J’ai lu ce matin, en buvant mon café au Bar des Brisants, l’article qu’Adrien Jaulmes consacre à Nick Fuentes dans Le Figaro. Six colonnes de morale préemballée, parfumées à la peur du mal absolu. On y retrouve le lexique que récite la presse française lorsqu’elle parle de l’Amérique hors des rails : « provocateur », « antisémite », « complotiste », « néo-isolationniste ». Ces mots ne décrivent rien, ils condamnent. Jaulmes ne cherche pas à comprendre, il se contente de désigner les coupables, comme un clerc fatigué qui, du haut de sa chaire parisienne, prononce les anathèmes que son public attend.
Dans sa prose, tout est conforme : Trump, la « coalition Maga », Tucker Carlson, Fuentes, tout cela forme un chaos moral dont il faut se prémunir. On sent la gêne de celui qui voudrait bien encore croire à la vieille droite respectable, celle qui vote Reagan du bout des doigts, qui aime Israël par réflexe et méprise tout ce qui déborde de la ligne. Ce n’est plus de l’analyse, c’est une prophylaxie. L’Amérique doit rester ce musée du libéralisme tempéré où les journalistes français se promènent avec un guide Baedeker de 1989.
Nous, à l’inverse, avons tenté d’écouter ce que dit cette jeunesse. Pas de l’excuser, de l’écouter. Nous avons noté que Fuentes, enfant des écrans et des guerres culturelles, n’est pas un monstre sorti d’un marécage raciste, mais un produit d’une Amérique saturée de contradictions : entre messianisme chrétien et nihilisme numérique, entre patriotisme blessé et solitude postmoderne. Son langage, outrancier, est celui d’une génération qui n’a connu ni le service militaire ni l’université, mais Twitch et la guerre culturelle permanente.
Jaulmes, lui, réduit tout à des symboles commodes : la grenouille des Groypers, les « discours haineux », l’« antisémitisme à droite ». Il ne voit pas que le phénomène Fuentes prolonge, sous une forme américaine, des débats nés en Europe, notamment en France. Les traductions anglaises des textes de Guillaume Faye et d’Alain de Benoist circulent aujourd’hui dans ces milieux ; elles nourrissent une réflexion sur la décadence, l’identité, la souveraineté, que nos élites ont cessé de tenir. Ce n’est pas un hasard si la droite américaine redécouvre, sous des formes naïves ou brutales, ce que Éléments écrivait déjà il y a quarante ans.
Il ne s’agit pas de canoniser Fuentes : il est, comme tant d’autres, le symptôme d’une Amérique fatiguée d’elle-même, qui cherche encore, dans le vacarme des podcasts, une issue à son effondrement spirituel. Ce que Le Figaro appelle « antisémitisme » recouvre souvent, en réalité, une révolte confuse contre la domination morale et médiatique de la côte Est, ce cléricalisme séculier que Tocqueville aurait reconnu. Confondre cette colère avec la haine, c’est refuser de la comprendre.
Entre la chronique compassée du boulevard Haussmann et la voix, rugueuse mais sincère, des provinces numériques américaines, j’ai choisi. Je préfère l’excès au mensonge, l’inquiétude à la componction. Le journaliste qui ne cherche plus à comprendre devient un huissier de la pensée. Le Figaro l’est devenu. Breizh-Infos, lui, reste encore un lieu où l’on écoute avant de juger.
Lire Balbino Katz plutôt qu’Adrien Jaulmes, c’est choisir la vérité au lieu du confort, le sel des vents plutôt que l’air conditionné des rédactions.
Balbino Katz
Chroniqueur des vents et des marées
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Illustration : DR
[cc] Article relu et corrigé (orthographe, syntaxe) par ChatGPT.
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