Et si le désordre actuel n’était pas un hasard ? C’est la thèse – abrasive, documentée et assumée – que défend Laurent Ozon dans Les Néoconservateurs, un ouvrage présenté comme la première synthèse en français retraçant, sur plus de 70 ans, l’ascension d’un courant idéologique capable d’orienter la politique de la superpuissance américaine… et, par ricochet, celle de l’Europe. Loin des éditos à l’indignation tiède, Ozon propose une chronique des décisions, des réseaux et des doctrines qui, selon lui, ont mis le monde « à feu et à sang ».
Un fil rouge : du New York intellectuel des années 1930 à l’Ukraine de 2014
Le livre n’avance pas une opinion « générale », il déroule une généalogie :
- un petit noyau d’intellectuels nés à gauche, passé au combat anticommuniste,
- la fracture américaine autour d’Israël après 1967,
- la prise d’influence sur le Parti républicain de Reagan à Trump,
- la fabrication des récits de guerre (Irak et « armes de destruction massive »),
- les guerres par procuration et les renversements de régime (Yougoslavie, Kosovo),
- le rôle de Victoria Nuland et du réseau Kagan lors du Maïdan en 2014,
- et, en horizon, la confrontation avec la Russie pour maintenir l’hégémonie américaine tout en affaiblissant l’Europe.
L’auteur ne cache pas l’angle : les néoconservateurs seraient, non pas une simple « famille de pensée », mais un projet impérial devenu architecture d’action. L’ouvrage revendique des noms, des dates, des citations – bref, une « mise à plat » destinée à relier des événements que les médias traitent, d’ordinaire, en séquences déconnectées.
LES NÉOCONSERVATEURS : UNE ÉLITE IMPÉRIALE | LAURENT OZON | GPTV https://t.co/srNH17eyuA
— Planetes360 (@Planetes360) October 6, 2025
Ce que vous trouverez dans le livre
Ozon a structuré son enquête en blocs thématiques lisibles, où l’on croise doctrines, réseaux et cas d’école :
- Le “laboratoire français” (p. 41) : comment, dès les années 1980, des relais idéologiques et médiatiques auraient œuvré à « fabriquer un bloc central », dissoudre la souveraineté nationale et verrouiller le débat stratégique à Paris.
- La “cabale Strauss” (p. 17) : plongée dans l’outillage philosophique (lecture « ésotérique » de Strauss) servant, selon l’auteur, à justifier le mensonge d’État comme technique de gouvernement.
- Le dossier tabou du lobby israélien (p. 47) : articulation entre sécurité d’Israël et agenda néocon, exposée sans circonvolutions.
- La “Matrice de 1940” (p. 22) : la rupture d’un intellectuel avec le communisme comme ADN d’une stratégie toujours à l’œuvre.
- L’État profond mis à nu (p. 34) : du “Team B” aux sabotages internes, comment des cellules parallèles auraient tordu l’appareil de renseignement américain.
- La “Révolution Obama” (p. 56) : Nobel de la paix… mais intensification des frappes de drones et continuité doctrinale.
- Le cas Trump (p. 62) : pourquoi le « système » aurait saboté une présidence jugée imprévisible pour l’agenda néocon.
- Le plan pour demain (p. 70) : adaptation à la multipolarité, confrontation durcie avec l’axe sino-russe, et risques accrus pour l’Europe.
Qu’on adhère ou non, le livre a une vertu : il relie. Pour Ozon, les chiffres parlent : plus de 2 millions de morts, 38 millions de déplacés, 8 000 milliards de dollars de dette publique américaine imputés aux expéditions et à leurs suites. Le tout, au service d’une stratégie de primauté devenue quasi-automatique dans les cercles de décision.
Pourquoi maintenant ?
Parce que, écrit Ozon, nos “lectures” sont sabotées : on commente la surface (éléments de langage, “gaffes”, “revirements”), on oublie les architectures (think tanks, fondations, passerelles médiatico-politiques) et les continuités (doctrine d’endiguement, élargissement OTAN, sanctions, guerres hybrides). Son message au lecteur est clair : dotez-vous d’une grille. Après cela, « les infos n’auront plus la même dimension ».
Deux formules sont annoncées pour le livre :
- Numérique + livre audio : 19 € (accès immédiat)
- Papier (tirage limité) + numérique + audio offerts : 24,99 € (frais de port offerts)
Le mérite du travail, au-delà de l’angle, c’est d’oser formuler la question interdite : qui structure la politique étrangère occidentale ? Quelle doctrine l’emporte quand le personnel politique change ? Pourquoi l’Europe paraît-elle capturée par des agendas qui ne sont pas les siens ? Chez Breizh-Info, nous n’avons pas pour habitude de donner des brevets de “vérité officielle”. Nous lisons, nous confrontons, nous critiquons. Mais nous lisons.
Les Néoconservateurs est de ces livres qui va forcer le débat : on peut contester la causalité, la sélection des sources, la place accordée à tel acteur plutôt qu’à tel autre – c’est même souhaitable. Encore faut-il accepter d’entrer dans l’arène des noms, des dates, des doctrines. Ozon y invite, dossier en main. Pour lecteurs curieux, sceptiques, opposants ou convaincus : voilà un texte qui ne vous laissera pas au milieu du gué. Et, au pire, vous offrira cette carte mentale que nos débats publics esquivent trop souvent : les engrenages, plus que les « gaffes ». Les architectures, plus que la mousse médiatique.
Illustration : DR
[cc] Article relu et corrigé (orthographe, syntaxe) par ChatGPT.
Breizh-info.com, 2025, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine..