Dans l’histoire du protestantisme français, les regards se tournent souvent vers Genève, les Pays-Bas ou l’Allemagne. Pourtant, au large des côtes bretonnes, une île a joué un rôle crucial, quoique largement méconnu : Jersey. Cette terre anglo-normande fut, pendant près de deux siècles, un refuge essentiel pour les huguenots fuyant les persécutions en France.
Une île stratégique et hospitalière
Située à moins de 25 kilomètres des côtes françaises, l’île de Jersey a longtemps servi de passerelle entre la France et l’Angleterre. Sous souveraineté britannique mais de culture hybride, l’île accueillit dès le XVIe siècle des réfugiés protestants français, d’abord lors des guerres de religion, puis massivement après la révocation de l’édit de Nantes en 1685.
Loin de n’être qu’un simple point de passage, Jersey offrait aux huguenots un environnement relativement sûr où pratiquer leur culte en français, établir des familles et parfois rebondir vers l’Angleterre ou les colonies. On y trouve la trace de pasteurs, d’enseignants, de commerçants et d’artisans qui ont contribué à la vie locale tout en préservant leur identité religieuse et culturelle.
Une influence religieuse et culturelle durable
Les communautés protestantes de Jersey se structurèrent autour de temples, d’écoles et de sociétés de secours mutuel. Des pasteurs formés dans les académies réformées du continent ou en Angleterre vinrent y exercer leur ministère. On y prêchait en français, parfois en breton, et les Églises réformées de Jersey entretenaient des relations étroites avec celles de Guernesey, de Londres, voire de La Rochelle ou de Sancerre.
Cette présence huguenote eut un double impact : d’une part, elle renforça la singularité confessionnelle de l’île dans un monde britannique encore largement anglican ; d’autre part, elle fit de Jersey une base de rayonnement protestant dans la Manche, notamment via l’édition de livres religieux et l’accueil de missions clandestines vers les côtes françaises.
Aujourd’hui, cette page d’histoire reste discrète dans les mémoires collectives, tant côté français que jersiais. Pourtant, des noms de famille, des traces archivistiques, des temples encore debout et des traditions locales témoignent de cette époque. Des protestants bretons ou normands, ayant fui les dragonnades ou les galères, ont laissé une empreinte dans le sol et les esprits de l’île.
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