Aux États-Unis, le scandale autour du système national de prélèvement et de transplantation d’organes prend une ampleur inquiétante. À travers des témoignages de familles endeuillées et de lanceurs d’alerte, une réalité bien sombre se dessine : celle d’un maillon brisé de la chaîne médicale, où le respect de la vie humaine semble avoir cédé devant les impératifs statistiques et financiers.
Le cas de Mary Ann Hollis, décédée après avoir reçu un foie porteur d’un cancer mortel non signalé, a bouleversé l’opinion publique. Opérée le 30 octobre 2022, cette mère de famille n’a jamais pu se remettre de la greffe. Cinq jours après l’intervention, les médecins annonçaient à sa famille que le foie greffé était porteur d’un adénocarcinome indifférencié. Malgré une seconde opération, Mary Ann est décédée quelques semaines plus tard. Sa fille, Heather Knuckles, dénonce aujourd’hui l’irresponsabilité d’un système qui a scellé le destin de sa mère.
Mais au-delà de ce drame personnel, une audience du Congrès américain tenue le 2 décembre 2025 a révélé des accusations bien plus larges. Des employés d’Organ Procurement Organizations (OPO) — les associations chargées de récupérer les organes de donneurs — ont témoigné de pratiques qu’ils qualifient d’inhumaines. L’une d’elles, Nyckoletta Martin, ancienne coordinatrice au sein d’une OPO du Kentucky, affirme avoir vu un patient se réveiller sur la table d’opération alors qu’on s’apprêtait à prélever ses organes. Au lieu de stopper la procédure, les médecins auraient sédaté le patient de force, comme pour faire taire une vie encore bien présente.
Selon les témoignages entendus au Congrès, des dizaines de cas auraient été recensés où des prélèvements ont commencé alors que les patients présentaient encore des signes de vie. Un rapport fédéral a confirmé ces abus, allant jusqu’à provoquer la révocation d’une OPO pour mise en danger des patients.
Jennifer Erickson, ancienne conseillère à la Maison Blanche, a parlé d’un “niveau de corruption national”, mettant en cause le modèle de financement public des OPO, financées par le contribuable mais agissant sans contrôle réel. Elle rapporte que des familles endeuillées ont été poussées à donner les organes de leurs proches dans des conditions opaques, voire trompeuses. Certaines OPO auraient même ciblé délibérément de jeunes médecins inexpérimentés, notamment dans les zones rurales, pour administrer des doses excessives de sédatifs comme le fentanyl, accélérant la dégradation de l’état des patients.
L’une des questions les plus graves posées durant l’audience reste en suspens : assiste-t-on à une forme d’euthanasie dissimulée, motivée par le rendement en organes ?
Les lanceurs d’alerte, comme Nyckoletta Martin, affirment avoir été réduits au silence après avoir tenté d’alerter les autorités. Martin a vu son accès aux dossiers bloqué, puis a été licenciée de son nouvel emploi après avoir témoigné publiquement. Elle n’est pas un cas isolé : plus d’une dizaine d’anciens employés ont signalé à la commission parlementaire des suppressions de documents, des pressions pour procéder à des prélèvements malgré des signes de vie, et des manipulations de données pour gonfler artificiellement les statistiques de réussite.
Le cœur du problème semble reposer sur la confusion croissante entre consentement éclairé et exploitation médicale. Comme le rappelle un coordinateur aujourd’hui décédé, Charles Bearden, “la frontière entre don d’organes et prédation, c’est le consentement”. Quand les familles ne sont pas informées de la vérité, ou que des organes sont prélevés sur des patients encore vivants, c’est cette frontière qui s’efface.
La structure chargée de superviser l’ensemble du système, le réseau UNOS (United Network for Organ Sharing), nie toute responsabilité et affirme respecter les lois protégeant les lanceurs d’alerte. Mais des plaintes visent désormais directement son management, accusé d’avoir intimidé ou menacé ceux qui dénonçaient les dérives.
Face à l’ampleur du scandale, la colère monte. Les familles des victimes réclament justice. Les professionnels intègres, eux, appellent à une réforme en profondeur d’un système gangréné par les dérives technocratiques et le cynisme institutionnel. À l’heure où l’industrie biomédicale étend son pouvoir au nom du progrès, ces témoignages rappellent une vérité fondamentale : la vie humaine n’est pas une variable d’ajustement.
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