Défiscalisation des pensions alimentaires : une réforme adoptée mais particulièrement controversée

Adopté à l’Assemblée nationale en octobre 2025 dans le cadre du projet de loi de finances 2026, l’amendement présenté par le député socialiste Philippe Brun (Eure) introduit une défiscalisation partielle des pensions alimentaires versées pour les enfants mineurs.
Une mesure saluée par une partie de la gauche comme un progrès social, mais qui soulève encore de nombreuses interrogations sur son équilibre et ses effets concrets pour les parents séparés.

Une mesure censée corriger une « injustice fiscale »

Jusqu’à présent, le système français reposait sur une logique simple : le parent qui verse la pension alimentaire pouvait la déduire de ses revenus imposables, tandis que le parent bénéficiaire devait, lui, la déclarer comme un revenu.

Résultat : celui ou celle qui percevait la pension — le plus souvent la mère (dans 82 % des cas) — payait des impôts sur une somme déjà insuffisante pour couvrir les dépenses liées à l’enfant, évaluées à environ 750 euros par mois.

L’amendement Brun vise à corriger ce déséquilibre. Il prévoit désormais l’exonération d’impôt sur le revenu des pensions alimentaires perçues pour un enfant mineur, dans la limite de 4 000 euros par enfant et de 12 000 euros par foyer.

En contrepartie, le parent verseur ne peut plus déduire de ses revenus que la fraction excédant ce plafond, sauf s’il choisit d’intégrer l’enfant dans son quotient familial, une option introduite dans la version 2025 du texte.

Les défenseurs du texte parlent de justice sociale

Pour le député Philippe Brun, cette mesure met fin à une aberration :

« La pension alimentaire n’est pas un revenu, mais une contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant. Il est injuste de taxer une somme qui résulte d’une décision de justice. »

Les partisans de la réforme, notamment les groupes socialistes et écologistes, ont insisté sur la situation précaire des familles monoparentales : 40 % des enfants issus de ces foyers vivent sous le seuil de pauvreté, selon l’Insee.
La défiscalisation partielle, affirment-ils, permettra à plus d’un million et demi de ménages concernés d’économiser plusieurs centaines d’euros par an, un allègement bienvenu en période d’inflation.

Des critiques sur un dispositif jugé flou et déséquilibré

Mais cette mesure, adoptée de justesse, ne fait pas l’unanimité.

Les députés du centre et de la droite dénoncent un texte « mal calibré » et potentiellement inégalitaire. Le rapporteur général de la commission des finances, Charles de Courson, a estimé que la réforme profiterait surtout « aux foyers aisés », la plupart des familles monoparentales modestes n’étant pas imposables.

Le collectif Défendre les enfants, qui milite pour une réforme globale de la fiscalité familiale, partage cette inquiétude. Il demande la publication d’une étude d’impact complète, pour éviter qu’un parent — souvent le père, dans 9 cas sur 10 — ne se retrouve « doublement pénalisé » : privé de déduction fiscale et confronté à un avantage incertain lié au quotient familial.

Le collectif souligne aussi que le texte n’évalue pas les effets sur les prestations sociales (CAF, bourses, tarifs de cantine), puisque le montant de la pension serait désormais retiré du revenu fiscal de référence. Une mesure qui pourrait mécaniquement accroître le nombre de bénéficiaires d’aides, donc alourdir la dépense publique.

Une réforme au cœur d’un débat idéologique

Derrière les chiffres, le débat a pris une tournure éminemment politique et symbolique.

À gauche, la défiscalisation est présentée comme un acte de justice envers les “mamans solos”, en majorité mères de familles monoparentales. À droite, plusieurs députés dénoncent une instrumentalisation idéologique du sujet, rappelant que le véritable problème reste le non-paiement des pensions alimentaires, qui touche encore près d’un quart des familles.

Pour d’autres, comme le député centriste Jean-Paul Mattei, la réforme pose une question de cohérence :

« On ne peut pas défiscaliser la pension pour les parents séparés alors qu’un couple uni ne peut pas déduire les dépenses liées à ses enfants. »

Une mesure encore à clarifier

Techniquement, la réforme entre en vigueur pour les revenus 2024 déclarés au printemps 2025, sous réserve de validation par le Sénat.
Mais de nombreuses zones d’ombre demeurent :

  • comment seront traités les cas de garde alternée ?
  • quelle articulation entre défiscalisation et aides sociales ?
  • et surtout, quelle équité réelle entre le parent payeur et le parent bénéficiaire ?

Pour l’instant, le gouvernement n’a pas publié de simulations détaillées.
Le collectif Défendre les enfants appelle à un réexamen complet de la fiscalité familiale, estimant qu’« une réforme partielle risque de créer de nouvelles inégalités au lieu d’en corriger d’anciennes ».

Le débat est loin d’être clos : le groupe La France Insoumise a déjà annoncé qu’il déposerait une proposition de loi similaire dans sa « niche parlementaire » du 27 novembre, pour étendre la mesure et la rendre permanente. Les associations de défense des familles, quant à elles, réclament que le sujet soit enfin abordé de manière globale, en lien avec la proposition de loi n°819 sur la résidence alternée, toujours en attente d’examen.

La défiscalisation des pensions alimentaires, adoptée dans la douleur, se veut un geste en faveur des familles monoparentales. Mais sans étude d’impact et sans vision d’ensemble de la fiscalité familiale, elle risque de devenir une nouvelle usine à gaz.

Entre justice sociale affichée et complexité administrative, le débat n’est pas clos — il ne fait sans doute que commencer.

Illustration : DR
[cc] Article relu et corrigé (orthographe, syntaxe) par ChatGPT.

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