Le Premier ministre britannique Keir Starmer a annoncé son intention d’imposer une carte d’identité numérique obligatoire, baptisée « BritCard », d’ici 2029. Présenté comme un outil de lutte contre l’immigration illégale, le projet suscite une levée de boucliers outre-Manche, où beaucoup y voient une dérive autoritaire et une menace pour les libertés fondamentales.
Une identité numérique pour tous les travailleurs
La « BritCard » serait délivrée à toute personne ayant le droit de travailler au Royaume-Uni, qu’il s’agisse de citoyens britanniques ou d’étrangers en situation régulière. Stockée sur smartphone, elle contiendrait les informations personnelles essentielles : photo, nom, nationalité, date de naissance et statut de résidence.
Starmer affirme que le dispositif rendra « impossible » le travail illégal et contribuera à sécuriser les frontières britanniques. « Vous ne pourrez pas travailler au Royaume-Uni sans identifiant numérique », a-t-il déclaré.
Pour les opposants, cet argument relève davantage de la communication que de l’efficacité. Les employeurs sont déjà légalement tenus de vérifier le droit au travail de leurs salariés, via les numéros de sécurité sociale. Par ailleurs, l’exemple des pays de l’Union européenne, où les cartes d’identité nationales existent depuis longtemps, prouve que ces dispositifs ne suffisent pas à endiguer l’immigration clandestine.
En Allemagne, chaque citoyen de plus de 16 ans doit disposer d’une carte d’identité ou d’un passeport. Pourtant, le pays reste confronté à une immigration illégale massive et à des réseaux de travail dissimulé.
Des risques majeurs pour les libertés
Au-delà de la question migratoire, c’est la perspective d’une société de surveillance généralisée qui inquiète. La centralisation des données personnelles de tous les citoyens représente une cible de choix pour les cybercriminels. Le souvenir du scandale informatique Horizon, qui a ruiné la vie de centaines de postiers britanniques à cause d’erreurs de logiciel, est encore vif.
Certains redoutent qu’une fois en place, la BritCard devienne un passeport intérieur, indispensable pour travailler, voyager, ouvrir un compte bancaire, manifester ou accéder à des services publics. Une simple erreur informatique pourrait alors priver un individu de moyens de subsistance.
Si Starmer peut compter sur une partie de son camp, les critiques se multiplient, y compris au sein du Labour. L’ancien dirigeant travailliste Jeremy Corbyn dénonce « une atteinte aux libertés civiles ». Les députés travaillistes Nadia Whittome et Clive Lewis s’y opposent également, parlant de « non-sens autoritaire » et de « projet dystopique ».
Les conservateurs, les libéraux-démocrates et le parti Reform UK s’y opposent aussi. Nigel Farage y voit « un outil de contrôle des populations ». Cette coalition de circonstances pourrait freiner le projet.
Pour beaucoup, ce projet s’inscrit dans la continuité d’autres mesures liberticides déjà prises par le gouvernement britannique, comme la surveillance en ligne des opinions jugées « anti-immigration » ou la mise en œuvre du Online Safety Act.
Loin d’apparaître comme une solution à la crise migratoire, la BritCard symbolise plutôt une volonté de contrôle accru des citoyens ordinaires, tandis que les frontières, elles, demeurent poreuses.
Illustration : DR
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