MaPrimeRénov’ : l’État paie mal, les professionnels paient le prix fort

Alors que l’État multiplie les injonctions à rénover les logements, les retards de paiement de MaPrimeRénov’ menacent désormais la survie de centaines d’entreprises du bâtiment. Dans les Hauts-de-France comme ailleurs, artisans et professionnels s’alarment de délais devenus intenables. « Depuis 15 mois », certains attendent toujours leur versement, alertait le 30 mai auprès de France bleu Picardie Benoît Loison, président de la Fédération française du bâtiment dans la région. Ce dernier reconnaît que le dispositif est « vraiment vertueux dans le cadre de la rénovation énergétique », mais il n’en dénonce pas moins ses effets destructeurs à court terme. Dans un contexte de chute historique de l’activité, il rappelle : « on n’a jamais été aussi bas dans la construction de logements, il faut remonter à 1950 ».

L’agence publique chargée de gérer MaPrimeRénov’, l’Anah, affirme de son côté que le délai moyen après travaux est de « 35 jours » pour les rénovations d’ampleur. Mais cette estimation est largement contestée sur le terrain. Le Groupement des Ensembliers de la Rénovation Énergétique (GERE) évoque « une moyenne de 150 jours après validation du dossier et de 272 jours après les travaux ». Pour des entreprises qui, dans bien des cas, avancent l’intégralité du montant des aides publiques pour le compte de ménages modestes, ces retards peuvent représenter plusieurs millions d’euros immobilisés. Certaines licencient, d’autres mettent la clé sous la porte.

Un dispositif victime de son succès… et de son administration

L’Anah évoque plusieurs causes : un budget 2025 voté tardivement, un « grand nombre de dossiers déposés fin 2024 » rapportait le Dauphiné Libéré le 30 mai, ainsi qu’une intensification des contrôles contre la fraude. En Gironde, les délégations locales font face à « 800 dossiers en attente » selon BFMTV le 13 mai, avec des agents surchargés. Les procédures de vérification, parfois disproportionnées, finissent par créer des blocages absurdes : « un changement de RIB entre la première inscription et la demande de paiement, un deuxième nom sur le compte bancaire » peuvent entraîner un refus. D’autres délais s’expliquent par la validation du ménage à contacter après les travaux, souvent par téléphone masqué. « Les mails de relance dans les courriers indésirables » entraînent parfois le retrait pur et simple de la prime.

Les contrôles de chantier, confiés à Bureau Veritas, sont parfois difficilement honorés. Selon des témoignages, certains rendez-vous fixés ne sont même pas assurés. Dans ce climat de saturation, la plateforme Justice.cool affirme que « plus d’un milliard d’euros seraient en attente de versement ». L’agence, elle, conteste ces chiffres et assure que « sur les 2 658 dossiers portés en justice, 2 597 décisions lui ont été favorables ».

Travailleur installant l’isolation du toit sur un chantier de construction avec un équipement de sécurité

Quelques précautions pour éviter les pièges

Pour les particuliers, la première règle est de ne jamais signer de devis avant d’avoir reçu l’accord écrit de l’Anah. Ensuite, il est conseillé de contacter un conseiller France Rénov’ en amont pour être orienté. Un dossier incomplet, même sur un détail, peut entraîner des mois de retard. Il faut également penser à surveiller la boîte spam : « le mail de l’Anah indiquant que la demande d’aide est acceptée (ou pas) peut atterrir dans les spam ». Enfin, relancer l’Anah après la demande initiale, puis après la fin des travaux, reste un moyen parfois efficace de réduire l’attente.

En cas de litige, un recours administratif doit être adressé par lettre recommandée dans un délai de deux mois après la décision. L’Anah a ensuite deux mois pour répondre, à défaut de quoi le silence vaut refus. Le bénéficiaire dispose alors de deux mois pour saisir le tribunal administratif. Mais les chances de succès demeurent faibles à ce stade.

Crédit photo : capture YouTube (photo d’illustration)
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2 réponses à “MaPrimeRénov’ : l’État paie mal, les professionnels paient le prix fort”

  1. Ronan dit :

    Demat, mais pour quelles raisons valables l’Etat a supprimé la déduction fiscale pour travaux d’isolation et l’a remplacé par cette prime soit disant Renov ? C’était pourtant plus simple : 50 pour cent de réduction sur les revenus imposables et ceux qui ne payaient pas l’IRPP bénéficiaient d’un crédit d’impôts l’année suivante. Il conviendrait de revenir à des mesures efficaces et simplifiées quand une mesure votée ne fonctionne pas après vérification par les citoyens. Pour la pépite de chanson, celle des The Who «  Baba O riley » où le chanteur Roger Daltrey chante « pas besoin que je me bagarre pour prouver que j’ai raison » est à proposer. Au boulot les souverainistes ; Kenavo

  2. Francis dit :

    Nous devions toucher la prime mi-novembre 2024, nous l’attendons toujours. Heureusement pour l’artisan qui a monté la pompe à chaleur, nous ne lui avons pas demandé de la préfinancer.

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