En Irlande du Nord, le paysage politique semble s’effriter de toutes parts. Le dernier sondage réalisé par LucidTalk entre les 16 et 19 mai 2025, pour le Belfast Telegraph, révèle un recul significatif de Sinn Féin, désormais crédité de 26 % des intentions de vote à l’Assemblée, soit son plus bas niveau depuis trois ans. Ce recul de deux points depuis février intervient alors même que le parti reste la première force politique nord-irlandaise, devant le DUP (18 %), lui aussi en perte de vitesse, au profit notamment du TUV (Traditional Unionist Voice), qui poursuit sa progression.
Ce désenchantement politique touche la plupart des formations représentées à Stormont. Seul le Parti unioniste d’Ulster (UUP) parvient à grappiller un point, atteignant 12 %, tandis que les partis marginaux — tels que les Verts, Aontú ou les indépendants — tirent profit d’une désaffection croissante à l’égard des grands partis.
L’unité irlandaise, un enjeu secondaire pour l’instant
Malgré les espoirs affichés par Sinn Féin, les appels à un référendum sur la réunification de l’Irlande ne semblent pas mobiliser une majorité de la population. Seuls 22 % des nationalistes le classent parmi leurs priorités politiques. L’enjeu arrive loin derrière la santé publique (71 %), le coût de la vie (49 %), l’emploi (43 %) ou encore l’éducation (32 %), tous cités comme préoccupations majeures par les électeurs.
Fait notable, le maintien de l’Irlande du Nord dans le Royaume-Uni reste bien plus important aux yeux des électeurs unionistes (46 %) que l’unité irlandaise ne l’est pour les nationalistes (32 %).
Opinion publique et référendum : un critère de plus en plus accepté
Le débat s’est récemment intensifié autour de l’opportunité de déclencher un référendum constitutionnel basé sur les sondages. Plus de la moitié des Nord-Irlandais interrogés (52 %) estiment que la tenue d’un « border poll » devrait s’appuyer sur une série de sondages cohérents, montrant un soutien d’au moins 50 % à la réunification sur une période d’un ou deux ans. Ce soutien dépasse largement le cadre des partis nationalistes : 60 % des électeurs de cette mouvance y sont favorables, mais aussi 74 % des sympathisants de l’Alliance, des Verts et des petits partis, et même 34 % des électeurs unionistes.
Malgré cela, le gouvernement britannique, par la voix du secrétaire d’État à l’Irlande du Nord Hilary Benn, a rappelé que seul le critère inscrit dans l’accord du Vendredi saint prévaut : une appréciation politique du secrétaire d’État au moment jugé opportun.
Ce sondage met également en lumière un certain désenchantement des citoyens vis-à-vis de leurs institutions. Les dysfonctionnements répétés à Stormont, les blocages liés au Protocole de Windsor et l’incapacité chronique à améliorer les services publics alimentent la montée de l’abstention et la progression des partis radicaux.
Le TUV, formation unioniste, bénéficie de cette colère, tout comme certaines formations de gauche radicale ou écologistes qui capitalisent sur l’incapacité du système actuel à répondre aux attentes sociales et économiques.
Vers une fragmentation accrue du paysage nord-irlandais ?
La fragmentation croissante du paysage politique en Irlande du Nord risque de compliquer encore davantage la gouvernance d’une province déjà en proie à de profondes divisions historiques. Si Sinn Féin demeure en tête, sa baisse actuelle, conjuguée à la stagnation de ses partenaires nationalistes, pourrait affaiblir ses prétentions à imposer un calendrier pour l’unité irlandaise.
Quant aux unionistes, leur dispersion entre plusieurs partis — DUP, UUP, TUV — rend difficile toute ligne politique cohérente face à ces enjeux.
Dans ce contexte, l’idée d’un référendum d’unité, si elle reste un objectif stratégique pour Sinn Féin, semble devoir patienter encore longtemps avant de devenir une priorité pour la majorité des Nord-Irlandais. En attendant, c’est bien la crise sociale, la dégradation des services de santé et la pauvreté qui dictent les urgences quotidiennes.
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