluation régulière de leur pertinence.
Des subventions massives, parfois peu transparentes
L’autre point sensible du rapport réside dans le système de subventions, véritable cœur de la politique culturelle rennaise. Plus de 70 % des crédits culturels sont affectés au soutien d’acteurs associatifs, d’équipements culturels ou d’événements.
La CRC pointe une grande hétérogénéité dans l’attribution des aides : absence de critères uniformes, procédures incomplètes, contrôles lacunaires. Certains opérateurs bénéficient de subventions très importantes depuis des années, sans réelle remise en question ni audit d’impact. Le financement public de certains grands festivals ou structures culturelles échappe ainsi à une logique de performance et de résultat.
Une politique d’accès à la culture peu évaluée
Si la ville met en avant une politique volontariste d’accès à la culture pour tous – notamment via la gratuité ou les projets dans les quartiers prioritaires – la CRC regrette l’absence d’indicateurs de suivi. Qui bénéficie réellement de ces dispositifs ? Les publics éloignés sont-ils mieux touchés ? Ces questions restent sans réponse faute d’outils d’évaluation crédibles.
L’objectif d’égalité d’accès, louable en soi, semble donc plus affiché que réellement mesuré. Une lacune qui pourrait à terme fragiliser la légitimité des dépenses engagées.
Les grands équipements sous tension
La gestion des équipements culturels emblématiques de la ville n’échappe pas non plus à la critique. L’Opéra, le Théâtre National de Bretagne, les Champs Libres ou les salles de concert fonctionnent avec des modèles économiques fortement dépendants de l’argent public. Or, la CRC relève des fragilités dans leur gouvernance, leurs prévisions budgétaires, ou encore leur articulation avec les autres politiques municipales.
Là encore, le rapport plaide pour une clarification des objectifs, un meilleur suivi des contrats de gestion, et une responsabilisation accrue des partenaires.
Sans remettre en cause l’importance de la culture pour la ville de Rennes, la Chambre régionale des comptes appelle à une profonde remise à plat des méthodes. Plus de pilotage, plus d’évaluation, plus de transparence : tels sont les mots d’ordre pour que l’ambition culturelle de Rennes ne se transforme pas en machine budgétivore peu lisible.
Un message qui résonne d’autant plus dans un contexte de sobriété financière imposée aux collectivités. Il ne s’agit pas de dépenser moins, mais de dépenser mieux.
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