Le gouvernement travailliste britannique traverse sa plus grave crise interne depuis son retour au pouvoir. La ministre de l’Intérieur Shabana Mahmood a présenté un projet de réforme de l’asile décrit comme le plus radical depuis la Seconde Guerre mondiale : durcissement des expulsions, statut temporaire des réfugiés, et délais allongés avant la résidence permanente. Une partie du Labour dénonce une politique « performativement cruelle », quand Mahmood réplique que l’inaction laissera « des forces plus sombres » prendre la main.
Un virage sécuritaire qui fracture le Labour
À peine 70 jours après sa nomination, Shabana Mahmood a dévoilé un plan qui bouleverse la doctrine migratoire des travaillistes.
Objectif affiché : dissuader les traversées de la Manche et réduire les “pull factors” qui ont fait du Royaume-Uni la destination privilégiée des « asylum shoppers ».
La réforme repose sur trois piliers :
- Statut de réfugié désormais temporaire, réexaminé tous les 30 mois.
- Attente portée à 20 ans avant un droit au séjour permanent pour les arrivées illégales – soit quatre fois plus qu’actuellement.
- Expulsions renforcées, avec la possibilité de reconduire des familles refusant les incitations financières à quitter le territoire.
Mahmood revendique une approche inspirée de la méthode danoise, qui a fait du caractère temporaire du statut un outil central de dissuasion.
Une fronde interne : « performativement cruel », « divisif », « économiquement absurde »
Mais la riposte du Labour ne s’est pas fait attendre. Plus d’une vingtaine de députés ont exprimé leur indignation, parfois ouvertement.
Tony Vaughan, député modéré, estime que la rhétorique gouvernementale « encourage une culture de division et d’abus ».
Stella Creasy dénonce un système plongeant les victimes de torture dans un “limbo perpétuel”.
D’autres députés parlent d’un projet « très Reform UK dans sa nature ». John McDonnell, figure de l’aile gauche, souligne que la critique vient cette fois « d’un élu qui n’est pas un suspect habituel », ce qui signale selon lui un profond malaise dans le parti.
Un député travailliste anonyme résume la crainte dominante : « On ne peut pas surenchérir face à Reform UK. Ils n’ont aucun scrupule ; ils iront toujours plus loin. »
Le patron du syndicat TUC, Paul Nowak, accuse même le gouvernement de « vouloir imiter Farage », prévenant que « copier la droite populiste est une pente glissante ».
Sous le feu des critiques, Mahmood a livré à la Chambre des communes un témoignage personnel inhabituellement abrupt.
Répondant à un député libéral-démocrate l’accusant de manquer de compassion, elle rétorque : « Contrairement à vous, je suis celle à qui l’on dit d’aller ‘f—ing P— back home’. (retourner dans son pays) Je sais à quel point l’immigration divise ce pays. »
Invitée à retirer le terme jugé inacceptable, elle s’est excusée tout en maintenant qu’elle « ne faisait que répéter les mots qui [lui] étaient adressés ». La Home Secretary compare la situation actuelle à celle décrite autrefois par Priti Patel, qui avait également témoigné des insultes raciales subies dans sa jeunesse.
Le gouvernement justifie un électrochoc : « Le système est brisé »
Pour Downing Street, la ligne Mahmood vise à répondre à trois réalités politiques :
- 111 000 demandes d’asile enregistrées, un record.
- 32 000 réfugiés logés à l’hôtel, pour 5,5 millions de livres par jour.
- Une opinion publique lassée des « small boats ».
« Nous parlons le langage d’un système en chaos », martèle un porte-parole du Premier ministre.;Mahmood elle-même avertit : « Si nous ne résolvons pas la crise aux frontières, nous perdrons le consentement du public pour accorder refuge à quiconque. »
Pour elle, l’enjeu dépasse même l’avenir du Labour : « C’est notre dernière chance pour une politique mainstream. Si nous échouons, quelque chose de plus sombre suivra. »
Le parti de Nigel Farage, aujourd’hui en tête dans certains sondages, savoure le virage travailliste.
Richard Tice déclare que Mahmood « commence à parler comme si elle postulait pour rejoindre Reform ».
S’il juge les intentions « louables », il affirme ne pas croire que le gouvernement « aura le courage d’aller jusqu’au bout ».
Le Premier ministre Starmer doit désormais gérer une double pression :
- La droite, qui l’accuse de ne pas aller assez loin.
- Sa gauche parlementaire, qui dénonce une trahison des valeurs du Labour.
Le gouvernement a déjà abandonné une hausse de l’impôt sur le revenu dans son budget, nourrissant l’impression d’un exécutif en pilotage instable.
Kemi Badenoch (Conservateurs) en profite pour proposer son soutien : « Si le Labour veut avancer dans la bonne direction, nous l’aiderons. »
Ce qui fait peser une menace supplémentaire sur la cohésion du parti travailliste.
La réforme Mahmood est présentée comme la plus importante depuis 1945. Son adoption fera probablement date, mais elle révèle aussi un paysage politique britannique profondément instable :
- un Labour fracturé,
- une droite populiste en ascension,
- un pays saturé par les tensions migratoires et identitaires.
Et, en toile de fond, une phrase répété par la Home Secretary à ses propres troupes : « Si vous n’aimez pas ce que je fais, vous n’aimerez pas ce qui suivra après moi. »
Un avertissement adressé autant à son parti qu’au Royaume-Uni. Si seulement le Royaume-Uni avait écouté Enoch Powell des décennies plus tôt…
Illustration : DR
[cc] Article relu et corrigé (orthographe, syntaxe) par ChatGPT.
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