La décision européenne de mettre un terme aux importations de gaz russe continue de provoquer des remous. À Bratislava, le gouvernement de Robert Fico estime que Bruxelles a franchi une ligne rouge et envisage désormais une action en justice contre la Commission européenne. Selon le Premier ministre, l’UE ne respecterait pas les engagements pris en échange de la levée du veto slovaque cet été. Le dossier pourrait devenir un nouveau front dans la confrontation entre certains États membres et les institutions européennes, déjà mises au défi par la Hongrie sur la même question.
Fico dénonce une décision « nuisible » pour l’économie slovaque
À l’issue du conseil des ministres, Robert Fico a demandé à trois ministères — Économie, Affaires étrangères et Justice — d’examiner la possibilité d’un recours juridique contre le plan européen visant à arrêter les flux de gaz russe d’ici le 1er janvier 2028.
Le Premier ministre juge la mesure « extrêmement préjudiciable » à son pays, rappelant que la Slovaquie n’a jamais approuvé ce volet du dernier paquet de sanctions. Pour Bratislava, il s’agit d’un changement majeur imposé à un pays dont près de 80 % de l’approvisionnement énergétique repose encore sur le gaz russe, un niveau de dépendance reconnu de longue date par la Commission elle-même.
Fico affirme que la levée de son veto en juillet n’avait été possible que grâce à des garanties politiques offertes par Ursula von der Leyen : soutien financier à la diversification énergétique, procédures accélérées pour les aides d’État et création d’un groupe de travail dédié à la transition slovaque.
Or, selon lui, « aucune de ces promesses ne semble se matérialiser ».
Lorsque Bruxelles préparait son 18ᵉ paquet de sanctions contre Moscou, la Slovaquie avait bloqué le dossier pendant plusieurs semaines. Fico avait qualifié d’« absurde » l’idée de priver les États d’Europe centrale d’une ressource qu’ils n’ont pas encore les moyens de remplacer totalement.
Le déblocage du texte avait été présenté comme le résultat d’une négociation « équilibrée » entre Bratislava et la Commission. Mais quelques mois plus tard, le gouvernement slovaque affirme que ces concessions n’étaient qu’un trompe-l’œil.
Dans l’opposition comme dans une partie des milieux experts à Bratislava, certains estiment toutefois que le Premier ministre exagère pour justifier sa position traditionnelle de refus des sanctions énergétiques.
Inquiétudes autour de l’usage des avoirs russes gelés
Autre point de friction : le projet d’utiliser les milliards d’euros d’actifs russes gelés dans l’UE pour financer l’aide à l’Ukraine.
Robert Fico, qui a rencontré Vladimir Poutine à plusieurs reprises depuis son retour au pouvoir, y voit un terrain juridique glissant, mettant en garde contre d’éventuels actes de rétorsion et des « confiscations croisées » qui pourraient toucher les pays européens.
La Slovaquie n’est pas seule dans ce bras de fer.
La Hongrie a déjà annoncé qu’elle portera l’affaire devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Viktor Orbán considère que la stratégie de la Commission viole les traités et menace la sécurité énergétique du pays.
Son ministre des Affaires étrangères, Péter Szijjártó, a fustigé une « décision scandaleuse », accusant Bruxelles d’ignorer les priorités nationales au profit d’« impulsions politiques » liées à la guerre en Ukraine.
Pour Budapest comme pour Bratislava, la fin programmée du gaz russe pourrait provoquer une hausse brutale des coûts pour les ménages et l’industrie, au moment même où plusieurs économies d’Europe centrale subissent déjà une inflation énergétique persistante.
Depuis le début du conflit en Ukraine, la Slovaquie et la Hongrie sont les deux capitales les plus réfractaires à l’idée de sanctions énergétiques massives.
L’Allemagne, l’Autriche, l’Italie ou les pays baltes ont, eux, accéléré leur diversification ces dernières années. Mais pour Bratislava ou Budapest, la substitution complète du gaz russe reste un processus complexe, techniquement et financièrement.
Malgré les appels répétés de la Commission à réduire cette dépendance, les infrastructures d’Europe centrale – en particulier les gazoducs historiques – restent orientées vers l’Est.
L’analyse commandée par Robert Fico doit déterminer si les engagements européens peuvent être considérés comme contraignants et si l’UE a outrepassé ses compétences.
Si Bratislava décidait d’attaquer Bruxelles, ce serait l’un des conflits juridiques les plus sensibles de ces dernières années entre un État membre et les institutions européennes, avec un impact direct sur la politique énergétique de l’UE.
À l’heure où l’Union cherche à afficher son unité, notamment sur le front ukrainien, ce nouveau front ouvert en Europe centrale souligne l’ampleur des divergences internes sur l’énergétie et la stratégie de sanction.
Illustration : DR
[cc] Article relu et corrigé (orthographe, syntaxe) par ChatGPT.
Breizh-info.com, 2025, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine