À l’heure où les premiers frimas de l’automne convoquent nos traditionnelles spécialités   fromagères roboratives, tartiflettes et autres raclettes, il est de circonstance d’évoquer   la mémoire d’un cru très confidentiel de la Savoie, qui tend à se raréfier de plus en plus.

Si la Savoie se pose en véritable casse-tête pour la mémoire du connaisseur en vin, cela tient au fait qu’une véritable marqueterie de crus se tapissent dans l’ombre des sous-appellations régionales mieux connues du grand public, comme Apremont ou Abymes.

Véritable vignoble-gigogne qui se plaît à superposer pas moins de 19 crus, la Savoie semble avoir été échafaudée   par une bureaucratie viticole, désireuse de consacrer une AOP au moindre terroir qui la compose.

Du regard du consommateur, la question semble vite entendue, pour une grande majorité d’entre eux, les noms obscurs des crus de Savoie resteront à jamais dans l’anonymat. Reste que l’extrême diversité de ce vignoble montagnard nous renvoie à l’essence même de la vigne, en rappelant qu’avant de plonger son nez dans le verre pour en déceler les arômes, le vin reste au préalable, une affaire de géographie.

L’antre de l’altesse

L’appellation d’origine protégée « Roussette de Savoie » dédiée au cépage altesse, dispose d’un périmètre géographique très large qui correspond peu ou prou aux frontières régionales. Les choses se compliquent quelque peu lorsque la réglementation autorise à adjoindre le nom du cru…

Quatre communes peuvent apposer leur nom en complément de l’AOP : Frangy, Marestel, Monthoux et bien sûr Monterminod. Nous sommes au voisinage du lac du Bourget dont les eaux modèrent et régulent les accès des températures.

Les vignes de Monterminod occupent un seul coteau exposé plein sud. Elles profitent d’un substrat argilo-morainique issu d’une lente décomposition détritique de blocs glaciers, laissant place le long de leur longue descente, à un sol caillouteux, dur d’exploitation mais des plus favorable à la maturité du raisin. La forte réverbération de ce sol est en effet un gage à la luxuriance aromatique de ses vins. Le terroir est lilliputien, l’aire d’appellation recouvre un peu moins de 7 hectares que se partagent une poignée de domaines.

Château de Monterminod, 2021, famille Perrier

Dans ses vins, l’altesse délivre communément des notes de noisette et de fruits secs assez caractéristiques de sa personnalité aromatique. Pour autant, l’altesse du château éponyme de l’appellation diffère sensiblement de ce registre, pour offrir sur l’attaque un nez explosif marqué par de pénétrantes fragrances d’aubépine. En bouche, il prend l’aspect d’un vin de demi-corps, très expansif dans ses senteurs de fruits jaunes (abricot, pêche) qui confèrent un certain relief à une trame limpide voire quasi transparente.

Comme toujours avec les grands vins de terroirs, il n’y a pas de caractère démonstratif, le vin se livre par petites touches, tout en nuances et gagne en épaisseur et en longueur au fil de la dégustation.

Son accord avec les raclettes sonne comme une évidence, bien que sa partition aromatique très axée sur le fruit jaune peut contredire les saveurs fromagères. Mais sa veine minérale lui permet de caler son judicieux contraste fruité face aux notes lactiques. L’étonnante vaillance du 2021 confirme l’endurance d’une roussette née sur un terroir d’exception.

Sans nul doute qu’il trouvera davantage à s’exprimer sur l’empereur des poissons des lacs, à savoir l’omble-chevalier. À cet égard, les sommeliers de la grande restauration savoyarde se sont entichés à raison, des crus de la région et s’emploient à les mettre à l’honneur sur leurs cartes des vins. De fait, la bonne tenue de l’économie touristique aide à soutenir l’effort de reconquête et de maintien des petits crus savoyards Heureusement car en tout état de cause, ces vins demeurent très élitistes aux yeux du grand public, qui aura vite tranché sur le choix du vin de sa raclette entre un apremont ou un monterminod, dont l’écart de prix, va du simple au double.

Cette grande complexité des crus savoyards a longtemps interrogé les organismes officiels du vin comme l’INAO, sur leur véritable raison-d ’être, avec la peur d’ajouter de la confusion à la géographie savoyarde. Pourtant, la reconnaissance de ces crus renvoie aux fondements étymologiques du concept de terroir. Ce dernier participe d’une   localisation géographique précise, justifiée par des conditions géologiques, climatiques et culturelles en capacité d’offrir un vin distinctif.  En payant ainsi un vin à 22 euros, outre le plaisir de profiter d’un beau vin de terroir, le consommateur éclairé et curieux, s’autorise un luxe qui n’a pas de prix : une plongée dans l’extrême individualité du lieu.

 Raphno

Crédit photo : Florian Pépellin — Travail personnel/Wikimedia (cc)
[cc] Article relu et corrigé par ChatGPT. Breizh-info.com, 2025, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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